Un dénouement au bout du suspense
Sous le soleil d’Ignié, la troisième journée des play-offs a offert un scénario hollywoodien aux supporters venus en nombre. Mené 1-0, l’Amical Club la Colombe a inversé la tendance pour s’imposer 2-1 et décrocher le titre national 2023-2024.
Le but précoce de Mirue Missie, frappé à la 20e minute, avait pourtant refroidi l’assistance. Profitant d’une passe laser, l’attaquante de Galactic Excellence croisait une frappe imparable, résumant la qualité technique élevée d’un championnat que la pandémie avait longtemps décalé.
La pause a permis au coach Barthélémy Mvouba de réorganiser ses lignes. « J’ai demandé aux filles de poser plus le ballon », confie-t-il en bord de pelouse. La consigne a porté, Dedina Mabondzo égalisant dès la 50e sur une percée pleine de sang-froid.
Alors que le nul suffisait à Galactic, Irina Ongouya a surgi au bout du temps additionnel, hébergeant sa tête dans la lucarne. Le coup de sifflet final a libéré les Brazzavilloises, invaincues sur les trois matches de play-offs, total parfait de neuf points.
Les artisanes d’un sacre
Le trio Ongouya-Mabondzo-Ngoma a incarné la force offensive. Mais la gardienne Christelle Mabiala, auteure de deux arrêts réflexe face à Galactic, a rappelé l’équilibre d’un effectif bâti patiemment par la direction de l’AC Colombe depuis sa création en 2017.
La président du club, Arlette Ndinga, souligne l’importance du suivi médical et scolaire. « Nous voulons des sportives capables de réussir aussi en classe », martèle-t-elle. Cette vision attire désormais des partenaires privés sensibles à l’émancipation féminine à travers le sport.
Un moteur pour le football féminin congolais
Avec ce sacre, l’AC Colombe rejoint des équipes comme FCF La Source et Epah Ngamba qui structurent un championnat longtemps perçu comme confidentiel. Selon la Fédération congolaise de football, plus de 1 500 licenciées participent aujourd’hui aux différentes compétitions régionales.
La physionomie du tournoi 2023-2024 illustre la montée du niveau. Quatre formations, issues de Brazzaville et Pointe-Noire, se sont hissées en play-offs après une phase régulière disputée sur gazon naturel et synthétique. Le calendrier condensé a mis en lumière la préparation physique et la rotation des bancs.
Sur le rectangle vert, la vitesse et l’intensité ont surpris certains observateurs. Les séquences de pressing haut, rarement vues auparavant en championnat féminin local, démontrent l’apport des préparateurs physiques diplômés à Kintele qui interviennent désormais auprès des clubs majeurs.
Le ministère des Sports a salué une compétition « organisée et disputée ». Pour l’ancien international Juste Koussoukoma, présent au centre technique, le format resserré « favorise la visibilité médiatique ». En direct, Télé Congo a enregistré un pic d’audience de 420 000 téléspectateurs lors de la finale.
Cap sur la Ligue des champions de l’Uniffac
Le titre national offre à l’AC Colombe un billet pour les éliminatoires zonaux de la Ligue des champions féminine organisés par l’Union des fédérations d’Afrique centrale. Le tournoi, attendu en octobre à Malabo, distribuera une seule place pour la phase continentale.
Le staff se projette déjà. L’entraîneur adjoint, Josiane Mbemba, plaide pour « un stage d’au moins trois semaines, idéalement à l’étranger, afin de confronter les filles à d’autres styles ». Une demande étudiée par le comité exécutif de la Fécofoot, soucieux d’un parcours honorable.
Sur le plan financier, la participation aux éliminatoires exigera près de 60 millions de francs CFA, estimation partagée par le directeur administratif du club. Les autorités sportives ont évoqué la possibilité d’un appui combinant subvention publique et financement corporate, dans l’esprit du partenariat public-privé.
La fédération envisage aussi une campagne de communication ciblée sur les réseaux sociaux. Objectif affiché: populariser la compétition au-delà des grands centres urbains, attirer de nouvelles licenciées et séduire des marques intéressées par la jeunesse connectée du pays.
Soutien institutionnel et perspectives
Au-delà de l’enjeu sportif, la victoire de l’AC Colombe ravive le débat sur la professionnalisation du football féminin. Le secrétaire général du ministère, Jean-Bruno Yoka, estime qu’« un cadre contractuel adapté » pourrait être mis en place dès la prochaine saison.
Dans les quartiers de Brazzaville, des académies comme Espoir Mfilou ou Avenir Makélékélé recensent déjà plus de 300 jeunes joueuses. Les éducateurs y voient un vivier pour renforcer la sélection nationale U17, quart-de-finaliste de la dernière CAN de la catégorie.
Interrogé sur la place du secteur privé, le directeur de Marketing National, Félix Oba, rappelle que « la visibilité télévisuelle et digitale devient intéressante ». Sa société envisage de parrainer le ballon officiel des play-offs, symbole d’une économie sportive en pleine diversification.
Les observateurs soulignent toutefois la nécessité d’investir dans les infrastructures de base. Sur les neuf stades homologués en championnat masculin, seuls trois accueillent régulièrement les dames. La rénovation de terrains municipaux, annoncée début juillet, pourrait constituer une première réponse concrète.
En attendant, l’AC Colombe savoure un sacre construit sur la persévérance. Son épopée rappelle que le sport féminin congolais avance, pas à pas, porté par des talents, un encadrement motivé et un soutien institutionnel croissant, éléments indispensables pour viser les sommets continentaux.