Hausse des frais d’inscription à Marien-Ngouabi
L’université Marien-Ngouabi, unique institution publique d’enseignement supérieur du Congo, s’apprête à ouvrir une nouvelle année académique dans un contexte budgétaire tendu. Au cœur du débat, la révision des frais d’inscription, officialisée en août, a réveillé interrogations et passions sur le campus.
Le montant exigé pour la licence passe de 10 500 à 21 000 francs CFA, celui du master de 31 000 à 50 000, tandis que l’inscription en doctorat double pour atteindre 100 000 francs. À première vue, la hausse impressionne et suscite instantanément des réactions contrastées.
Réactions immédiates des étudiants
Dans la salle des actes, le recteur Émile Okomo avance une justification technique : « Nous avons simplement regroupé des frais jusque-là fragmentés, notamment la carte d’étudiant, les attestations et la contribution à la bibliothèque ». Selon lui, l’opération n’a aucun objectif de profit excessif.
Les services financiers rappellent que les tarifs n’avaient pas bougé depuis plus de quinze ans, période durant laquelle le coût du papier, de l’encre et même de la maintenance informatique a flambé. Résultat : la subvention étatique ne couvre plus la totalité des charges pédagogiques.
Sur l’esplanade de la faculté des lettres, Mélanie, étudiante de troisième année, relativise pourtant : « Nous comprenons les besoins de l’université, mais le doublement arrive alors que plusieurs camarades n’ont pas perçu leur bourse du semestre précédent ». Son propos résume une inquiétude récurrente.
Plusieurs associations étudiantes, encore en concertation, évaluent la marge de manœuvre avant de se prononcer. Certains leaders privilégient le dialogue, d’autres envisagent des sit-in pacifiques. Tous reconnaissent qu’une année paisible demeure prioritaire après les interruptions liées à la pandémie et aux grèves successives.
Arguments administratifs et cadre légal
Dans les couloirs du ministère de l’Enseignement supérieur, on souligne que la mesure s’inscrit dans une démarche plus large de modernisation. La loi d’orientation prévoit en effet la refonte de la gouvernance universitaire, combinant autonomie élargie et engagements précis sur la qualité des diplômes délivrés.
Le professeur d’économie Augustin Mabiala rappelle qu’au niveau régional, les droits universitaires du Congo demeurent parmi les plus bas. « Au Cameroun, la licence coûte déjà environ 100 000 francs », explique-t-il. La comparaison nuance la perception locale sans effacer les réalités du pouvoir d’achat.
Du côté des familles, la crainte principale porte sur le paiement en une seule échéance. La direction envisage donc une modalité fractionnée, payable en deux ou trois tranches. Ce mécanisme, testé l’an dernier pour les frais de laboratoire, avait recueilli un avis globalement favorable.
Les autorités rectorales misent également sur la dématérialisation des démarches pour réduire les files d’attente et les coûts cachés. L’inscription en ligne, déjà disponible pour trois facultés pilotes, sera étendue à l’ensemble des composantes avant décembre, selon le vice-recteur chargé des systèmes d’information.
Enjeux sociaux autour des bourses et du personnel
Au-delà des frais, plusieurs syndicats d’enseignants rappellent leurs propres doléances, qu’il s’agisse de reclassement ou de titularisation. Ils considèrent toutefois que le climat social gagnerait à être apaisé, afin de permettre aux étudiants de terminer un cursus souvent prolongé par les mouvements de protestation.
Interrogé sur les retards de bourse, un cadre de la direction générale du Trésor assure que des efforts sont faits pour respecter désormais un calendrier trimestriel. « La volonté politique est claire : soutenir la jeunesse et valoriser l’excellence académique », insiste-t-il, évoquant un financement additionnel en préparation.
Vers un financement mixte et durable
La réforme intervient alors que l’université poursuit son accréditation au système LMD harmonisé, impliquant un contrôle accru des partenaires internationaux. Offrir des services plus professionnels devient donc une condition pour mobiliser des subventions de coopération, notamment celles ciblant la science, la technologie et l’entrepreneuriat étudiant.
Dans les amphis, l’idée d’un fonds de solidarité financé par d’anciens diplômés gagne du terrain. Plusieurs figures du secteur privé, passées par Marien-Ngouabi, auraient déjà marqué leur accord de principe pour parrainer des bourses, prouvant qu’un partenariat dynamique peut compléter l’effort public sans le contredire.
Les économistes soulignent enfin que la gratuité absolue n’existe nulle part ; la question reste de répartir équitablement le coût entre étudiants, État et partenaires. Dans ce schéma, une légère augmentation peut être acceptable si elle s’accompagne d’une meilleure transparence sur l’utilisation des fonds collectés.
Pistes de médiation et calendrier de suivi
À l’approche de la rentrée, les négociations se poursuivent dans un climat globalement serein. La direction a ouvert un guichet unique d’écoute et promet de publier un rapport financier semestriel. Ces gestes, salués par plusieurs associations, pourraient désamorcer la crispation observée au début de l’annonce.
En définitive, l’équation des frais universitaires reflète la recherche d’un équilibre entre accessibilité et qualité. Les discussions en cours, si elles aboutissent à un compromis, offriront l’opportunité pour Marien-Ngouabi de renforcer sa viabilité tout en préservant l’ambition de démocratiser l’enseignement supérieur congolais.
Le calendrier prévoit un comité d’évaluation en janvier afin de mesurer les retombées concrètes de la réforme. Ce rendez-vous sera l’occasion de réajuster le dispositif si des difficultés comme l’abandon surgissent.