Cérémonie d’ouverture symbolique
Sous le ciel brumeux de Kintélé, le général de division Guy Blanchard Okoï a donné le coup d’envoi de Maneco-6, rebaptisée Opération Tambo, devant les drapeaux étincelants des écoles militaires et les applaudissements discrets des futures élites de défense.
Cette sixième manœuvre école prolonge un cycle entamé en 2012 et devenu un jalon attendu du calendrier de l’Académie militaire Marien-Ngouabi, laboratoire où se façonnent les officiers amenés à commander sur les théâtres contemporains.
Objectifs tactiques et technologiques
Maneco-6 se présente comme un exercice de poste de commandement visant à éprouver la prise de décision dans un groupement de forces mixtes, tout en testant la fluidité des canaux numériques qui irriguent les bataillons terre, air et mer.
Le scénario, entièrement fictif, place les stagiaires face à une zone frontalière instable, sillonnée par des groupes armés alimentés par des trafics de bois précieux et de carburant, avec la complicité voisine d’un État imaginaire baptisé Adimba.
Pour rétablir l’ordre, un groupement mixte doit reconquérir les localités, sécuriser la voie fluviale et contrôler l’espace aérien, puis instaurer une gouvernance de transition adossée aux forces de police, à la douane et aux eaux-forêts.
Un scénario proche de la réalité terrain
Cette architecture multiactorielle se traduit sur le terrain par la présence d’élèves-officiers d’active, de stagiaires du cours d’état-major interarmées et de futurs commandants d’unité, épaulés par des cadres issus de la gendarmerie et des services fiscaux.
Le colonel-major Jean-Pierre Bouka souligne que le défi central reste « l’appropriation complète d’un cycle décisionnel accéléré, où chaque minute perdue pénalise la manœuvre globale », rappelant que la guerre moderne n’attend pas la fin d’un briefing PowerPoint.
Dans la salle informatique, les serveurs tactiques modélisent en temps réel l’avancée des unités, tandis que des officiers spécialistes de la cyberdéfense injectent des incidents simulés afin de vérifier la résilience des réseaux et l’endurance psychologique des opérateurs.
Interopérabilité renforcée
L’interopérabilité, érigée en mot d’ordre, s’exprime aussi sur le terrain d’entraînement de Loufoulakari, où les cours d’artillerie croisent les détachements fluviaux. « Terre, air, mer : aucun angle mort ne doit subsister », insiste le commandant de l’escadre aérienne.
Durant dix jours, les binômes d’élèves rédigent ordres d’opérations, matrices logistiques et plans civilo-militaires avant d’être notés par un jury mêlant instructeurs nationaux et conseillers internationaux invités, notamment venus du Cameroun et de la République centrafricaine.
Les organisateurs vantent un dispositif à coût maîtrisé, financé principalement sur le budget de fonctionnement des écoles, avec un appui logistique du ministère de la Défense qui fournit carburant, rations et munitions d’exercice.
Évaluation et perspectives de carrière
Selon plusieurs instructeurs, l’évaluation finale influencera directement l’affectation des meilleurs stagiaires dans les bataillons de projection, confirmant la dimension de pré-sélection évoquée par le général Okoï lors de son allocution d’ouverture.
Pour le capitaine-élève Nadia Mouyabi, première femme chef de section sur l’exercice, « la complexité est exaltante ; nos actions seront jugées non sur le genre mais sur la pertinence du raisonnement tactique ». Un symbole d’ouverture salué par ses camarades.
Sécurité régionale et développement
Au-delà du volet académique, Maneco-6 s’inscrit dans un contexte régional marqué par la persistance de foyers d’insécurité le long du corridor Congo-Oubangui. Les autorités défendent une approche collective pour couper les routes d’approvisionnement illicites et prévenir les débordements sur le territoire national.
Au ministère de l’Économie forestière, on rappelle que les trafiquants fictifs de l’exercice s’inspirent de circuits bien réels, responsables d’un manque à gagner évalué à dix-sept milliards de francs CFA chaque année sur l’exportation du kevazingo.
Insérer la lutte anti-contrebande dans la formation militaire répond ainsi à une vision globale où sécurité et développement se renforcent mutuellement, explique un économiste de l’université Marien-Ngouabi, notant que les corridors apaisés attirent davantage d’investisseurs nationaux.
Santé et environnement intégrés
Les équipes médicales de l’armée participent aussi, simulant évacuation de blessés et campagnes de vaccination. Le service de santé veut tester sa capacité à déployer, en moins de trois heures, un poste avancé traitant cinquante patients civils.
Enfin, la dimension environnementale n’est pas oubliée : des relevés de pollution sont intégrés au jeu de rôle afin de sensibiliser les futurs commandants à la protection des mangroves, enjeu crucial pour les communautés riveraines du fleuve Congo.
Vers Maneco-7
Lorsque les lampes du poste de commandement s’éteindront, un livre d’enseignements sera rédigé afin d’alimenter la prochaine édition. Déjà, plusieurs cadres parlent d’une version Maneco-7 axée sur l’aide humanitaire, signe que l’école militaire entend rester en phase avec les défis changeants.