Ouverture stratégique à Shanghai
Des lampions rouges éclairaient le quartier financier de Pudong lorsque l’African Energy Chamber a levé le rideau sur son antenne internationale de Shanghai. Cette inauguration symbolise une volonté partagée : lier plus étroitement les ambitions africaines en matière d’énergie aux atouts industriels et financiers chinois.
Installé à la tête du bureau, le docteur Bieni Da s’est engagé à faciliter un dialogue permanent entre entreprises, banques et gouvernements. L’objectif déclaré vise une coopération de long terme, respectueuse des stratégies nationales, tout en ouvrant aux investisseurs chinois des projets robustes sur l’ensemble du continent.
La chambre africaine de l’énergie veut accélérer
Depuis Brazzaville, le secrétaire général adjoint de la Chambre rappelle que l’Afrique ne veut plus être simplement un réservoir de matières premières. « Notre but est d’apporter des solutions locales à la pauvreté énergétique », explique-t-il, saluant la capacité de la place financière chinoise à réunir des capitaux.
Les estimations des experts situent le déficit annuel de financement énergétique africain entre trente et cinquante milliards de dollars. En mettant un pied à Shanghai, la Chambre espère attirer une part substantielle de ce flux et rendre bancables des initiatives privées ou publiques trop souvent sous-capitalisées.
Capital chinois pour projets congolais
Le Congo-Brazzaville figure parmi les premiers pays susceptibles de bénéficier de cette dynamique. Le champ de Bango Kayo, opéré par l’entreprise chinoise Wing Wah, illustre déjà ce rapprochement stratégique. Cet investissement de deux milliards de dollars vise à valoriser des gaz auparavant torchés sur le marché intérieur.
Selon la direction générale des hydrocarbures, la première unité produira un million de mètres cubes par jour d’ici fin 2024, avant que deux trains supplémentaires n’élargissent la capacité à cinq millions. Ces volumes contribueront à sécuriser l’alimentation des centrales électriques de Pointe-Noire et contrôler les coûts internes.
Au-delà du pétrole, le ministère congolais des Mines et de la Géologie entrevoit déjà l’arrivée d’investisseurs asiatiques dans le solaire et la production de batteries. Les discussions portent sur la transformation locale du manganèse de Moanda en composants pour véhicules électriques, créant ainsi des emplois qualifiés pour la jeunesse.
Des succès concrets déjà visibles
Les majors publiques chinoises ne sont pas en reste. CNOOC négocie l’accès au bloc ultra-profond 24 en Angola, tandis que CNPC participe à la production de gaz naturel liquéfié au large du Mozambique. Ces opérations démontrent un intérêt durable et une expertise reconnue sur les marchés africains.
Pour le Congo, ces références pèsent lourd lors des échanges sur de futurs gisements offshore. « L’expérience de nos partenaires dans des environnements complexes nous rassure », confie un cadre de la Société nationale des pétroles, à propos du début d’exploration sur le bloc Mer Très Profonde.
Selon un rapport publié par l’agence Fitch, les projets appuyés par des banques chinoises affichent un taux de réalisation supérieur à soixante-dix pour cent en Afrique subsaharienne. Ce pourcentage, supérieur à la moyenne mondiale, renforce la crédibilité de la stratégie de la Chambre africaine de l’énergie.
Technologies propres et transfert de compétence
Au-delà du financement, la coopération cible l’innovation. L’accord-cadre signé à Shanghai mentionne explicitement la recherche en intelligence artificielle appliquée à la maintenance des pipelines et la formation de techniciens africains sur les batteries au lithium. Des modules de e-learning en français seront hébergés sur des plateformes chinoises.
Le professeur Armel Ossébi, de l’Université Marien-Ngouabi, y voit un tournant. « Nos ingénieurs pourront tester sur le terrain des algorithmes prédictifs au lieu de seulement les étudier en classe », souligne-t-il, estimant que ce transfert de savoir réduira la dépendance aux services de maintenance étrangers.
Les autorités congolaises insistent toutefois sur l’importance d’un contenu local élevé. Les appels d’offres exigeront qu’une part significative de la chaîne de valeur soit réalisée dans le pays, depuis la fabrication de pièces jusqu’au service après-vente, afin de soutenir les petites et moyennes entreprises nationales.
Un agenda de rencontres ambitieux
Pour soutenir cette feuille de route, plusieurs forums auront lieu chaque semestre à Shanghai. Gouverneurs de banques, ministres de l’Énergie et start-ups y débattront de la tarification du carbone ou de la logistique maritime. Brazzaville prévoit d’y dépêcher des délégations mixtes public-privé.
« La ville deviendra une plaque tournante pour ceux qui cherchent des partenaires capables de conjuguer rapidité d’exécution et coûts maîtrisés », anticipe NJ Ayuk, président exécutif de la Chambre. Il évoque déjà la préparation d’ateliers sur le financement vert et l’hydrogène bas carbone.
Jeunesse et entrepreneuriat
Les incubateurs brazzavillois observent déjà un regain d’intérêt. Plusieurs start-ups orientées vers les services de mesure intelligente préparent des prototypes en attendant des partenariats avec les laboratoires chinois.
Pour Calvin Mabiala, créateur de Congo-Data, l’initiative arrive à point nommé : « L’accès aux capteurs industriels et aux capitaux explique souvent la réussite des projets digitaux. Shanghai peut nous l’offrir ».
Une dynamique à suivre
Alors que le continent définit ses trajectoires énergétiques, l’ancrage de la Chambre à Shanghai place l’Afrique centrale, et le Congo en particulier, au cœur d’un réseau où capitaux, technologie et expertise circulent plus vite. Les prochains mois diront comment cette alliance durable profitera à l’économie réelle.