Lancement d’un fonds vital à Brazzaville
Un léger brouhaha traverse la salle de l’Hôtel Saint-François-de-Paul ce 25 août 2025, lorsque Malik Loemba-Makosso dévoile le nouveau Fonds d’urgence de la Croix-Rouge congolaise. L’annonce officialise un soutien européen de 220 000 euros destiné à enrayer la propagation du choléra.
Autour de la table, partenaires techniques, représentants gouvernementaux et volontaires échangent déjà sur la logistique. La présence du professeur Donatien Mounkassa, au nom du ministère de la Santé et de la Population, confirme l’alignement de l’initiative avec la stratégie nationale de réponse.
Dans un contexte régional marqué par des foyers actifs en Angola et en RDC, la République du Congo cherche à rester en dessous du seuil épidémique. Ce fonds, piloté pendant quatre mois, permettra d’accélérer l’accès à l’eau potable, l’assainissement et la sensibilisation communautaire.
Comprendre la menace transfrontalière
Le secrétaire général Gabriel Goma Mahinga rappelle que Brazzaville et Kinshasa ne sont séparées que par le fleuve Congo. Chaque traversée informelle de pirogue suffit à déplacer la bactérie Vibrio cholerae, ce qui complexifie la surveillance sanitaire aux points d’entrée officiels.
En Angola, la province de Cabinda enregistre des flambées depuis juin. Côté congolais, l’épicentre initial de l’Île Mbamou décline, mais les districts de Mossaka et Loukoléla, le long du fleuve Oubangui, voient les admissions augmenter. La cartographie des cas se réactualise chaque semaine.
Selon les derniers bulletins, plus de cinq cents personnes ont été recensées depuis le début de l’année, pour trente-cinq décès. Le taux de létalité, autour de 7 %, reste supérieur à l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé, fixée à 1 % pour une maîtrise complète.
Objectifs concrets du financement européen
Les 220 000 euros seront convertis en stations de chloration, tablettes de purification et kits d’hygiène familiale. L’enveloppe prévoit aussi des points de rehydratation orale dans six centres de santé afin de traiter immédiatement les diarrhées aqueuses, symptômes critiques d’une infection à choléra.
Une partie du budget finance la mobilisation de trois cents volontaires formés aux méthodes de communication pour le changement social. Ces bénévoles sillonnent déjà les marchés, les gares fluviales et les écoles avec des mégaphones, expliquant les gestes simples : lavage des mains, traitement domestique de l’eau.
Le dispositif comprend enfin un volet suivi-évaluation. Des équipes mixtes, associant Croix-Rouge, Direction de l’action humanitaire et universités, collectent des échantillons d’eau village après village. Les données sont transmises à un tableau de bord national permettant d’ajuster la distribution de ressources presque en temps réel.
Témoignages d’acteurs sur le terrain
À Mossaka, la sage-femme Clarisse Okoua observe une baisse des admissions pédiatriques depuis que de nouveaux points d’eau traitée ont été installés. « Les parents viennent désormais avec leurs enfants pour des contrôles, pas seulement en urgence », explique-t-elle, saluant la rapidité de la réponse.
Pour Malik Loemba-Makosso, la clé réside dans l’implication communautaire. « Nous ne venons pas imposer un protocole ; nous co-construisons les solutions avec les chefs de quartier », affirme le premier vice-président, rappelant que la Croix-Rouge opère depuis 1963 sur l’ensemble du territoire congolais.
Du côté de l’Union européenne, la chargée de programme humanitaire, Elena Rossi, souligne « l’efficacité éprouvée des volontaires congolais ». Selon elle, l’investissement vise aussi à préparer les communautés aux risques climatiques futurs, la montée des eaux pouvant accroître l’exposition aux maladies hydriques.
Synergie avec les autorités sanitaires
Le plan de riposte s’articule avec le Centre des opérations d’urgence de santé publique du ministère. Des réunions hebdomadaires harmonisent messages et itinéraires d’équipes mobiles, évitant le doublon d’activités et concentrant l’effort sur les foyers émergents identifiés par le système de surveillance intégrée.
Le professeur Mounkassa estime que « la courbe des cas est sur le point d’être aplatie ». Il insiste cependant sur la nécessité de maintenir la vigilance après décembre, rappelant que les facteurs d’urbanisation rapide et de pression démographique demeurent susceptibles de créer de nouveaux points chauds.
Le ministère de la Communication envisage de relayer les spots produits par la Croix-Rouge sur les ondes nationales. L’objectif est de toucher les zones fluviales difficiles d’accès, où la radio reste le médium le plus fiable, surtout durant la saison des pluies, période propice aux remontées bactériologiques.
Enjeux à moyen terme
Si les indicateurs continuent de s’améliorer, la République du Congo pourrait servir d’exemple régional d’urgence réussie. Les techniciens de la Communauté économique des États d’Afrique centrale envisagent déjà de documenter la méthodologie pour l’intégrer au prochain plan transfrontalier de santé publique.
Les experts rappellent néanmoins que le choléra n’est qu’un révélateur des défis d’accès à l’eau. D’autres pathogènes, tels que l’hépatite E ou la shigellose, trouvent également un terrain favorable dans les zones où les infrastructures peinent à suivre la croissance urbaine rapide.
Au sortir des discussions, un consensus se dégage : la prévention reste l’investissement le plus rentable. Les 15 000 personnes ciblées par le programme verront leur quotidien amélioré, mais c’est l’appropriation des pratiques d’hygiène qui garantira la résilience durable face aux épidémies futures.