Fima 2024, le retour des rythmes partagés
Au fil des ans, le Festival international de musique et des arts s’est imposé comme un rendez-vous phare du calendrier culturel congolais. Sa douzième édition, annoncée du 12 au 14 septembre, capitalise sur une formule qui marie proximité et ambition artistique pour toute la ville.
Le président de Mb Production, Médard Mbongo, confirme que le choix du quartier 418 Makayabou n’est pas anodin : « Nous voulons maintenir l’âme populaire, là où le public vit et crée ». Cette implantation consolide un lien direct avec les habitants de Mongo-Mpoukou.
Soutenu par les autorités locales, le festival bénéficie d’une logistique sécurisée et d’équipements scéniques modernisés. Des techniciens congolo-français ont livré un plateau lumineux capable d’accueillir des ensembles de rumba, de hip-hop ou de musique tradi-moderne sans compromis sur le rendu sonore.
Les coulisses d’un festival en pleine expansion
Depuis 2012, la fréquentation du Fima progresse d’environ 10 % par an, selon les chiffres communiqués par l’ONG Mb Production. Les organisateurs s’attendent cette fois à franchir la barre des 25 000 visiteurs cumulés sur trois soirs, soit un record pour le quartier.
Pour absorber le flux, un partenariat a été noué avec des chauffeurs de taxi collectifs qui mettront en place des rotations prolongées. Les vendeuses de street-food, très présentes autour du site, se sont également organisées pour proposer des menus contrôlés et adaptés à toutes les bourses.
Les équipes techniques ont dédié un espace VIP ouvert aux mécènes et aux artistes étrangers. Objectif : encourager les échanges professionnels sans perdre l’esprit festif. Cette zone accueillera aussi des ateliers express sur la captation live, en collaboration avec la start-up vidéaste Lokuta Studio.
Une programmation pensée pour tous les publics
Le Fima 2024 entend mêler répertoires patrimoniaux et scènes émergentes. Chaque soirée débutera par un hommage à un style emblématique : rumba le jeudi, coupé-décalé le vendredi, afro-fusion le samedi. Les directs seront retransmis sur Radio Pointe-Noire pour toucher l’ensemble du littoral.
La gratuité reste un pilier du dispositif. « Nous préférons convaincre un sponsor plutôt que facturer un billet à un étudiant », rappelle Médard Mbongo. Cette approche inclusive séduit les marques nationales qui voient dans l’événement un laboratoire grandeur nature de marketing responsable.
Parmi les têtes d’affiche attendues figurent Extra-Musica Nouvel Horizon, la chanteuse ivoirienne Roseline Layo et le collectif hip-hop ponténégrin 242 Flow. Leur présence est censée attirer plusieurs générations, créant un dialogue sonore entre souvenirs et découvertes.
Les après-midi, la scène se transforme en forum. Des débats sur “La musique à l’heure du numérique” aborderont la monétisation sur les plateformes, l’intelligence artificielle et la protection des droits d’auteur. Des experts de Brazzaville et de Kinshasa sont annoncés pour ces échanges ouverts.
Focus sur la jeunesse musicale congolaise
Le Fima est souvent perçu comme un tremplin. L’an dernier, le rappeur Young Pater a vu ses écoutes Spotify bondir de 200 % après son passage. Cette année, vingt-deux artistes de moins de 25 ans ont été sélectionnés lors d’auditions publiques tenues au Centre culturel Jean-Baptiste Tati-Loutard.
Entre autres révélations, la chanteuse bilingue Elina Mvoula défendra un premier EP mêlant lingala et anglais. « Se produire devant mon propre quartier, c’est un rêve », confie-t-elle. Son single “Tropical Mood” tournera en boucle sur les écrans géants pendant les changements de plateau.
La délégation de jeunes percussionnistes de Makélékélé, invitée spéciale, proposera une relecture électronique des rythmes bantous. Ce pont entre tradition et innovation illustre la mission pédagogique du festival, soucieux de valoriser les racines tout en embrassant l’avenir.
L’impact socioculturel pour Pointe-Noire
Au-delà des scènes, le Fima agit comme catalyseur économique. Les hôtels proches du port affichent déjà complet, tandis que les boutiques de stylisme local préparent des collections capsules inspirées de l’affiche officielle. Le professeur Landry Okou, sociologue, y voit « un accélérateur de micro-entreprises créatives ».
La municipalité souligne aussi la dimension citoyenne. Un service de propreté renforcé assurera le tri des déchets plastiques, ensuite recyclés par une coopérative de jeunes de Mpaka. Cette action illustre la volonté de concilier culture, environnement et responsabilité sociale.
Par ailleurs, des collégiens participeront à une visite guidée des installations scéniques. L’initiative, baptisée “Classe backstage”, vise à éveiller des vocations techniques et artistiques. Les éducateurs constatent déjà un engouement croissant pour les métiers de la production audiovisuelle.
Perspectives numériques et avenir du Fima
L’édition 2024 marque un virage high-tech. Un partenariat avec la plate-forme congolaise Baziks permet une diffusion en direct, accessible via smartphone à faible bande passante. Les organisateurs espèrent toucher la diaspora, notamment en France et au Canada, friande de nouveautés afro-urbaines.
Un badge NFT sera remis gratuitement aux premiers spectateurs. Il donnera accès à des contenus inédits, comme des sessions studio et des interviews. Cette incursion dans la blockchain vise à tester de nouveaux usages tout en créant un souvenir numérique non falsifiable.
À moyen terme, Mb Production envisage une tournée Fima itinérante dans les grandes villes du pays. L’objectif, explique le directeur artistique Richard Sounguika, est « d’exporter l’énergie collective observée à Pointe-Noire et de renforcer l’unité culturelle nationale autour d’un label reconnu ».
Un rendez-vous déjà incontournable
Trois nuits, des centaines d’artistes et un public attendu record : le Fima 2024 s’annonce comme l’une des grandes accélérations culturelles de l’année congolaise. L’alliance entre gratuité, exigence artistique et innovations digitales place l’événement à la croisée des attentes populaires et professionnelles.
Au-delà des chiffres, le festival façonne un sentiment d’appartenance. Chaque note jouée au cœur du quartier 418 Makayabou devient l’écho d’un Congo créatif et confiant. À la veille de septembre, Pointe-Noire retient son souffle : la fête est prête, les projecteurs aussi.