Bureau renouvelé au CESE : un signal de confiance
La passation de service orchestrée cette semaine au Conseil économique, social et environnemental (CESE) a attiré l’attention des observateurs de Brazzaville. Sous l’œil attentif du conseiller politique du chef de l’État, Rodrigue Malanda Samba, le décret présidentiel a installé un bureau partiellement renouvelé.
La présidente reconduite, Émilienne Raoul, a exhorté ses nouveaux collègues à « prendre à bras-le-corps » leurs missions. Le message, sobre mais ferme, donne le ton : continuer le travail entamé tout en gagnant la confiance d’un public encore peu familier avec le CESE.
La vice-présidence est désormais confiée à Jean de Dieu Goma, auparavant figure de proue du Conseil consultatif des personnes vivant avec handicap. Le rapport est remis à l’économiste Hyacinthe Defoundoux, tandis que la questure revient à l’administrateur Arsène Mokoma.
À eux trois s’ajoute l’expérimenté Louis Patrice Ngangon, désormais simple conseiller après cinq années passées à cumuler intérim de rapporteur et de questeur. Son passage de relais leur transmet dossiers budgétaires, études sectorielles et projets de saisine attendus par le gouvernement.
Rôle stratégique du Conseil économique et social
Créé par la Constitution, le CESE sert de courroie de transmission entre société civile, secteurs productifs et autorités publiques. Ses avis non contraignants débouchent cependant sur des projets de loi ou des réformes souvent déterminantes, rappellent les constitutionnalistes.
Dans un pays où la jeunesse représente près de 60 % de la population, la question participative est loin d’être théorique. « Nos cahiers d’écoute traitent autant du coût de la data que de la sécurité alimentaire », confie un cadre de la direction des études, prudent sur son anonymat.
Une méthodologie fondée sur le droit et les données
Jean de Dieu Goma abonde : « Le sens d’un cadre n’est pas d’agir selon ses perceptions personnelles, mais de se référer aux textes ». En inscrivant sa méthode dans le droit, il entend rassurer entreprises et associations, qui réclament une place plus lisible au sein des institutions.
L’économiste Hyacinthe Defoundoux, proche des milieux universitaires, voit dans l’exercice un laboratoire grandeur nature. Ses priorités : indicateurs fiables, consultation numérique et diffusion des recommandations. « Les bailleurs examinent notre capacité d’analyse avant de débloquer des lignes de crédit », rappelle-t-il.
Diversification économique et budgets sous contrainte
Sur le terrain, la diversification économique est au cœur des saisines reçues récemment : agriculture de deuxième génération, filière bois transformé, économie numérique. Autant de chantiers inscrits dans la Vision 2025 du gouvernement, que le CESE devra appuyer par des expertises pointues.
L’administrateur Arsène Mokoma, nouveau questeur, hérite d’un budget resserré par la conjoncture mondiale. Son défi : rationaliser les dépenses sans freiner la consultation. Selon une source interne, la dématérialisation des sessions pourrait économiser jusqu’à 15 % sur les frais logistiques.
Communication, coopération et visibilité renforcées
Pourtant, la visibilité demeure l’obstacle majeur. Malgré ses 45 avis rendus l’an dernier, le CESE souffre d’un déficit de communication. Émilienne Raoul promet une stratégie médias sociaux centrée sur des vidéos courtes et des podcasts, formats prisés du public brazzavillois connecté.
La collaboration interinstitutionnelle figure aussi dans le viseur. Une convention cadre avec l’Assemblée nationale devrait être signée avant la session budgétaire, afin d’accélérer la prise en compte des recommandations. « Notre valeur ajoutée se mesure à l’impact effectif sur les lois », insiste Raoul.
Regards croisés d’experts et de citoyens
À l’université Marien-Ngouabi, le politologue Clément Mouandza juge le moment « propice pour refonder la confiance institutionnelle ». Selon lui, la présence de profils venant du handicap, de l’économie et de l’administration crée « un point d’équilibre susceptible de revitaliser le débat public ».
Dans les quartiers sud de Brazzaville, la vendeuse de téléphonie Rosaline Okemba espère surtout des solutions concrètes : « Si le Conseil peut influencer la baisse des taxes douanières sur les smartphones, cela aidera les petites boutiques comme la mienne ». Une attente somme toute économique et sociale.
Feuille de route et innovations à court terme
Face à ces attentes, le bureau entend publier d’ici décembre un rapport semestriel d’évaluation. Le document, inédit, dressera un état d’avancement des saisines et proposera un calendrier de suivi, avec indicateurs précis et responsables identifiés pour chaque action.
Au-delà des chiffres, la présidente insiste sur la dimension humaine. « Nos concitoyens doivent sentir que leurs préoccupations trouvent ici un écho immédiat », martèle-t-elle. Un engagement que le conseiller politique Rodrigue Malanda Samba dit suivre « avec des indicateurs objectivés ».
Les prochains mois serviront donc de test grandeur nature. Si la nouvelle équipe parvient à rapprocher l’institution des citoyens tout en fournissant des analyses robustes, elle consolidera l’esprit de démocratie participative voulu par les autorités et ouvrira des perspectives de gouvernance encore plus inclusives.
Des partenariats avec les start-ups congolaises figurent également sur la table. Le CESE envisage un hackathon citoyen où développeurs, juristes et statisticiens co-construiront des applications de suivi des recommandations, une première qui allierait innovation technologique et gouvernance collaborative.
Enfin, la prochaine session plénière devrait aborder la lutte contre le changement climatique, thème cher aux accords de Paris. Le Conseil planche sur une note d’orientation destinée à faciliter l’accès des collectivités aux financements verts internationaux.