Un parcours d’architecte engagé
Mercredi 30 juillet 2025, l’Hôpital Cochin de Paris a vu s’éteindre Paul Tsouarès De M’Poungui, figure discrète mais marquante de l’architecture congolaise, à 72 ans. La nouvelle a traversé l’Atlantique, plongeant familles, collègues et anciennes promotions dans une profonde émotion collective.
Né aux abords verdoyants de Mouyondzi, il avait trouvé dans les lignes épurées des bâtiments une manière d’honorer la mémoire de ses ancêtres. Diplômé de l’École spéciale d’architecture de Paris, il dirigeait depuis la capitale française un cabinet reconnu dans plusieurs pays africains.
Ses pairs saluaient un professionnel méticuleux, soucieux d’allier modernité et identité locale. « Paul rappelait toujours qu’un mur doit respirer la forêt congolaise », témoigne l’urbaniste Alphonse Ndinga. Cette quête d’harmonie l’avait conduit à superviser des projets à Pointe-Noire comme à Oyo.
Militantisme étudiant et ferveur citoyenne
Arrivé en France en 1970 grâce à une bourse d’État, De M’Poungui s’était immédiatement inscrit à l’Association des étudiants congolais puis à la Fédération des étudiants d’Afrique noire. Il y défendait la coopération Sud-Sud et l’accès des jeunes aux filières scientifiques.
Cette fibre citoyenne ne s’était jamais éteinte. Même installé à Paris, il suivait avec intérêt les programmes de modernisation entrepris à Brazzaville, soulignant l’importance des infrastructures pour soutenir la diversification économique voulue par les autorités congolaises, notamment dans les secteurs forestiers et touristiques.
En 1994, le président Pascal Lissouba lui avait proposé un portefeuille ministériel. Par refus de tout conflit d’intérêts, l’architecte préféra décliner et continuer à exercer librement. Cela ne l’empêcha pas de conseiller ponctuellement différents projets publics, apportant un regard technique, sans afficher d’étiquette partisane.
Entre Paris et Brazzaville, la voix d’un bâtisseur
Depuis son bureau du quatorzième arrondissement, il commentait souvent l’évolution des quartiers Talangaï ou Djiri, évoquant « la nécessité d’un urbanisme inclusif pour absorber la croissance démographique ». Ses articles dans la revue Écho d’Afrique avaient trouvé un public fidèle parmi la diaspora congolaise.
Invité en 2019 au Forum national sur le logement à Brazzaville, il avait rappelé que la politique gouvernementale de parcelles évolutives offrait « une base solide pour encourager l’auto-construction encadrée ». Son intervention avait été saluée pour sa clarté et son absence de jargons technocratiques.
Pour donner corps à ses idées, il créa l’association Espace Vision, plateforme de dialogue entre urbanistes, collectivités locales et jeunes entrepreneurs. L’organisation a déjà initié trois ateliers participatifs dans la Bouenza, portant sur l’éco-matériau, l’assainissement et la planification des couloirs marchands.
Derniers honneurs à Pointe-Noire
À Épinay-sur-Seine, sa veillée du 9 août a réuni étudiants, artistes et responsables consulaires. « On sentait la chaleur du Congo dans la salle », confie la chanteuse Nzinga, venue interpréter un bolingo émouvant. Les cantiques ont résonné jusqu’aux premières lueurs.
Le 29 août, la dépouille rejoindra l’aéroport Agostinho-Neto, où une délégation de la préfecture de Pointe-Noire conduira le cortège. Selon le programme communiqué par la famille, la mise en bière publique permettra un dernier recueillement pour les habitants de la ville-océane.
Dans le quartier Tié-Tié, rue Louviza, une maison familiale a été transformée en chapelle ardente. Des bénévoles servent un café-girofle tandis que des représentants religieux se relaient pour les prières. Les autorités locales soulignent la mobilisation exemplaire de la jeunesse dans l’organisation.
Moukosso se prépare à l’inhumation
À 240 kilomètres de Brazzaville, Moukosso s’affaire déjà. On restaure l’église, on repeint la place du marché et l’on dresse des panneaux indicateurs afin de guider les visiteurs annoncés depuis Madingou et Dolisie. Les villageois veulent offrir un adieu à la hauteur de l’homme.
La cérémonie funéraire du 30 août sera ponctuée de chants kongo et de lectures bibliques. Le chef de district, tout en saluant la trajectoire internationale du défunt, rappelle que « les racines restent la meilleure boussole ». Un chœur d’enfants clôturera la messe d’enterrement.
Enfin, la dépouille reposera sur la colline des baobabs, selon le rite familial. À cet instant, l’écho des tam-tam se mêlera aux applaudissements, geste congolais pour saluer la fin d’une vie accomplie. Une stèle en pierre locale marquera l’emplacement.
Un héritage à transmettre
Pour la jeune architecte Clarisse Kaba, ancienne stagiaire d’Espace Vision, « l’héritage de Paul, c’est la transmission du savoir sans arrogance ». Elle évoque les soirées où, cartable sous le bras, il expliquait patiemment la résistance du bambou ou l’aérodynamisme des toitures traditionnelles.
À Brazzaville, l’Ordre national des architectes planche sur la création d’un prix annuel Paul-De-M’Poungui pour récompenser le meilleur projet étudiant alliant esthétique et durabilité. L’initiative, soutenue par le ministère de l’Enseignement supérieur, pourrait voir le jour dès la rentrée académique prochaine si les partenariats financiers se confirment avant juin.
Ainsi perdure la vision d’un bâtisseur, d’une génération à l’autre, fière.