Brazzaville se penche sur la réforme des marchés publics
Le grand auditorium d’un hôtel du centre-ville a résonné, fin août, des discussions pointues sur l’avenir des marchés publics. Pendant deux jours, le comité de pilotage du Pagir a rassemblé techniciens et décideurs autour d’un seul objectif : affûter le nouveau cadre d’achat public du Congo.
Ce rendez-vous, soutenu par la Banque mondiale et organisé avec l’ARMP, devait fixer une matrice d’indicateurs de performance. Ce tableau, désormais validé, servira de boussole pour jauger l’efficacité, la transparence et la solidité juridique de chaque appel d’offres étatique.
Quatre piliers pour un système robuste
Autour de la table, juristes, ingénieurs, représentants du secteur privé et voix de la société civile ont confronté leurs notes. Leur analyse s’est articulée sur quatre piliers : législation, institutions, pratiques d’acquisition et intégrité, un quatuor jugé indissociable d’un climat des affaires sain.
Selon Antoine Ngakosso, conseiller économique du ministre d’État, la démarche répond à « un vaste chantier de modernisation engagé pour garantir l’usage optimal des deniers publics ». Sa déclaration, accueillie avec approbation, souligne la volonté officielle d’inscrire les réformes dans la durée.
Premier pilier, le cadre législatif doit rassurer investisseurs et citoyens. Des textes cohérents, alignés sur les meilleures normes régionales, limitent les marges de subjectivité dans l’attribution d’un contrat et réduisent le risque de retards ou de litiges coûteux.
Vient ensuite le socle institutionnel. Les participants ont souligné que des services spécialisés bien dotés en ressources humaines et numériques accélèrent la rédaction des cahiers des charges et assurent le suivi post-contrat, deux phases souvent négligées dans les administrations surchargées.
Troisième axe, les pratiques d’acquisition publiques. Des fiches techniques harmonisées, un calendrier public d’appels d’offre et la passation électronique réduisent considérablement les délais et favorisent la concurrence, gage d’économies pour l’État comme pour les contribuables.
Le dernier pilier, enfin, renvoie à la responsabilité et à l’intégrité. Déclarations de conflits d’intérêts, audits réguliers et publication grand public des contrats signés permettent de consolider la confiance, condition essentielle d’un développement inclusif.
La méthode MAPS, repère international
Pour encadrer cette ambitieuse refonte, le Congo s’appuie sur la méthodologie MAPS, référence internationale développée avec l’OCDE. MAPS propose une batterie de critères objectifs, comparables entre pays, afin d’orienter les plans d’action sans céder aux perceptions.
Le secrétariat international de MAPS doit désormais approuver la matrice d’indicateurs validée à Brazzaville. Ce feu vert est attendu comme une reconnaissance externe de la solidité du processus engagé par les autorités congolaises.
« Nous voulons un système conforme aux standards les plus exigeants, capable d’attirer les bailleurs régionaux », souligne une cadre de la Banque mondiale présente à l’atelier, rappelant que la bonne gouvernance conditionne souvent l’accès à des financements concessionnels.
Des attentes fortes chez les parties prenantes
Côté secteur privé, les représentants de la Chambre de commerce ont salué la création prochaine d’un portail open data. Ils estiment que la diffusion en temps réel des avis d’appel d’offres limitera la pratique du gré-à-gré et ouvrira davantage la commande publique aux jeunes entreprises.
La société civile, à travers l’Observatoire congolais des finances publiques, réclame de son côté un suivi citoyen des chantiers. « La publication des rapports d’audit en ligne serait un pas décisif », note un responsable, soulignant le rôle de la vigilance communautaire.
La jeunesse urbaine, principale bénéficiaire des créations d’emplois attendues, suit elle aussi le dossier. Sur les réseaux sociaux, des étudiants analysent déjà le chantier Pagir, s’interrogeant sur les filières porteuses que la concurrence loyale pourrait dynamiser.
Les ministères sectoriels, enfin, voient dans cette standardisation une opportunité de mutualiser les outils. Plusieurs directeurs des achats ont proposé une plateforme unique de gestion de contrats, afin de réduire les coûts de formation et de maintenance logicielle.
Vers une transparence durable et inclusive
Brazzaville n’en est pas à son coup d’essai. Depuis l’adoption du code révisé de 2009, plusieurs textes d’application ont été pris. Le Pagir franchit une étape supplémentaire en inscrivant la transformation dans un cadre mesurable et compatible avec les financements extérieurs.
L’effet attendu se mesure autant en économies qu’en image. Les experts rappellent qu’un retard d’appel d’offres peut coûter jusqu’à 10 % du budget d’un projet, tandis qu’une réputation solide abaisse les primes de risque exigées par les investisseurs.
Sur le terrain, certaines innovations sont déjà visibles. L’ARMP teste un module de signature électronique et a formé cent cadres aux nouveaux standards. Les premiers contrats pilotés via la plateforme seront suivis d’évaluations publiques pour mesurer les gains réels.
Le calendrier reste ambitieux. D’ici à la prochaine revue budgétaire, prévue l’an prochain, chaque ministère devra renseigner les indicateurs MAPS le concernant. Les données agrégées guideront les décisions stratégiques et alimenteront les rapports destinés aux partenaires internationaux.
En renforçant simultanément réglementation, informatique et contrôle citoyen, le Congo pose les bases d’un système de passation plus résilient. Le succès du processus, s’il se confirme, pourrait devenir un modèle dans la sous-région et accélérer l’intégration économique espérée.