Diversification économique et PME congolaises
Sous les lustres feutrés d’un hôtel de Brazzaville, la ministre des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, a officiellement lancé l’élaboration des politiques nationales destinées aux PME et à l’artisanat, pilier déclaré de la diversification économique congolaise.
Ce chantier, soutenu par le Programme des Nations unies pour le développement et plusieurs bailleurs, vise à doter le pays d’un cadre stratégique capable de métamorphoser un tissu d’affaires encore fragmenté en moteur de croissance inclusive, générateur d’emplois et vecteur d’exportations régionales.
Objectifs alignés sur la Vision 2025
Le gouvernement entend renforcer l’écosystème d’appui aux entreprises, faciliter l’accès aux financements et promouvoir la transformation numérique, trois axes déjà inscrits dans la Vision 2025 et dans le Plan national de développement 2022-2026, adoptés sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso.
L’objectif affiché est de porter la contribution des PME au produit intérieur brut de 20 % à 35 % d’ici cinq ans, tout en faisant passer leur part dans l’emploi formel de 45 % à plus de 60 %, selon les estimations du ministère en charge du secteur.
Partenariat renforcé avec le PNUD
À l’occasion du lancement, une lettre d’intention de co-financement a été signée entre la ministre et la représentante résidente du PNUD, prévoyant la construction d’un village de l’artisanat qui servira de vitrine aux créateurs locaux et de laboratoire d’incubation pour les jeunes pousses.
« Nous voulons lever les freins techniques, opérationnels et qualitatifs qui brident la compétitivité des unités économiques », a expliqué la diplomate onusienne, rappelant que l’agence a accompagné des initiatives similaires au Rwanda et au Bénin avec des retombées mesurables sur la création d’emplois féminins.
Financement et fiscalité au cœur du débat
Pour nombre d’analystes brazzavillois, l’accès au crédit demeure la première barrière à la croissance des PME, le coût moyen des prêts dépassant souvent 14 % l’an, selon les données de la Banque des États d’Afrique centrale, alors que la marge nette des microentreprises reste inférieure à 10 %.
Le futur document stratégique prévoit la création d’un fonds de garantie public-privé et l’élargissement des incitations fiscales déjà proposées par la loi de finances 2024, notamment l’exonération de TVA sur les équipements de production achetés par les sociétés de moins de cinq ans.
Artisanat, patrimoine économique vivant
L’artisanat congolais, qui emploie officiellement 300 000 personnes, représente un maillon essentiel de l’économie informelle. Sa formalisation permettrait d’élargir l’assiette fiscale, de professionnaliser la chaîne de valeur et d’exporter des produits identitaires comme le rafia tressé ou la sculpture sur bois wengé.
Le village de l’artisanat doit fédérer ateliers, espaces d’exposition et centre de certification qualité. Le ministère souligne que cette reconnaissance officielle facilitera l’accès aux marchés publics et aux plateformes de commerce électronique qui exigent des standards précis sur la traçabilité des matières premières.
Jeunes entrepreneurs et transformation digitale
À Brazzaville, une génération de start-uppeurs investit déjà les secteurs de la logistique urbaine, de l’agritech et des services financiers mobiles. Leur dynamisme répond aux ambitions gouvernementales, mais ils réclament des infrastructures numériques plus fiables et un meilleur accompagnement administratif dans les procédures d’enregistrement.
La future politique intègre un programme d’incubation numérique, doté d’un budget initial de 3 milliards de francs CFA, visant à fournir du cloud souverain, des bons de connectivité et des formations certifiantes en cybersécurité, autant de besoins identifiés lors des assises nationales de la jeunesse tenues en octobre.
Processus participatif et calendrier
Le ministère prévoit trois cycles de consultations régionales, l’un dans chaque zone économique spéciale, afin de capter les attentes des entrepreneurs urbains, des coopératives rurales et des chambres consulaires. Les travaux s’appuieront sur une plateforme numérique ouverte aux contributions citoyennes.
Un premier rapport diagnostique est attendu pour fin juillet. Le document final, validé en Conseil des ministres, devrait être publié en décembre, puis transmis au Parlement pour adoption. Ce calendrier serré témoigne de la volonté d’éviter tout déphasage avec la mise en œuvre du budget 2025.
Vers une compétitivité régionale accrue
Dans la perspective de la Zone de libre-échange continentale africaine, le Congo cherche à positionner ses PME comme fournisseurs de pièces détachées, de services numériques et de produits agro-transformés. L’harmonisation des normes et la simplification douanière figurent parmi les recommandations émises par la Fédération des entreprises du Congo.
Pour l’économiste Patrick Okemba, la réussite passera par « une discipline macroéconomique, un raccordement aux chaînes de valeur régionales et une montée en puissance de la formation professionnelle ». L’enjeu est clair : transformer l’élan actuel en avantage comparatif durable au cœur de l’Afrique centrale.
Mesure de l’impact et indicateurs clés
Le projet inclut un tableau de bord trimestriel qui suivra des indicateurs tels que le taux de survie des entreprises à trois ans, la part des achats publics attribués aux PME et le volume de crédits garantis par le nouveau fonds.
Une évaluation indépendante, conduite par l’Université Marien-Ngouabi, est également prévue après deux ans pour ajuster les politiques si nécessaire, un mécanisme salué par les représentants du secteur privé, soucieux de transparence et d’efficacité dans la dépense publique.