Régulation télécoms en Afrique centrale : nouvel élan
Réunis à Yaoundé, les régulateurs d’Afrique centrale viennent de tourner une page de leur histoire collective. La troisième session extraordinaire de l’Artac a dessiné un cadre plus clair pour le numérique régional.
Autour des tables rondes, délégués du Congo, du Gabon, du Tchad, de la Centrafrique et de la RDC ont dialogué avec des experts de l’Union internationale des télécommunications dans une atmosphère constructive.
Le timing paraît judicieux: les abonnements mobiles dépassent désormais les cent millions d’utilisateurs dans la sous-région, selon l’UIT, et la pression pour assurer qualité et tarifs compétitifs s’intensifie deux fois chaque année.
Brazzaville suit attentivement le dossier, le gouvernement rappelant que la connectivité constitue l’un des piliers du Plan national de développement 2022-2026 porté par le président Denis Sassou Nguesso à travers plusieurs projets d’infrastructures fibres.
Des statuts modernisés pour l’Artac
Première avancée, les statuts de l’association incorporent désormais le secteur postal, renforçant la convergence numérique et logistique que réclamaient depuis des années les opérateurs d’e-commerce naissants dans la région d’Afrique centrale francophone.
La Conférence des régulateurs se mue, elle, en assemblée générale, mécanisme jugé plus inclusif pour s’assurer que chaque État dispose d’une voix égale lors des votes stratégiques sur les licences et sanctions.
Quatre groupes de travail permanents voient le jour afin d’examiner respectivement interconnexion, cybersécurité, économie numérique et gouvernance des données, autant de dossiers suscitant l’intérêt des start-up brazzavilloises aujourd’hui en pleine croissance locale.
Pour Pierre Mabiala, conseiller au ministère congolais des Postes, ces réformes offrent « un espace réglementaire plus lisible qui rassure l’investisseur et encourage l’emploi des jeunes diplômés du digital » dans les villes secondaires aussi.
Observatoire des TIC : un cap stratégique
La cession officielle de l’Observatoire des TIC au consortium académique ENSPY-SUP’PTIC constitue l’autre grande annonce saluée par la délégation congolaise présente à Yaoundé avec des analystes de l’ARPCE et d’UniKin numérique lab.
Doté d’un financement européen de deux millions d’euros, l’outil publiera dès 2025 des indicateurs normalisés, comparables à ceux de l’OCDE, sur la couverture, la vitesse et les tarifs des services mobiles régionaux.
Les décideurs congolais espèrent ainsi disposer en temps réel d’une boussole statistique pour calibrer les objectifs du futur Plan Congo Digital 2027 et éviter les écarts entre villes et zones rurales éloignées.
Le Pr Joseph Kalinga, coordinateur du projet, assure que la plateforme « reste ouverte aux associations de consommateurs, afin que la transparence devienne un réflexe plutôt qu’un slogan » pour l’ensemble du secteur en Afrique centrale.
Free Roaming et fréquences : défis transfrontaliers
L’initiative de Free Roaming, entrée en vigueur en 2021 entre quatre pays, fait l’objet d’un suivi serré pour réduire les frais d’itinérance encore perçus par certains opérateurs selon l’Artac et l’UIT régionales réunies.
Les équipes techniques travaillent également à harmoniser l’utilisation des bandes 700 MHz et 3,5 GHz, cruciales pour le basculement progressif vers la 5G commerciale dans les capitales comme Brazzaville et Libreville dès 2024 fin.
À Oyo, ville médicale connectée du nord Congo, les premiers tests montrent déjà un gain de latence permettant la télémédecine, confie un ingénieur d’Airtel Congo présent au forum régional sur la santé.
La gestion des fréquences aux frontières reste néanmoins délicate, certains signaux débordant vers les provinces voisines et créant des interférences pour les radios communautaires qui dépendent de canaux bas dans la bande.
Soutien financier et gouvernance renforcée
Pour assurer la viabilité des actions, les États membres ont validé une hausse progressive de la cotisation annuelle à vingt millions de FCFA dès 2026 garantissant un budget stable et prévisible Artac.
Cette manne devrait financer la formation continue, la cybersurveillance partagée et le déploiement d’outils open-source pour mesurer la qualité de service sans surcoût pour les régulateurs nationaux dont celui de Brazzaville ARPCE.
Par ailleurs, une étude juridique sur le statut du siège de l’Artac permettra de clarifier immunités et avantages fiscaux, facilitant l’arrivée d’experts internationaux dont les compétences seront partagées avec les universités locales.
Agnès Loemba, directrice de l’ARPCE, estime que « la dynamique collégiale offre un rempart contre les dérives de marché et garantit la neutralité des réseaux au bénéfice du citoyen » urbain comme rural du Congo.
Quel impact pour les utilisateurs congolais ?
À Brazzaville, les vendeurs de contenus numériques espèrent une baisse durable des coûts de bande passante, actuellement plus élevés qu’à Douala ou Abidjan selon l’association USIC et ses rapports 2019-2022 comparatifs annuels.
Les étudiants de l’université Marien Ngouabi se disent surtout impatients de voir arriver plus de Wi-Fi public sécurisé sur les campus afin d’alléger leurs dépenses data durant les travaux dirigés et revisions.
Pour l’économiste Jean-Baptiste Okemba, l’alignement régional pourrait créer « une zone de compétitivité télécoms capable d’attirer des fintech ambitieuses et de retenir les talents formés localement » réduisant ainsi l’exode vers Nairobi ou Lagos souvent.
En attendant la prochaine session ordinaire prévue en 2026 à Kinshasa, les acteurs congolais s’activent pour transformer les textes adoptés en résultats concrets sur le terrain au service d’un internet plus inclusif.