Des bornes 24h/24 au cœur de Mossendjo
Des bornes jaunes flambant neuves attirent inlassablement l’œil au rond-point Chamoukoualé, à Mossendjo, dans le département du Niari. Ces équipements, installés par l’opérateur MTN, permettent aux habitants de recharger gratuitement leurs téléphones dans une ville privée de distribution publique d’électricité depuis plusieurs années.
Disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les deux stations accueillent jusqu’à quarante-cinq appareils simultanément. L’alimentation est assurée par un groupe électrogène dédié que l’entreprise ravitaille régulièrement en carburant, garantissant une tension stable et limitant les risques de surtension pour les smartphones souvent onéreux des usagers.
Dans ce coin baptisé autrefois « ville des palmiers », la coupure du réseau national est devenue si longue que certains enfants n’ont jamais vu l’éclairage public fonctionner. La lumière tamisée des écrans en charge offre ainsi un semblant de clarté, même en plein jour.
Une réponse locale à la pénurie d’énergie
MTN se dit « solidaire des communautés qu’elle dessert » et voit dans ces bornes un service de proximité vitale. Selon un responsable rencontré sur place, l’opérateur souhaitait « compenser les contraintes d’un contexte énergétique complexe sans attendre la remise en route du réseau conventionnel ».
Pour les habitants, la gratuité est un soulagement financier. Auparavant, recharger un téléphone dans une boutique coûtait jusqu’à deux cents francs CFA, soit l’équivalent d’un repas modeste. « Je préfère faire la queue ici plutôt que sacrifier mon budget légumes », glisse Mireille, mère de trois enfants.
L’initiative démontre aussi la capacité des entreprises à soutenir, de manière ponctuelle, les efforts publics en matière d’accès à l’énergie. Les autorités locales saluent d’ailleurs « une contribution bienvenue », rappelant que des discussions techniques sont en cours avec la Société nationale d’électricité pour redynamiser le réseau.
Lien social et nouvelles habitudes urbaines
Autour des totems, l’atmosphère ressemble à celle d’un petit forum improvisé. Les voisins échangent des nouvelles, commentent les derniers matchs et partagent des astuces pour cultiver manioc sur des parcelles exigües. L’attente, parfois longue, se transforme en moment de socialisation rare dans une ville au rythme ralenti.
Le dispositif minimise aussi les risques de vols. Chaque compartiment est équipé d’un clapet verrouillable, et un agent de MTN effectue des rondes discrètes. « Je peux laisser mon smartphone ici et aller acheter du pain sans crainte », assure Junior, étudiant en génie civil rentré pour les vacances.
Dans une cité où l’insécurité reste marginale, la borne renforce toutefois la vigilance nocturne. Les téléphones chargés permettent de contacter plus aisément la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers en cas d’urgence sanitaire. Les autorités locales reconnaissent que la disponibilité d’énergie, même limitée, améliore les indicateurs de sécurité communautaire.
Un modèle économique gagnant-gagnant
Pour MTN, l’opération nourrit aussi la fidélité client. L’entreprise a constaté une hausse mesurable du trafic voix et data depuis l’installation. « Sans batterie, nos clients n’utilisent pas nos services ; en les aidant à rester connectés, nous soutenons naturellement la croissance », explique un cadre commercial.
Le dispositif repose néanmoins sur un coût mensuel en carburant qui flambe avec la variation des prix internationaux. Pour réduire la facture, MTN étudie l’ajout de panneaux solaires hybrides, proposés par une start-up congolaise. Un projet pilote pourrait être lancé avant la fin de l’année.
Les commerçants alentour profitent déjà de l’affluence. Des vendeurs ambulants installent thermos de café, beignets et chargements de cartes prépayées. « Mes recettes ont doublé depuis l’arrivée des bornes », sourit Cédric, qui tenait jadis un modeste kiosque de journaux. L’engouement crée un micro-écosystème économique durable.
Vers des solutions durables pour l’électricité
Les habitants espèrent toutefois un retour de l’électricité domestique. La mairie signale que des travaux de réhabilitation du poste de transformation sont inscrits au budget communal, avec un accompagnement technique du ministère de l’Énergie. L’objectif est de réalimenter partiellement les quartiers prioritaires dès l’année prochaine.
Des ONG locales plaident pour une approche décentralisée combinant microbarrages et photovoltaïque. « Le Congo dispose d’un potentiel solaire supérieur à mille huit cents kilowattheures par mètre carré et par an », rappelle l’ingénieur Isidore Mabiala. Selon lui, l’expérience des bornes prouve l’appétence citoyenne pour l’énergie verte.
En attendant, la vie s’organise. Les ménages adaptent leurs horaires, cuisent le repas familial avant le coucher du soleil et confient parfois les devoirs des enfants aux lampes torches rechargeables. Dans cet environnement, la capacité de joindre un parent ou un médecin reste un facteur de résilience.
Plusieurs analystes notent que le secteur privé, les collectivités et les citoyens convergent vers la même priorité : garantir un service minimum d’électricité. Ce consensus ouvre la porte à des partenariats innovants, encouragés par les politiques de diversification économique prônées au niveau national.
À Mossendjo, les deux bornes jaunes ne résoudront pas seules la crise énergétique, mais elles symbolisent un dynamisme local qui refuse l’immobilisme. Entre ingénierie improvisée et solidarité quotidienne, la ville forge un récit d’adaptation dont d’autres localités du Congo pourraient bientôt s’inspirer.