Une série d’intrusions qui inquiète
Dolisie s’est réveillée, le 21 août, avec un sentiment de stupeur : dans la nuit, des individus avaient pénétré dans les bureaux du CEG Pierre Lountala, fracturant verrous et armoires, sans emporter le moindre document ni matériel.
Le mode opératoire intrigue les agents dépêchés sur place : portes forcées, traces de pas dans la cour sableuse, mais aucune tablette, aucun dossier d’état civil, pas même les modestes fonds de la coopérative scolaire n’ont disparu, raconte le proviseur adjoint Ludovic Maxime Maboulou.
Quelques jours plus tôt, le CEG Hammar et le CEG de l’Unité, situés à moins de deux kilomètres, avaient subi des intrusions semblables, dressant le tableau d’une série coordonnée plutôt que d’un acte isolé, selon un rapport interne de la circonscription scolaire.
Radiographie de la sécurité scolaire à Dolisie
La troisième ville du pays compte plus de soixante établissements publics du premier cycle, souvent construits à la hâte durant l’expansion démographique des années 2000, et rarement dotés de clôtures maçonnées ou de systèmes d’alarme, reconnaît la direction départementale de l’éducation.
Les gardiens, recrutés localement, perçoivent en moyenne 35 000 FCFA par mois, un salaire qui limite la permanence sur le site et rend la rotation nocturne difficile, souligne Paul Ngatsé, président de l’association des parents d’élèves de la commune.
Face à cet écart, plusieurs écoles ont opté pour des vigiles communautaires, souvent d’anciens élèves, mais leur formation reste sommaire et leur pouvoir de dissuasion limité lorsque les intrus sont armés de simples leviers ou, plus rarement, de machettes.
Des expérimentations numériques sont néanmoins en cours : au lycée Nganga-Lingolo, un système de veille via messagerie instantanée permet aux gardiens de déclencher une alerte groupée vers les chefs d’établissement voisins et le commissariat, réduisant de moitié le temps moyen d’intervention.
Facteurs urbains et sociaux sous-jacents
Les sociologues consultés évoquent la mutation rapide des quartiers périphériques, où des chantiers forestiers ont attiré de nombreux jeunes travailleurs saisonniers, logés dans des conditions précaires et sans accès régulier aux activités de loisirs nocturnes.
Dans ce contexte, l’école, perçue comme un bâtiment public peu surveillé, devient un lieu d’expérimentation pour des groupes en quête de sensations ou de reconnaissance, avance la psychologue urbaine Clarisse Makosso.
Elle rappelle toutefois que l’absence de vol d’équipements signale une dimension rituelle ou initiatique plutôt qu’un objectif financier, d’autant que le marché noir s’avère structuré autour d’objets plus prisés, tels que câbles électriques, carburant ou pièces de moto.
Action des forces de l’ordre et de l’administration
Alertée, la police de l’arrondissement Tsiobanzi a renforcé les patrouilles moto entre 22 h et 4 h, en coordination avec la gendarmerie départementale, mesure qualifiée de « réactivité appropriée » par Augustin Ngouabi, chef de service sécurité à la préfecture.
Des rondes mixtes, combinant un agent et un représentant des parents, sont testées autour des établissements les plus exposés, tandis que les autorités éducatives procèdent à un recensement des besoins en éclairage solaire.
Selon notre vérification, cinq bornes lumineuses ont déjà été installées au CEG de l’Unité, financées par le budget d’investissement public, preuve d’une volonté de répondre rapidement aux vulnérabilités identifiées.
Parallèlement, le rectorat a lancé une campagne de micro-audits sécuritaires, où des binômes mixtes parcourent chaque salle à la recherche de points faibles ; les premières synthèses, non encore publiques, listent surtout des serrures vieillissantes et des fenêtres sans barreaux.
Mobilisation des communautés éducatives
Les associations de mères veillent désormais à la fermeture systématique des salles après les cours de rattrapage, tandis que les élèves, via le Conseil communal de la jeunesse, organisent des campagnes de sensibilisation sur les ondes locales.
« Nous voulons que la population voie l’école comme un bien commun et signale tout mouvement suspect », déclare Prisca Lingala, présidente du comité de gestion du CEG Hammar, convaincue que la vigilance citoyenne complète le dispositif institutionnel.
Plusieurs entreprises forestières, partenaires de la ville, ont offert des sacs de ciment et des rouleaux de grillage, amorçant des travaux de clôture que les élèves entretiennent lors des journées de salubrité, dans un esprit de volontariat encadré.
Vers un nouveau pacte de vigilance
Au ministère de l’Enseignement général, on rappelle que le programme « Écoles sûres », lancé en 2021, prévoit la mise en réseau de caméras à énergie solaire dans cinquante établissements pilotes, dont trois à Dolisie, avec une formation spécifique pour les surveillants.
Le chantier se heurte toutefois à un besoin de connectivité stable ; l’Agence congolaise de régulation des postes supervise actuellement le déploiement de mini-box 4G autour des campus, solution jugée « économiquement soutenable » par les techniciens.
Les chercheurs de l’université Marien-Ngouabi proposent aussi des ateliers de médiation pour désamorcer l’attrait du vandalisme, estimant que l’école doit rester un espace d’apprentissage, même pour ceux qui la contournent.
À court terme, responsables administratifs et leaders communautaires misent sur une équation simple : éclairage public renforcé, contrôles aléatoires et culture de la dénonciation constructive, afin que la curiosité malveillante qui a visé Pierre Lountala s’éteigne d’elle-même sans sombrer dans la violence.