Brazzaville mobilisée avant Dakar
Les 10 et 11 octobre prochains, Dakar deviendra la capitale panafricaine de l’émancipation féminine avec le sommet « Par les filles et pour les filles ». Vingt-quatre délégations nationales, dont celle du Congo-Brazzaville, y feront converger les attentes de millions d’adolescentes africaines.
À Brazzaville, un atelier gouvernemental tenu les 19 et 20 août a jeté les bases d’une participation réfléchie. Responsables publics, partenaires au développement et jeunes issues de familles vulnérables ont échangé dans un même cercle, signe d’un consensus recherché autour de la voix des adolescentes.
Priorités des adolescentes congolaises
Les discussions ont d’abord mis en lumière le besoin de formations adaptées, depuis les compétences numériques jusqu’à l’entrepreneuriat local. Selon plusieurs participantes, apprendre à coder ou à gérer une petite entreprise représente la première étape vers l’autonomie économique durable.
La protection contre les violences reste une préoccupation forte. Des témoignages recueillis sur place rappellent que la route de l’école, l’accès à l’eau ou les réseaux sociaux peuvent devenir des zones de risque. D’où la demande d’espaces sûrs et de référents adultes visibles.
Autre priorité avancée par le panel: faciliter l’accès aux services vitaux, de la santé sexuelle à l’état civil. Les participantes soulignent qu’un simple acte de naissance ouvre déjà la porte aux droits, tandis qu’une visite prénatale précoce peut épargner bien des drames.
Objectifs clés du sommet d’octobre
À Dakar, ces priorités locales seront mises en regard d’expériences en provenance du Nigeria, du Rwanda ou du Mozambique. Les organisateurs annoncent des sessions interactives où les adolescentes elles-mêmes animeront panels et cliniques d’idées, avec le soutien technique de l’Unicef.
Deux thèmes guideront particulièrement les ateliers: le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines. Les statisticiens parlent encore de milliers de cas chaque année sur le continent, mais les activistes insistent sur un détail encourageant: la baisse constante du taux d’acceptation sociale.
Les organisateurs espèrent donc transformer les chiffres en voix, puis les voix en décisions. « Nous voulons que l’engagement politique devienne une évidence, pas un supplément », résume Maïssa Abdellaoui, chargée de l’éducation et de l’autonomisation des filles à l’Unicef Sénégal.
Derrière le programme, un enjeu financier se profile: mobiliser davantage de budgets dédiés à l’adolescence dans les plans nationaux. Le ministère congolais de la Jeunesse, associé à celui de la Promotion de la femme, plaide déjà pour une ligne budgétaire distincte dès l’exercice 2024.
Enjeux régionaux d’égalité des sexes
Le Sommet intervient dans une conjoncture perçue comme paradoxale. D’un côté, la ratification continentale de conventions sur les droits des femmes progresse. De l’autre, l’accès des filles à un secondaire complet stagne encore autour de 40 %, selon les derniers rapports de l’Union africaine.
À Brazzaville, les associations rappellent que l’uniforme scolaire reste gratuit pour les élèves du primaire, signe d’un effort étatique réel. Toutefois, le passage au collège entraîne encore des coûts dissuasifs. Plusieurs ONG proposent des fonds rotatifs pour limiter les abandons prématurés.
Le Sommet servira aussi de plateforme diplomatique. Le Sénégal, hôte, souhaite promouvoir une coalition de pays partageant de bonnes pratiques législatives. Des juristes congolais, béninois et kényans sont attendus pour comparer les dispositifs contre les mariages précoces et évaluer leur applicabilité.
Pour les spécialistes de santé publique, l’opportunité est également clinique. Des séances de dépistage volontaires pour l’anémie ou l’infection palustre durant l’adolescence seront présentées comme modèles reproductibles. L’idée est d’intégrer la santé dans tout programme d’autonomisation, afin d’éviter une approche cloisonnée.
Perspectives après la rencontre
À l’issue du sommet, un tableau de bord commun doit être mis en ligne. Chaque pays y actualisera, deux fois par an, son taux de scolarisation, l’âge médian du premier mariage ou la part de filles handicapées bénéficiant d’une aide spécifique. Transparence et comparaison stimuleront l’émulation.
Le Congo-Brazzaville prévoit déjà une restitution publique, organisée dans les lycées partenaires de la capitale. Des ambassadrices juvéniles y relayeront les recommandations, signe que le processus n’est pas réservé aux salles climatisées, mais qu’il doit s’installer dans les cours de récréation.
En filigrane, c’est l’avenir démographique du continent qui se joue. Offrir à chaque adolescente les moyens d’agir revient à renforcer la résilience économique de demain. Au-delà des slogans, le suivi budgétaire et l’évaluation indépendante diront si Dakar aura été un point de bascule.
Les élus municipaux brazzavillois envisagent également de connecter les Maisons des jeunes au réseau panafricain Girls Speak Up. Cette plateforme numérique permettra à une collégienne de Poto-Poto de débattre en direct avec une camarade de Ziguinchor, brisant ainsi les barrières géographiques sans frais supplémentaires.
Reste enfin la question de la mesure de l’impact. Un groupe de recherche conjoint entre l’Université Marien-Ngouabi et l’Université Cheikh-Anta-Diop sera lancé pour documenter les changements produits par les politiques post-sommet. Les premiers résultats sont attendus au second semestre 2025 et permettront d’ajuster les programmes avant la prochaine édition continentale.