Bras de fer autour des stades congolais
Depuis la mi-août, les portes de plusieurs enceintes sportives du pays sont restées closes pour les matches, alors même qu’elles accueillent parfois des concerts. La situation alimente un débat passionné à Brazzaville, tant la capitale vit au rythme du ballon rond.
Au cœur de la controverse se retrouvent la Fédération congolaise de football, récemment réhabilitée par les instances internationales, et le ministère des Sports, responsable de l’entretien des installations. Chacun affirme défendre l’intérêt général, mais leurs calendriers semblent, pour l’instant, impossibles à concilier.
Les arguments de la FECOFOOT
Dans un communiqué publié le 22 août, le comité exécutif de la FECOFOOT dit ne plus comprendre les refus d’accès aux stades. « Nos compétitions nationales accusent un retard inédit », déplore un membre de l’instance, évoquant des pertes financières pour les clubs.
La Fédération souligne que la réhabilitation prononcée par la FIFA clôt tout litige administratif. Elle estime donc légitime de reprendre immédiatement les rencontres, y compris la finale de la Coupe du Congo, symbole populaire dont l’annulation répétée pèse sur la ferveur des supporters.
La position du ministère
Interrogé par notre rédaction, un cadre du ministère rappelle que l’État reste garant de la sûreté des publics. « Des expertises techniques ont relevé plusieurs défaillances structurelles, notamment sur les systèmes d’évacuation », assure-t-il, ajoutant que des concerts présentent un risque organisationnel différent des rencontres sportives.
Le responsable confirme qu’un rapport global sur les infrastructures sportives sera transmis à la présidence dans les prochaines semaines. « Il ne s’agit pas de bloquer le football, mais de garantir des conditions optimales avant la reprise », insiste-t-il, évoquant déjà des travaux ciblés.
Pour le ministère, l’épisode de violence survenu lors d’un concert récent valide cette prudence. « Nous analysons chaque événement au cas par cas », ajoute un second conseiller, soulignant que les assurances exigent désormais des certifications renforcées avant toute rencontre réunissant plusieurs milliers de personnes.
Impact sur les clubs et supporters
Privés de leurs enceintes habituelles, plusieurs clubs de Ligue 1 s’entraînent désormais sur des terrains d’arrondissement, moins adaptés. Les entraîneurs évoquent un risque accru de blessures et une visibilité médiatique réduite, facteurs qui compliquent la recherche de sponsors, cruciale pour la survie financière.
Dans les quartiers populaires de Moungali ou de Talangaï, les groupes de supporters se réunissent encore pour regarder les matches étrangers dans les bars. Beaucoup regrettent l’ambiance des tribunes de Massamba-Débat, perçue comme un lieu de cohésion nationale et d’émulation pour la jeunesse.
Le gardien international Pavel Ndzila estime que « la compétition régulière demeure la meilleure école ». Selon lui, l’absence de rencontres officielles risque de freiner l’intégration des jeunes talents dans les sélections, alors que le pays s’appuie traditionnellement sur le championnat local pour renouveler ses effectifs.
Enjeux économiques et sociaux
Au-delà du spectacle, le football emploie directement des centaines de vendeurs, régisseurs et techniciens les jours de match. Une étude menée en 2024 par l’Université Marien-Ngouabi chiffre à près de deux milliards de francs CFA la dépense moyenne générée par chaque rencontre à Brazzaville.
Faute de matches, cette manne se déplace vers des activités informelles moins taxées. Les économistes redoutent une contraction des recettes fiscales locales et la disparition de petits emplois. Pour plusieurs observateurs, la réglementation rapide des stades permettrait un rebond bienvenu de la consommation urbaine.
Sur le plan sociétal, les psychologues rappellent que les grands événements sportifs agissent comme des soupapes de décompression. Une reprise tardive pourrait accentuer les frustrations d’une jeunesse déjà mise à l’épreuve par un contexte économique exigeant, souligne le docteur Aimée Mvouba du centre hospitalier Talangaï.
Perspectives de sortie de crise
Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso suit le dossier « avec attention », selon son entourage. Un comité mixte, associant FECOFOOT, ministère et experts en sécurité vient d’être annoncé. Sa première réunion, prévue début septembre, devra établir un chronogramme de réouverture progressive des enceintes.
Des entrepreneurs locaux proposent déjà d’appuyer les travaux via des partenariats public-privé. « Nous pouvons installer des tourniquets connectés et des caméras intelligentes en moins d’un mois », assure le directeur d’une start-up brazzavilloise, convaincu qu’une technologie adaptée rassurera les assureurs et les familles.
Pour éviter tout nouveau bras de fer, plusieurs juristes suggèrent de formaliser un protocole définissant clairement les responsabilités de chaque acteur. Ils rappellent que des modèles existent déjà au Maroc et au Sénégal, où l’État conserve la tutelle tout en garantissant l’autonomie sportive nécessaire.
Les prochains jours diront si le dialogue l’emporte. En attendant, la patience des supporters reste mise à l’épreuve. Beaucoup espèrent une issue rapide afin de se concentrer sur la qualification des Diables Rouges pour les éliminatoires continentaux prévus au début de l’année prochaine.
Quelles que soient les responsabilités, tous les acteurs conviennent que le football demeure un levier d’unité nationale. Réparer les tribunes, c’est aussi réparer le lien social. Un compromis solide offrirait au pays une vitrine positive, à l’image de son ambition croissante sur la scène africaine.