La vigilance nationale face au trafic de faune
Sous l’immense canopée congolaise, la lutte contre la délinquance faunique a gagné en intensité depuis janvier. Les autorités affichent un bilan provisoire convaincant, fruit d’une coordination renforcée et d’une vigilance accrue aux postes de contrôle routier et fluvial.
Neuf présumés trafiquants, arrêtés dans trois départements, ont déjà comparu devant les tribunaux compétents. Huit d’entre eux dorment désormais en prison, rappelant que la justice du pays se veut ferme à l’égard de ceux qui menacent la biodiversité.
Des opérations ciblées de janvier à juillet 2025
Les officiers de la gendarmerie et les agents des eaux et forêts ont mené quatre descentes simultanées à Dolisie, Owando et Impfondo. À chaque fois, les suspects ont été interceptés en flagrant délit, souvent au moment de négocier ivoires ou peaux rares.
Selon un commandant rencontré à Owando, l’alerte est souvent donnée par des riverains soucieux de protéger leur patrimoine naturel. « Le renseignement communautaire fait la différence », confie-t-il, soulignant la participation active des jeunes des quartiers périphériques.
Couplage forces de l’ordre et experts forestiers
Le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, plus connu sous l’acronyme PALF, fournit un appui technique constant. Ses écogardes épaulent les forces publiques, documentent les preuves et veillent au respect des procédures judiciaires.
Pour Florent Moukassa, ingénieur forestier, la complémentarité fonctionne : « La gendarmerie sécurise, nous, nous collectons la science. Les magistrats disposent ainsi de dossiers solides, difficilement contestables ». Des formations mixtes sont programmées, notamment sur la cyber-traçabilité des filières.
Un cadre juridique qui montre ses muscles
La loi 37-2008, adoptée il y a plus de quinze ans, prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et dix millions de francs CFA d’amende pour possession d’espèces intégralement protégées. Les juges n’hésitent plus à appliquer le maximum lorsque les réseaux sont organisés.
Le parquet de Dolisie a ainsi requis, puis obtenu, trois ans fermes contre deux trafiquants de pangolin. Une jurisprudence saluée par les ONG, qui y voient un signal fort en direction des intermédiaires parfois liés au crime transfrontalier.
Le rôle déterminant des médias urbains
À Brazzaville, les radios urbaines consacrent désormais des créneaux réguliers à la question. Reportages de terrain, débats, jingles en langues locales : la pédagogie médiatique cherche à transformer l’indignation en réflexes citoyens contre l’achat d’ivoire ou de viande de brousse.
Sur les réseaux sociaux, de jeunes influenceurs congolais relaient les arrestations avec des infographies percutantes. Leur audience grandissante au-delà de la capitale contribue à placer la criminalité faunique dans le quotidien numérique des lycéens et des étudiants du pays.
Impacts socio-économiques pour les communautés
Le démantèlement des trafics n’est pas neutre pour les communautés rurales. À Makoua, l’artisanat traditionnel fondé sur la vente de peaux connaît un ralentissement. Les autorités promeuvent des alternatives comme l’apiculture ou l’écotourisme, afin d’éviter un transfert vers des activités illégales durables.
En milieu urbain, l’économie verte ouvre aussi des opportunités. Start-ups de recyclage, plateformes de commerce équitable pour le cacao certifié : le message est clair — protéger la faune peut générer des emplois, surtout parmi les moins de trente ans à Brazzaville même.
Pour l’analyste économique Joseph Malanda, la victoire sur le braconnage passe par des filières légales solides. « La coercition seule ne suffira pas », explique-t-il, plaidant pour un fonds d’investissement dédié aux initiatives locales de conservation et d’éducation environnementale inclusive.
Perspectives 2025-2026 pour une conservation durable
Le ministère de l’Économie forestière prépare un plan national d’action 2025-2026 qui mise sur les drones, la formation des procureurs et la coopération régionale. Un volet particulier ciblera la frontière avec la République démocratique du Congo, zone sensible et poreuse.
Parallèlement, le PALF envisage d’étendre son programme de suivis génétiques. Grâce à de simples échantillons, les enquêteurs pourront retracer l’origine d’une défense saisie jusqu’au parc où vivait l’éléphant, compliquant la tâche des passeurs et forçant des réseaux à muter.
Des observateurs internationaux saluent ces avancées. Le Gabon et le Cameroun ont déjà sollicité un partage d’expérience. Pour le biologiste belge Marc Devillers, « le Congo montre qu’un État forestier peut conjuguer croissance économique et protection de la mégafaune » à long terme.
Bien sûr, les défis demeurent. Les experts notent l’essor du commerce en ligne de trophées, difficile à surveiller. Toutefois, la traque numérique, couplée à des campagnes d’éducation, semble réduire l’accès du grand public à ces plateformes clandestines dangereuses.
En renforçant la chaîne répressive et en soutenant des alternatives économiques, le Congo-Brazzaville consolide une position déjà reconnue sur la scène africaine. Les prochains mois diront si la dynamique actuelle peut s’installer durablement sans relâcher la pression sur les braconniers persistants.
Pour les jeunes urbains, souvent exposés à l’offre illicite dans les marchés populaires, le message de fermeté rejoint une aspiration profonde à un environnement sain. Les arrestations de 2025 deviennent ainsi le symbole d’un engagement collectif pour l’avenir de tous.
Au-delà des chiffres, c’est la conscience citoyenne qui s’affirme : protéger la faune revient à protéger notre propre futur et notre identité.