Un chantier stratégique pour l’axe Pointe-Noire-Brazzaville
Sur la plaine verdoyante de Loudima, au cœur de la Bouenza, un morceau de câble scintille entre les mains du ministre de l’Énergie, Émile Ouosso. Le geste marque le lancement officiel de la réhabilitation de la ligne haute tension Pointe-Noire-Brazzaville, longue de 500 kilomètres.
Âgée de quarante ans, la ligne 220 kilovolts transporte l’électricité issue de la Centrale électrique du Congo. L’usure de ses pylônes provoque aujourd’hui des pertes supérieures à cent mégawatts, privant la capitale d’une part décisive de l’énergie produite sur la côte Atlantique.
Partenariat public-privé et financement sécurisé
Pour inverser cette tendance, le gouvernement a confié le chantier à Eni Congo. «Nous sommes engagés, nous le restons», assure le directeur général Andrea Barberi, soulignant que le respect des normes de qualité guidera chaque soudure, chaque boulon, chaque relevé topographique sur l’ensemble du tracé.
Le financement, estimé à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA, s’appuie sur un mécanisme mêlant budget national, prêts concessionnels et apport direct d’Eni Congo. Le modèle s’inspire du schéma de la Centrale électrique du Congo, détenue à 80 % par l’État et 20 % par l’entreprise.
Depuis quinze ans, la CeC affiche un taux de disponibilité supérieur à 98 %. Ce résultat, souvent cité dans les forums africains de l’énergie, sert d’argument pour rassurer les bailleurs et prouver la robustesse du partenariat public-privé voulu par les autorités congolaises.
Détails techniques et calendrier des travaux
Le projet comprend la remise à niveau de six postes électriques majeurs, dont Mindouli et Ngoyo, et l’installation de compensateurs statiques capables de stabiliser instantanément la tension. Des drones inspecteront les conducteurs, tandis que des équipes au sol renforceront les pylônes exposés aux intempéries.
Selon le calendrier prévisionnel partagé par le ministère, les premiers segments rénovés devraient entrer en service avant la saison sèche prochaine. Les travaux se dérouleront sans interruption d’alimentation prolongée, grâce à un basculement progressif des flux électriques et à des groupes mobiles d’appoint.
Les ingénieurs prévoient également d’installer un système numérique de surveillance de la ligne, capable de détecter la moindre surcharge en temps réel. Les données collectées seront centralisées à Brazzaville, où un nouveau centre de contrôle doit être opérationnel d’ici la fin de l’année.
Bénéfices attendus pour l’industrie et les ménages
«La fin de tous ces travaux devra couronner les problèmes que nous trouvons en ce moment», a rappelé Émile Ouosso devant la presse locale. Le ministre estime que la modernisation répond à une exigence citoyenne: recevoir au poste compteur la même puissance injectée en amont.
Au-delà de l’enjeu technique, la fiabilité du réseau constitue un levier macro-économique. Les petites industries alimentaires de Brazzaville, souvent contraintes d’arrêter les chaînes de production lors des chutes de tension, entrevoient une réduction de leurs coûts opérationnels et une amélioration de leur compétitivité régionale.
Pointe-Noire, pour sa part, compte sur la sécurisation du flux pour étendre ses capacités portuaires et pétrochimiques. Les responsables de la Chambre de commerce locale rappellent qu’un mégawatt perdu sur la ligne équivaut à plusieurs conteneurs immobilisés au terminal, avec des répercussions immédiates sur la balance logistique.
Dans les quartiers périphériques de Brazzaville, les habitants sondés espèrent surtout la fin des coupures nocturnes. Yveline, étudiante en informatique, confie qu’elle doit souvent recharger son ordinateur au campus à l’aube. «Une électricité stable, c’est aussi la réussite de nos examens», insiste-t-elle.
Les associations de consommateurs saluent le projet, tout en appelant à plus de transparence sur la tarification future. Le ministère assure que l’efficience technique réduira les coûts de distribution et ouvrira la voie à des offres adaptées aux ménages à revenus modestes.
Emplois locaux et développement durable
Sur le terrain, plus de quatre cents travailleurs, recrutés majoritairement dans les localités traversées, participent déjà aux opérations de débroussaillage. Cette approche, souligne le préfet de la Bouenza, crée des emplois immédiats et diffuse des compétences électriques qui resteront au service des communautés après le chantier.
La stratégie nationale de transition énergétique fixe un objectif de 85 % d’accès à l’électricité d’ici 2028. Le renforcement de l’axe Pointe-Noire-Brazzaville en constitue l’étape charnière, capable de catalyser les projets solaires et hydroélectriques prévus dans la cuvette congolaise.
Regards d’experts sur l’intégration régionale
Pour Séraphin Boumba, chercheur à l’Institut national de la recherche scientifique, la modernisation «placera le Congo sur la carte des réseaux fiables d’Afrique centrale». Il évoque un futur maillage sous-régional permettant d’exporter les excédents vers le Gabon ou la République démocratique du Congo.
Vers une fourniture fiable pour la jeunesse urbaine
À Loudima, sous la chaleur d’août, le câble remis au directeur général d’Eni symbolise donc un futur plus lumineux. Si le calendrier est respecté, les jeunes urbains brancheront leurs appareils sans craindre l’écran noir, et la croissance espérée pourra s’inscrire durablement dans le paysage national.