Un bilan pour la mi-année 2025
Le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage vient de publier son rapport semestriel. Entre janvier et fin juillet, huit trafiquants ont été fixés sur leur sort par la justice congolaise, dont cinq envoyés derrière les barreaux pour des peines fermes.
Le document, rendu public à Brazzaville le 20 août, confirme le renforcement des contrôles sur les principales routes forestières et fluviales. Les chiffres, validés par le ministère de l’Économie forestière, traduisent une fermeté accrue face aux réseaux organisés.
Les conclusions du rapport sont saluées par plusieurs ONG environnementales qui soulignent la rigueur des procédures et l’effet dissuasif des verdicts prononcés par les tribunaux de Dolisie, Owando et Impfondo.
Des saisies qui parlent d’elles-mêmes
Au cours des quatre opérations phares citées dans le rapport, les forces mixtes ont mis la main sur des peaux de panthère impeccablement tannées, des quantités notables d’écailles de pangolin géant ainsi que des pointes d’ivoire taillées pour l’export.
Les saisies totalisent plusieurs dizaines de kilos de matière illégale. Selon un officier de la gendarmerie, ces trophées étaient destinés à des marchés sous-régionaux, puis à un export long-courrier vers l’Asie par des réseaux bien structurés.
« Le simple fait d’exhiber ces pièces au tribunal rappelle la valeur inestimable de notre patrimoine naturel », confie un magistrat au sortir d’une audience publique tenue à Owando.
Cartographie des interpellations
Dolisie, carrefour commercial du Niari, concentre deux arrestations majeures effectuées en flagrant délit de transaction. Les autres actions se sont déroulées à Owando, capitale de la Cuvette, et à Impfondo, porte d’entrée vers les vastes marécages de la Likouala.
Ces localités servent souvent de hubs logistiques, entre entrepôts discrets et pistes fluviales secondaires. L’utilisation croissante de motos rapides et de pirogues motorisées complique la surveillance, reconnaît un agent des Eaux-Forêts.
Le rapport note néanmoins une amélioration du maillage territorial, grâce à la création de postes avancés équipés de radios numériques et à la rotation régulière des patrouilles.
Méthodes d’enquête et innovations
Pour identifier les réseaux, les enquêteurs ont recouru à des écoutes téléphoniques autorisées par les tribunaux, croisées avec le suivi de paiements mobiles. Les données ont été complétées par des drones permettant de vérifier des caches en forêt.
Le capitaine Mbemba, responsable de la cellule renseignement, explique que l’analyse des conversations converties en métadonnées « a permis d’intercepter un convoi avant qu’il ne traverse la frontière nord ».
Cette approche technologique est pilotée par un groupe interministériel qui associe la police scientifique, l’Agence nationale de cybersécurité et le PALF, financé en partie par des partenaires multilatéraux.
Impact écologique et économique
Le pangolin géant figure sur la Liste rouge de l’UICN. Ses écailles atteignent jusqu’à 1 300 dollars le kilo sur certains marchés asiatiques, estime l’ONG TRAFFIC. La capture illégale accentue la pression sur cette espèce déjà vulnérable.
Les ivoires d’éléphant représentent une perte directe pour l’écotourisme, secteur que Brazzaville veut dynamiser dans le cadre du Plan national de développement 2022-2026. Moins d’éléphants signifie aussi moins d’emplois locaux liés aux safaris photographiques.
Selon l’économiste Euloge Ibara, « l’investissement consenti pour protéger la biodiversité demeure inférieur au coût réel de sa disparition, évalué à plusieurs millions de dollars de services écosystémiques perdus chaque année ».
Une synergie institutionnelle renforcée
La gendarmerie nationale et les services des Eaux-Forêts travaillent désormais via un centre de commandement commun hébergé au ministère de l’Intérieur. Ce guichet unique accélère la circulation des procès-verbaux et la mise sous scellés des produits saisis.
Le ministère de l’Économie forestière rappelle que la loi n°37-2008, modifiée en 2020, fixe des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et dix millions de francs CFA d’amende pour détention illégale d’espèces intégralement protégées.
PALF apporte une assistance technique, notamment en formant des inspecteurs habilités à reconnaître la contrefaçon de permis et à procéder à des prélèvements ADN pour relier un trophée à une carcasse retrouvée.
Paroles d’acteurs et perception citoyenne
À Brazzaville, Louise, étudiante en biologie, voit dans ces condamnations « un signal positif pour la jeune génération qui veut un avenir où la faune reste observable ailleurs que dans les manuels ».
Du côté des commerçants de Dolisie, certains redoutent des contrôles plus stricts sur les transports de colis, mais la majorité estime que l’équilibre entre économie légale et préservation est nécessaire.
Les ONG locales saluent la transparence grandissante des autorités. Le Réseau congolais des journalistes environnementaux relève que les audiences publiques filmées créent une conscience collective nouvelle autour de la légalité.
Perspectives pour la fin d’année
Le ministère prévoit d’étendre les patrouilles mixtes vers la Sangha, couloir clé pour le transit vers le Cameroun. L’acquisition de deux vedettes rapides devrait réduire le temps d’intervention sur les cours d’eau sinueux.
En parallèle, un protocole d’échange d’informations sera signé avec les parquets de Bangui et Libreville afin de suivre la trace des réseaux transfrontaliers. Le gouvernement espère ainsi renforcer l’efficacité judiciaire au-delà des frontières nationales.
Enfin, une campagne de sensibilisation ciblant les mototaximen, souvent sollicités comme convoyeurs, est programmée pour octobre. L’objectif est de transformer ces acteurs de terrain en sentinelles de proximité contre le trafic animal.