Un rendez-vous stratégique à Brazzaville
Le 22 août, dans une salle du ministère de la Jeunesse animée par un ballet de chemises claires et de dossiers épais, le comité de pilotage de YouthConnekt Congo a posé ses ordinateurs portables et ses agendas sur la table pour dresser un bilan sans complaisance.
Autour du directeur de cabinet du ministre, de la représentante résidente du Pnud et d’experts nationaux, l’atmosphère est restée studieuse, mais l’optimisme pointait, porté par des graphiques montrant des courbes ascendantes et par les témoignages vidéo de jeunes entrepreneurs de Pointe-Noire et d’Owando.
YouthConnekt, un programme continental
YouthConnekt, né au Rwanda en 2012, irrigue désormais 33 pays africains et même une poignée d’États d’Amérique latine; au Congo, il a été lancé en juin 2022 sous l’impulsion du projet gouvernemental Projeunes, lui-même aligné sur le Plan national de développement 2022-2026.
Le président Denis Sassou Nguesso avait alors rappelé que l’intégration économique de la jeunesse constitue, selon ses mots, « un investissement dans la paix durable et la croissance partagée », une formule reprise depuis dans plusieurs allocutions gouvernementales.
Premiers résultats concrets
Parmi les marqueurs de la première année, les membres du comité citent la politique nationale de la jeunesse remise au Parlement, la formation de 1 200 jeunes filles aux métiers du numérique, et l’enrôlement éclair de plus de 36 000 utilisateurs sur la plateforme participative U-Report.
La sensibilisation de 5 000 adolescents à la santé sexuelle via Hello ADO, la mise en ligne du portail Priorité Jeunesse et le déploiement d’un dispositif d’insertion visant 10 000 diplômés complètent cette liste qui, selon Adama Dian Barry, représentante du Pnud, « change déjà des trajectoires de vie ».
En trois mois, plus de 2 400 jeunes ont reçu un encadrement personnalisé; cent quinze d’entre eux effectuent actuellement un stage en entreprise, première marche vers une intégration durable sur un marché de l’emploi encore marqué par l’informel.
Témoignages de bénéficiaires
Assise au fond de la salle, Nadège, 23 ans, diplômée en génie logiciel, raconte avoir développé grâce au programme une application de géolocalisation de taxis fluviaux: « Les mentors m’ont aidée à transformer mon idée en prototype puis à pitcher devant des investisseurs locaux ».
Non loin, Cédric, diplômé sans emploi il y a encore un an, assure que le stage obtenu chez un cabinet d’ingénierie lui a permis de comprendre le fonctionnement d’un bureau d’études et de signer son premier contrat à durée déterminée, « preuve que quelque chose bouge ».
La force du partenariat public-privé
La stratégie d’insertion repose sur une collaboration étroite avec l’Union nationale des opérateurs économiques du Congo et l’Union patronale et interprofessionnelle, deux organisations mobilisées pour cartographier les besoins des entreprises et mettre à disposition des tuteurs expérimentés.
« L’emploi des jeunes ne peut se décréter, il se construit secteur par secteur », souligne Alain Nkala, conseiller au ministère du Développement industriel, qui voit dans ce partenariat un moyen pragmatique d’aligner formations, stages et recrutements sur la réalité de l’économie congolaise.
Feuille de route à court terme
Les membres du comité ont validé un calendrier serré; il prévoit l’extension de la formation numérique à Ouésso, le lancement d’un fonds d’amorçage de 300 millions de francs CFA pour les start-up lauréates et la mise en place d’un tableau de bord public des indicateurs.
Une campagne nationale sur les industries culturelles doit également être lancée, en lien avec le Festival panafricain de musique, pour attirer les jeunes talents vers les métiers de la production, du marketing et du design, filières dont la demande progresse dans les capitales régionales.
Enfin, la plateforme Priorité Jeunesse sera interfacée avec les bases de données de l’Agence congolaise pour l’emploi, afin de générer des alertes automatiques et de réduire le temps moyen de recherche d’un stage à moins de deux semaines, objectif présenté comme « ambitieux mais réaliste ».
Perspectives à l’horizon 2030
En 2030, le Congo comptera, selon les projections de l’Institut national de la statistique, près de cinq millions d’habitants de moins de trente ans; davantage qu’une donnée démographique, c’est un défi de compétitivité pour un pays engagé dans la diversification de son économie.
L’Organisation internationale du travail rappelle que 11 % des jeunes Congolais restent sans emploi; toutefois, la dernière enquête Triennale auprès des ménages montre une hausse de l’auto-emploi urbain, tendance que YouthConnekt entend consolider avec des modules d’éducation financière et d’accès au microcrédit.
Pour Adama Dian Barry, le pari est clair : « Si nous réussissons à mettre l’accent sur les compétences vertes, le numérique et l’économie créative, la jeunesse congolaise deviendra un moteur de résilience face aux chocs climatiques et aux fluctuations des marchés énergétiques ».
Le gouvernement, de son côté, a réservé une enveloppe supplémentaire de 2,5 milliards de francs CFA dans le projet de loi de finances 2024 pour renforcer l’incubation régionale. Cette allocation devrait financer trois nouveaux centres à Dolisie, Impfondo et Sibiti, selon le ministère des Finances.
Le compte à rebours est lancé, la jeunesse suit chaque étape.