Une promotion stratégique chez le géant MTN
Le groupe sud-africain MTN, premier opérateur mobile du continent avec 290 millions d’abonnés, propulse Karl Toriola au rang de vice-président pour l’Afrique francophone, une promotion censée accélérer la conquête de marchés dynamiques tels que le Congo-Brazzaville.
Depuis Lagos, où il dirige MTN Nigeria depuis mars 2021, le dirigeant nigérian supervisera désormais les opérations au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Bénin et dans les autres filiales francophones, un périmètre pesant déjà plus d’un quart des revenus du groupe.
Son expérience antérieure comme vice-président Afrique de l’Ouest et centrale lui offre une connaissance fine des régulations, des usages numériques et des infrastructures de connectivité propres à chaque pays, atouts jugés décisifs pour faire progresser la couverture 4G et préparer l’avènement de la 5G.
Pourquoi l’Afrique francophone attire les télécoms
Selon la GSMA, la région affiche l’un des taux de pénétration mobile les plus prometteurs d’Afrique : 54 % des habitants possèdent un smartphone, et la consommation de données devrait doubler d’ici 2027 grâce à l’essor du commerce en ligne et des fintech.
Le marché congolais illustre ce potentiel : les dernières statistiques de l’Agence de régulation des postes et communications électroniques estiment à 8 millions le nombre de cartes SIM actives, une base en croissance régulière portée par l’explosion des transferts d’argent mobile.
Dans un communiqué, MTN souligne que les jeunes urbains, très présents à Brazzaville, exigent des forfaits abordables mais aussi des contenus locaux en streaming, des jeux vidéo sur cloud et des outils d’apprentissage en ligne, autant de segments que le groupe souhaite monétiser.
Portrait d’un dirigeant taillé pour l’expansion
Diplômé en génie électrique de l’Université de Lagos puis de l’Imperial College de Londres, Karl Toriola a débuté chez Ericsson avant de rejoindre MTN il y a presque vingt ans, gravissant méthodiquement les échelons jusqu’à piloter la plus rentable des filiales du groupe.
Sous sa direction, MTN Nigeria a franchi la barre des 80 millions d’abonnés et enregistré un chiffre d’affaires de 11,2 milliards de dollars en 2023, malgré un environnement macroéconomique marqué par la dévaluation du naira et l’inflation galopante.
« Nous allons capitaliser sur ce succès pour apporter une connectivité plus fiable et plus inclusive aux communautés francophones », a-t-il déclaré lors d’une visioconférence avec les équipes de Yaoundé et de Pointe-Noire, insistant sur l’importance d’investir dans la fibre et les data centers régionaux.
Enjeux pour le Congo-Brazzaville
Dans la capitale congolaise, MTN a déjà déployé plus de 700 sites 4G, couvrant la quasi-totalité des arrondissements ; l’arrivée de Toriola devrait accélérer la densification du réseau, notamment dans les quartiers périphériques et sur le corridor industriel reliant Brazzaville à Kintélé.
La société a investi plus de 40 milliards de francs CFA sur les six dernières années pour moderniser ses infrastructures, une enveloppe saluée par les autorités qui voient dans la transformation numérique un levier majeur de diversification économique, complémentaire aux hydrocarbures.
D’après le ministère des Postes, l’écosystème local compte plus de cent start-up actives dans le paiement, l’agritech ou l’edtech ; la priorité est de leur garantir une bande passante stable leur permettant de toucher les provinces sans perdre en qualité de service.
Perspectives et gouvernance du groupe
La nomination de Karl Toriola s’accompagne d’un futur remaniement : Ferdinand Moolman, administrateur de MTN Nigeria, prendra en 2025 la direction générale de MTN Afrique du Sud, cœur historique du groupe, témoignage d’une politique interne favorisant la mobilité et la transmission des savoir-faire.
Pour les actionnaires, l’enjeu est double : maintenir une croissance à deux chiffres sur les marchés anglophones tout en accroissant la contribution des filiales francophones, dont la marge d’Ebitda reste supérieure à 40 % grâce à une concurrence moins dense.
Les analystes de Vetiva Capital estiment que le plan d’investissement de 2,5 milliards de dollars prévu entre 2024 et 2026 pourrait porter le trafic de données du groupe à 18 exaoctets par an, soit une hausse de 65 % par rapport à 2023.
Cependant, la réussite passera aussi par le dialogue avec les administrations fiscales et les régulateurs, afin de garantir une tarification des fréquences compatible avec les objectifs d’inclusion numérique fixés par les gouvernements, dont celui du Congo-Brazzaville.
Le portefeuille de produits en préparation comprend la télévision mobile, la télésanté et des plateformes de formation professionnelle ciblant les métiers du numérique ; des domaines où MTN envisage des partenariats public-privé pour maximiser l’impact social et soutenir la montée en compétence de la jeunesse.
Dans son dernier rapport ESG, le groupe rappelle qu’il a investi 17 millions de dollars dans des programmes d’énergie solaire pour ses tours au Congo, réduisant de 38 % les émissions liées au diesel, une démarche alignée sur les engagements climatiques nationaux.
À court terme, l’arrivée de Karl Toriola devrait donc créer une émulation bienvenue dans l’écosystème numérique congolais, en phase avec la vision des autorités d’un pays mieux connecté, capable de valoriser ses talents par l’innovation et de saisir les opportunités offertes par la nouvelle économie africaine.