Un verdict définitif de la Cour suprême
Le rideau est tombé sur l’affaire opposant l’ambassade de Bulgarie à Mme Gisèle Ngoma : le 13 août 2025, la Cour suprême a confirmé la décision d’appel attribuant définitivement la parcelle 97, section O, à la chancellerie bulgare.
Cette décision, irrévocable selon la procédure congolaise, promet de clore plus d’une décennie de rebondissements judiciaires et de spéculations immobilières autour de ce terrain de 982 mètres carrés situé à deux pas de la Poste centrale, en plein cœur de Brazzaville.
Une histoire foncière longue de cinq décennies
Tout commence en 1971, lorsque la République du Congo cède, par acte notarié, la parcelle 97 à l’État bulgare pour y ériger sa représentation diplomatique, à l’époque où Brazzaville redessinait son centre-ville pour accueillir de nouveaux partenaires socialistes.
Au fil des années, la chancellerie bulgare voit ses activités se réduire, laissant les lieux partiellement inoccupés; c’est dans cette période de flottement qu’apparaît la revendication de Mme Ngoma, soutenant avoir acquis le même terrain auprès d’ayants droit présumés d’anciens propriétaires.
La double vente alléguée déclenche une bataille judiciaire entamée en 2012 devant le Tribunal de grande instance, puis portée en appel, avant de se hisser en cassation sous l’angle de la protection des droits fondamentaux et de la sécurité juridique.
Les arguments clés des parties
Devant la Haute juridiction, les avocats de l’ambassade rappellent la primauté du titre foncier de 1971, enregistré selon les règles de l’époque et jamais annulé, tandis que la partie adverse invoque des vices dans la procédure d’enregistrement et l’absence supposée de continuité d’occupation.
Pour le juriste urbain Hubert Oba, interrogé par nos soins, « la conservation foncière congolaise repose sur le principe de l’inscription constitutive : le premier enregistrement fait foi tant qu’il n’est pas purgé par un jugement », un point qui semble avoir pesé lourd dans la balance.
Portée diplomatique de la décision
Au-delà du litige civil, l’arrêt consolide la sécurité des emprises étrangères à Brazzaville, un sujet suivi de près par le ministère des Affaires étrangères, soucieux de garantir un climat d’investissement stable et de préserver l’image de la capitale sur la scène internationale.
Un conseiller du département, requérant l’anonymat, se félicite que « la justice congolaise ait rendu une décision qui conforte la confiance des missions diplomatiques présentes et futures », rappelant que plus de vingt pays possèdent aujourd’hui des terrains en pleine propriété à Brazzaville.
Conséquences pour l’urbanisme du centre-ville
La parcelle se situe dans une zone stratégique où la mairie planifie la modernisation des voiries et la création d’espaces verts; la confirmation de l’appartenance bulgare lève l’incertitude juridique qui freinait l’intégration du site aux futurs aménagements collectifs.
Selon un croquis préliminaire de la direction municipale de l’urbanisme, une venelle piétonne devrait longer la chancellerie, reliant l’avenue de la Paix à la place des Ministères, sans toucher à l’enveloppe bâtie mais en améliorant la circulation autour de l’îlot.
Focus sur la protection des droits fondamentaux
Mme Ngoma affirmait que son droit au logement et à la propriété était menacé; la Cour suprême lui répond que ces droits ne sauraient prévaloir face à un titre foncier régulièrement établi avant son acquisition, rappelant le principe de la hiérarchie des actes juridiques.
La Ligue congolaise des droits humains note toutefois que l’arrêt « encourage une meilleure diligence dans les transactions foncières privées » et appelle à renforcer la digitalisation des archives pour éviter les litiges futurs, proposition accueillie favorablement par le ministère du Cadastre.
Que retenir pour les investisseurs
Les analystes à la Société générale Congo estiment que la décision réduit le risque foncier perçu dans le centre-ville, élément clé pour les banques qui financent les programmes immobiliers visant la classe moyenne émergente et les start-up à la recherche d’espaces de coworking.
Pour Gracia Mabiala, courtier, « la clarté judiciaire rassure les promoteurs locaux et étrangers; elle leur montre que les procédures, bien que parfois longues, finissent par trancher de manière lisible, ce qui influence positivement le prix de vente du mètre carré ».
Ce que prévoit la prochaine étape administrative
Le greffe doit désormais transmettre l’expédition de l’arrêt à la Conservation de la propriété foncière pour rétablir la mention au profit de la Bulgarie; parallèlement, un huissier pourra diligenter l’expulsion, devenue automatique sauf accord amiable pour un délai de départ.
D’après une source proche du dossier, les autorités consulaires envisagent de rénover le bâtiment existant afin d’y regrouper consulats, centre culturel et espaces de conférence, une initiative qui pourrait débuter dès le premier trimestre 2026 si le calendrier administratif suit.
Un signal pour la gouvernance foncière
En confirmant un titre vieux de cinquante-quatre ans, la haute cour souligne la nécessité de centraliser les registres, de former les notaires et de sensibiliser le public, messages au cœur de la stratégie gouvernementale visant à numériser l’ensemble des actes fonciers d’ici 2030.
Le ministère du Cadastre annonce la tenue, en novembre, d’ateliers publics destinés à expliquer la portée de l’arrêt aux habitants et futurs investisseurs.