Une dynamique nationale pour l’employabilité
Sous le grand hall lumineux du ministère de la Jeunesse, cent quinze visages reflétaient autant d’histoires nouvelles. Sous l’œil des partenaires internationaux, la première promotion du programme Stagi a reçu, le 22 août, ses attestations de fin de stage.
La cérémonie, sobre mais symbolique, s’est doublée de la signature d’un accord crucial entre le Fonds national d’appui à l’employabilité et à l’apprentissage et Eni Congo, ouvrant la voie au placement immédiat de trente stagiaires supplémentaires.
Dans la même séquence, le comité de pilotage du projet YouthConnekt Congo a lancé ses travaux, donnant une vision cohérente aux différents dispositifs d’intégration socio-économique soutenus par les Nations unies et le gouvernement.
La première cohorte en chiffres
Au terme de douze mois, le programme totalise 115 placements en entreprise, 500 jeunes formés au module « Je crée mon entreprise », 467 mentorés et 615 bénéficiaires d’un coaching sur mesure, selon les données partagées durant la cérémonie.
Plus qu’une litanie statistique, ces chiffres racontent des trajectoires : celles d’étudiants qui ont découvert la rigueur du monde pétrolier, la logistique portuaire ou l’administration numérique, domaines stratégiques dans la diversification de l’économie congolaise.
« Nous sommes sortis des amphithéâtres pour manipuler de vraies machines », confie Mireille Kabouita, fraîche diplômée en génie industriel, désormais prête à postuler sans appréhension face aux recruteurs.
Le ministre Hugues Ngouelondelé voit dans ces résultats la preuve qu’un dispositif ciblé, fondé sur la pratique et l’accompagnement psychologique, peut inverser durablement la courbe du chômage des primo-demandeurs.
Un partenariat public-privé renforcé
La signature entre le Fonea et Eni Congo illustre la volonté du secteur privé d’investir dans le capital humain local plutôt que de chercher à l’extérieur des compétences déjà rares.
Andrea Barberi, directeur général d’Eni Congo, a rappelé que l’entreprise compte plus de 85 % de salariés congolais et que l’objectif est d’atteindre un taux de nationalisation des postes techniques proche de 95 % d’ici cinq ans.
Robert Patrick Ntsibat, directeur général du Fonea, insiste sur l’effet d’entraînement : chaque stagiaire formé crée, selon l’agence, 1,4 emploi indirect dans la chaîne de sous-traitance et de services.
Les universités publiques, invitées à la table des négociations, doivent désormais harmoniser leurs maquettes pédagogiques avec les référentiels de compétences collectés pendant le stage, afin de réduire l’écart entre théorie et pratique.
Cette approche partenariale, saluée par le Pnud, s’aligne sur les Objectifs de développement durable, notamment la cible 8.6 qui vise à réduire drastiquement la proportion de jeunes sans emploi ni formation.
Perspectives pour la seconde cohorte
Les inscriptions à la deuxième cohorte se font désormais en ligne, digitalisation jugée essentielle pour élargir le vivier de candidats au-delà des centres urbains et améliorer la transparence du processus.
L’espace membre développé par le Fonea intègre un algorithme de jumelage qui associe automatiquement chaque profil à trois offres compatibles, limitant les longues attentes souvent décriées par les demandeurs d’emploi urbains.
Le programme table sur 200 places en entreprise et l’intégration de modules sur l’intelligence artificielle appliquée à l’agro-industrie, secteur que le gouvernement souhaite moderniser pour réduire la dépendance alimentaire.
Selon Adama Dian Barry, représentante du Pnud, « l’expérience de la première promotion prouve que la jeunesse congolaise possède une soif d’apprentissage qu’il faut simplement canaliser avec des moyens adaptés ».
Un budget additionnel de 1,8 milliard de francs CFA, issu en partie du Fonds de solidarité africaine, sera mobilisé afin de renforcer la capacité des tuteurs et moderniser les équipements de formation.
Un tableau de bord partagé avec les partenaires permettra de suivre en temps réel l’évolution des indicateurs clés : taux d’embauche post-stage, création d’entreprises, fiscalité générée et satisfaction des mentors.
Des ambitions alignées sur la stratégie gouvernementale
Le Plan national de développement 2022-2026 fait de l’employabilité des jeunes un pilier transversal, avec l’objectif de ramener le taux de chômage urbain à 10 % d’ici fin 2026.
Stagi s’inscrit dans cette trajectoire et, selon le ministère de tutelle, fournit déjà une cartographie fine des compétences disponibles, outil précieux pour attirer les investisseurs dans les zones économiques spéciales.
Pour de nombreux économistes, la création de valeur ne dépend plus seulement des infrastructures physiques mais de la rapidité à mobiliser un capital humain qualifié, mobile et connecté à l’écosystème régional.
La Banque africaine de développement estime que chaque point gagné en taux d’employabilité ajoute 0,3 % de croissance au produit intérieur brut du Congo, un argument qui justifie l’accélération des programmes comme Stagi.
En attendant les prochains bilans, les jeunes diplômés repartent avec un badge de compétence et, surtout, l’assurance d’appartenir à une génération qui participe activement à la construction économique du pays.
Le rendez-vous est pris pour août prochain ; d’ici là, chaque signature de contrat obtenue par les diplômés consolidera l’idée qu’une politique publique pensée sur la durée peut produire des résultats tangibles, loin des effets d’annonce.