Une session parlementaire sous haute vigilance budgétaire
Les rideaux sont tombés sur la neuvième session ordinaire de l’Assemblée nationale, ponctuée, mardi, par un discours dense de son président Isidore Mvouba. L’hémicycle, rempli malgré la touffeur de fin de saison sèche, a pris le temps de dresser le chemin parcouru depuis janvier.
Dans un contexte marqué par la reprise graduelle post-pandémie et l’ajustement des cours du brut, le président a rappelé que la mission première du Parlement restait de consolider la stabilité macro-économique, tout en veillant à ne pas freiner l’élan d’assainissement budgétaire amorcé depuis 2020.
Trente-deux dossiers ont atterri sur les pupitres des élus ; vingt-sept ont franchi la rampe, preuve, selon Mvouba, de « la capacité des députés à répondre à l’urgence législative ». Les débats, parfois vifs mais courtois, ont débouché sur un vote quasi consensuel.
Le contrôle parlementaire, moteur de bonne gouvernance
Devant la presse, le président a utilisé une formule imagée, promettant de « marquer le gouvernement à la ceinture ». L’expression renvoie à la vigilance sportive : proche de l’exécutif, mais jamais complaisant, le Parlement entend suivre chaque passe budgétaire et chaque engagement ministériel.
Depuis la Constitution de 2015, les instruments de contrôle se sont élargis : commissions ad hoc, auditions publiques, questions d’actualité retransmises en direct. Mvouba a rappelé que ces mécanismes nourrissaient la transparence sans pour autant entraver la marche des grands chantiers présidentiels, notamment ceux liés aux infrastructures.
Les parlementaires évoquent aussi la mise en service prochaine d’un tableau de bord numérique où seront consignés diligences et retards des ministères. « Les citoyens pourront suivre l’état d’avancement des promesses », explique la députée Sita Mabiala, membre de la Commission économie et finances.
Côté gouvernement, le ministre délégué au Budget, Ludovic Ngatsé, se dit « ouvert à un dialogue critique ». Il estime que la meilleure façon de rassurer les partenaires financiers demeure l’existence d’un contrôle parlementaire ferme mais constructif, gage de continuité des réformes engagées.
Des lois tournées vers la santé et le social
Parmi les textes adoptés, la loi portant création des hôpitaux généraux de Sibiti et de Ouesso a recueilli une unanimité rare. Les deux établissements, attendus depuis une décennie, doivent être inaugurés prochainement par le chef de l’État, selon une source du ministère de la Santé.
La localité forestière de Ouesso comptera 150 lits, tandis que Sibiti affichera 120 lits et un plateau technique orienté vers la chirurgie obstétricale. Pour le professeur Fortuné Banzouzi, chirurgien à Brazzaville, « ces hôpitaux décongestionneront la capitale et réduiront les évacuations coûteuses ».
Le Parlement a également prévu une clause obligeant le gouvernement à publier chaque trimestre les indicateurs de fréquentation et de performance médicale. Une première, saluée par les organisations de la société civile, qui y voient une avancée vers un suivi plus rigoureux de la dépense publique.
Ouverture internationale : cap sur la Turquie
Autre vote remarqué : l’autorisation de ratification de la convention fiscale signée avec la Türkiye le 14 novembre 2024 à Ankara. Le texte élimine la double imposition sur le revenu et facilite l’échange d’informations entre administrations, un signal fort envoyé aux investisseurs.
Selon le fiscaliste Joseph Makounda, l’accord devrait « accroître la visibilité juridique du Congo » et réduire la pression fiscale ressentie par les petites filiales turques actives dans le bâtiment. Des projets de cimenteries et de centrales solaires sont déjà cités parmi les bénéficiaires potentiels.
Brazzaville poursuit ainsi sa stratégie de diversification des partenariats, amorcée avec la Chine et l’Inde, pour attirer des flux hors hydrocarbures. L’opposition a approuvé le texte, soulignant une ‘diplomatie économique intelligente’. Une convergence rare qui a retenu l’attention des observateurs politiques.
Perspectives économiques et attentes citoyennes
Cette session s’inscrit aussi dans la feuille de route conjointe État-CEMAC qui impose une discipline monétaire accrue. Les députés ont adopté un avis encourageant la Banque centrale à poursuivre la migration vers la norme Bâle II, indispensable à un crédit plus accessible aux PME.
La question de la dette publique a, elle, valu de longues heures de débats. Le ratio dette-PIB, passé de 98 % à 72 % en quatre ans, reste élevé. Un plan de viabilisation actualisé sera transmis au Parlement avant juin, a confirmé le ministre des Finances.
Dans les couloirs, les jeunes députés ont plaidé pour que les initiatives numériques ne soient pas reléguées au second plan. La modernisation des services publics, de l’état civil aux paiements d’impôts, est perçue comme un levier puissant pour créer des emplois urbains qualifiés.
Avant de lever la séance, Isidore Mvouba a convié les élus à préparer déjà la session budgétaire d’octobre. « Les attentes citoyennes grandissent plus vite que nos calendriers », a-t-il résumé. D’ici là, les commissions procéderont à plusieurs missions de terrain pour évaluer l’impact des lois votées.
Les réseaux sociaux bruissaient déjà de réactions, certains saluant l’allure « plus musclée » du Parlement, d’autres réclamant davantage de séances délocalisées en province.