Vacances scolaires : l’appel du jeu sain
Dans le troisième arrondissement de Pointe-Noire, l’enceinte de la mairie de Tié-Tié s’est muée depuis fin août en vaste terrain de jeux. Sous des chapiteaux colorés, rires et cris fusent, témoins d’un parc d’attractions éphémère imaginé pour occuper la jeunesse urbaine.
À l’origine, l’Association des jeunes mères du Congo, emmenée par Michaelle Moutouari Tchicamboud, revenue d’un séjour hors des frontières, soucieuse d’offrir des loisirs sains pendant les vacances scolaires. L’idée a rapidement trouvé l’appui logistique de la municipalité, séduite par l’impact social anticipé.
Un souffle ludique au cœur de Tié-Tié
Des structures gonflables géantes dessinent un mini-parc façon Disneyland. Trampolines, toboggans aériens et labyrinthes mousseux attirent quotidiennement des centaines d’enfants issus des quartiers voisins de Mboukou, Faubourg et Ranson. Chaque attraction est soumise à une rotation afin d’éviter les files d’attente interminables.
La sécurité n’a pas été laissée au hasard. Des moniteurs formés aux gestes de premiers secours sillonnent les zones de jeu. Des lavabos portatifs ont été installés pour renforcer les habitudes d’hygiène, une préoccupation encore vive après les épisodes pandémiques récents.
Une réponse à l’oisiveté des grandes vacances
Entre mi-juillet et début septembre, plusieurs ONG locales tirent la sonnette sur la recrudescence des pratiques à risque chez les adolescents désœuvrés. Jeux d’argent clandestins, consommation précoce de boissons alcoolisées ou escapades nocturnes sont autant de dérives que le projet souhaite contenir durablement dans la cité océane.
« Nous voulons détourner l’énergie de nos enfants vers le jeu créatif », explique Mme Moutouari, entourée de bénévoles en tee-shirts jaunes. Selon elle, plus de 1 500 passages ont été enregistrés en une semaine, un chiffre confirmé par le service municipal de la jeunesse.
Des attractions pensées pour tous les âges
Le dispositif ne se limite pas aux plus jeunes. Des tables d’échecs géantes, un espace lecture fourni par la bibliothèque municipale et même un stand de codage informatique sur tablette accueillent les collégiens. L’intention est de mêler divertissement et apprentissage sans jamais ennuyer les participants.
Un passe journalier symbolique de 1000 FCFA est demandé. La somme, jugée accessible par les parents interrogés, couvre l’entretien du matériel et la rémunération des vingt jeunes encadreurs sélectionnés dans le quartier. L’association assure que toute famille en difficulté peut bénéficier d’une exonération.
Ambiances musicales et lien social
Au coucher du soleil, le parc change d’atmosphère. Des artistes locaux, tels que le groupe Kinois Bande et la chanteuse Lyz Lova, se relaient sur une petite scène alimentée par des panneaux solaires. Les performances mêlent afro-beat, rumba et contes interactifs modernes captivants également.
Pour Laure, mère de deux enfants, ces rendez-vous gratuits créent un rare moment de communauté : « On se retrouve, on discute sécurité routière, nutrition, école. » Les services sociaux profitent du rassemblement pour diffuser des messages de prévention sur la protection de l’enfance et l’hygiène.
Un projet porté par l’engagement associatif féminin
L’AJMC, active depuis 2016, concentre ses actions sur l’autonomisation des mères célibataires grâce à la couture et au maraîchage. Ce parc, souligne la présidente, prouve « qu’éduquer ne se limite pas aux salles de classe ». Une vingtaine de mamans gèrent la billetterie et la maintenance au quotidien.
Le ministère en charge de la Promotion de la femme a salué l’initiative, y voyant un exemple de partenariat public-associatif. Sans subvention directe, l’événement bénéficie néanmoins de facilités administratives, comme la mise à disposition du site et la gratuité des services d’éclairage municipal la nuit.
Impact économique local discret mais réel
Autour du parc, les vendeuses de jus de mangue et de beignets voient leurs recettes doubler. Le couturier Monsieur Ngoma confectionne chaque semaine des mascottes animales louées par l’organisation. L’économie informelle, principale source de revenus du quartier, profite donc directement de l’affluence des familles.
Les autorités locales estiment, selon un rapport interne consulté, que l’activité génère une circulation quotidienne de près de cinq millions de francs CFA. Ce micro-flux contribue à dynamiser les petits commerçants, un enjeu majeur dans une conjoncture marquée par la hausse des importations et coûts.
Perspectives pour la prochaine saison
Prévue pour se clore fin septembre, l’édition pilote alimente déjà les réflexions. L’équipe envisage de déplacer le concept dans les arrondissements Loandjili et Mongo-Mpoukou durant les vacances de Noël, à condition de trouver des partenariats privés capables de financer de nouveaux équipements adaptés aux adolescents sportifs.
Selon le sociologue Rodrigue Yoka, cette approche mobile pourrait contribuer à désenclaver certains quartiers périphériques. « Le jeu est un outil de cohésion », soutient-il, rappelant que l’aménagement d’espaces collectifs fait partie des axes du Plan national de développement local 2022-2026 présenté au dernier conseil municipal de juillet.
En attendant, les journées s’allongent sous le soleil océanique et les cris d’enfants résonnent entre les murs pastel de la mairie. Un spectacle simple, mais porteur d’espoir pour des familles qui cherchent, pendant deux mois, à conjuguer sécurité, éducation et détente au cœur de Pointe-Noire.
Beaucoup espèrent que cette dynamique inspirera d’autres associations, convaincues que le développement urbain passe aussi par la joie simple d’un ballon qui rebondit partout.