Une sortie au goût amer
Le sifflet final à Abidjan, le 19 août, a résonné comme une douche froide dans les rues de Brazzaville. Les Diables rouges viennent de s’incliner 2-0 face au Nigeria et voient, une nouvelle fois, le train des quarts de finale filer.
Malgré deux nuls encourageants, le Congo boucle le groupe D à la dernière place, avec deux points, derrière le Soudan, le Sénégal et le Nigeria. Statistiquement, l’aventure s’arrête là, mais l’analyse des 270 minutes disputées révèle des enseignements plus nuancés.
Dans les quartiers sud de la capitale, les discussions post-match se prolongent jusqu’à l’aube. Entre regrets et fierté, chacun reconnaît que l’équipe n’a pas démérité, mais qu’elle a payé cash la moindre baisse d’intensité, particulièrement pendant les secondes périodes.
Un bilan statistique sans appel
En trois rencontres, les Diables rouges ont marqué une seule fois, sur penalty, et encaissé trois buts. Le ratio est sévère pour une sélection qui, lors des éliminatoires, s’appuyait sur une défense compacte et une transition offensive jugée prometteuse par les techniciens locaux.
Le Nigeria, par comparaison, a tenté 17 tirs cadrés contre 9 pour le Congo. Au tableau des passes réussies, les Congolais affichent 78 % de réussite, soit huit points de moins que les Soudanais. Des chiffres qui illustrent un déficit de dynamisme en zone décisive.
Le sélectionneur, Bruno Itoua, rappelle toutefois que l’équipe a concédé le moins de fautes du groupe, signe d’une discipline collective à conserver. « Nous avons su rester maîtres de nos nerfs. Il nous reste à transformer cette rigueur en efficacité devant le but », insiste-t-il.
Le facteur préparation
Le championnat national n’ayant pas encore repris, plusieurs titulaires manquaient de rythme. Selon un préparateur physique de la LINAF, le total de minutes compétitives par joueur congolais était, en moyenne, inférieur de 30 % à celui des adversaires ouest-africains.
Faute de fenêtres internationales adaptées, la sélection s’est réunie à deux reprises seulement avant le déplacement en Côte d’Ivoire. Les séances vidéo ont permis d’affiner le plan de jeu, mais elles ne remplacent pas l’intensité d’une opposition amicale de haut niveau, regrettent les analystes.
Gestion mentale et primes
Si la question financière n’explique pas tout, elle a parasité la concentration. La prime de qualification promise avant le tournoi a été confirmée tardivement, alimentant les rumeurs sur les réseaux sociaux. Le staff a dû multiplier les réunions pour éteindre d’éventuelles tensions.
Le psychologue sportif, Jean-Marc Moukala, souligne cependant le caractère soudé du groupe. « Aucune revendication publique n’a émergé, preuve que l’encadrement a su garder la main. À terme, cette cohésion peut devenir une force si elle s’associe à plus de compétitions », estime-t-il.
Des motifs d’espoir réels
Au-delà des résultats bruts, plusieurs jeunes ont gagné en visibilité. Le latéral droit Dieudonné Makita, 21 ans, a terminé la phase de groupes avec le meilleur pourcentage de centres réussis du tournoi, devant des concurrents évoluant dans des ligues plus renommées.
La paire Ngatsongo-Mbemba, au milieu, a récupéré en moyenne 11 ballons par match. Une statistique saluée par l’ancien international Christopher Samba, consultant pour la télévision ivoirienne : « Ce duo a le profil moderne que recherchent aujourd’hui les recruteurs africains et européens ».
Dans les tribunes, plusieurs agents ont déjà pris rendez-vous avec la fédération pour suivre ces talents lors des prochaines qualifications CAN U23. Pour ces joueurs, l’élimination précoce n’efface pas l’opportunité d’une carrière qui pourrait, à terme, renforcer la sélection senior.
La parole aux acteurs
Interrogé à la descente de l’avion à Maya-Maya, le capitaine Bercy Lenga a reconnu une responsabilisation nécessaire : « Nous devons élever notre niveau d’exigence à l’entraînement et créer davantage d’automatismes. Le talent existe, il faut le traduire en victoires ».
Le président de la Fédération congolaise de football, Guy-Parfait Itoua, a, pour sa part, mis en avant la trajectoire globale : « Nous sortons sans doute trop tôt, mais nous sortons grandis. Dès septembre, un programme de matchs amicaux sera annoncé pour maintenir la flamme ».
Cap sur les prochaines échéances
La prochaine fenêtre officielle, prévue en mars pour les éliminatoires du Mondial 2026, laisse six mois de travail. La fédération envisage un stage en altitude à Oyo afin d’optimiser la condition aérobie et de renforcer le dosage entre possession et pressing.
Sur le plan administratif, un partenariat avec la ligue ivoirienne est également annoncé pour multiplier les échanges d’arbitres et d’analystes vidéo. Une manière de s’immerger durablement dans un environnement compétitif et d’inculquer aux jeunes la culture du haut niveau.
Les supporters, eux, promettent déjà de remplir le stade Massamba-Débat lors des prochains matchs. La déception de l’élimination ne gomme pas la passion populaire ; elle l’attise. En football comme ailleurs, le Congo compte sur ses forces vives pour transformer les revers en tremplin.