Un partenariat stratégique à Brazzaville
Lorsque le Congrès des chefs d’entreprise du Congo et le groupe de presse nationale La Nouvelle République ont paraphé, à Brazzaville, un accord inédit le 27 août, les flashs crépitaient. L’instant illustrait une convergence d’intérêts rarement affichée entre le monde patronal et la sphère médiatique.
Signataire pour les entrepreneurs, Paul Nestor Mouandzibi a insisté sur la nécessité d’accorder une visibilité constante aux initiatives privées qui jalonnent le territoire. Il voit dans cette alliance le socle d’une nouvelle pédagogie économique tournée vers l’explication et la mesure des performances.
Face à lui, Anasth Wilfrid Mbossa, directeur général de La Nouvelle République, a salué un dispositif de coopération gagnant-gagnant. Pour le patron de presse, l’enjeu dépasse la couverture événementielle : il s’agit de consolider la confiance entre acteurs économiques et grand public.
Enjeux pour le secteur privé congolais
Présent lors de la signature, Antoine Oviebo-Ethaï, directeur de cabinet du ministre en charge de la communication, a rappelé que « l’État mise sur un partenariat équilibré avec le secteur privé pour diversifier l’économie ». Selon lui, la médiatisation éclairée d’initiatives locales nourrit la stabilité macro-économique.
Le texte prévoit la diffusion régulière de portraits d’entrepreneurs, de reportages sur les chaînes de valeur nationales et d’analyses sectorielles. Une cellule conjointe déterminera les angles, assurant une cohérence entre la stratégie du Ccec et la ligne éditoriale du groupe public.
Au-delà de la mise en lumière, l’accord instaure un baromètre trimestriel de la perception du climat des affaires. Les données, récoltées auprès de plus de cinq cents entreprises, seront commentées par des économistes locaux et publiées simultanément sur papier, télévision en ligne et réseaux sociaux.
Pour de nombreux analystes brazzavillois, la démarche reflète l’ambition du Plan national de développement 2022-2026, axé sur la diversification hors pétrole. « L’image d’un secteur privé dynamique est cruciale pour attirer les financements », glisse l’économiste Junior Mampouya, enseignant à l’Université Marien-Ngouabi.
Le Ccec, né en 2015, revendique plus de 2 000 membres répartis dans douze fédérations professionnelles. Pour ses adhérents, l’enjeu immédiat réside dans la promotion de success stories locales capables de contrer le discours d’une économie perçue encore trop dépendante des cours internationaux.
Le rôle accru des médias publics
La Nouvelle République, issue en 1998 de la fusion de plusieurs titres historiques, assure pour sa part vouloir « rester gardienne d’un pluralisme factuel ». Son audience cumulée, estimée à un million de lecteurs et téléspectateurs mensuels, confère au partenariat une caisse de résonance considérable.
Les nouvelles plateformes numériques du groupe, notamment la télévision en ligne, seront mobilisées pour des directs depuis les zones économiques spéciales. L’objectif est de montrer, images à l’appui, les avancées concrètes de projets industriels et agricoles souvent inconnus du public urbain.
Sur le plan éditorial, les rédactions spécialisées économie et société travailleront avec des journalistes régionaux pour éviter le prisme de la capitale. « Nous irons dans la Sangha comme dans le Pool, sans filtre », promet la rédactrice en chef adjointe, Clémence Okoumba.
Synergie numérique et formation
Les clauses financières n’ont pas été détaillées, mais les deux parties évoquent un financement croisé : placement publicitaire pour le Ccec, appui logistique pour le média. Une commission de suivi, présidée alternativement par les signataires, réévaluera chaque année les indicateurs de performance.
Dans un contexte où les réseaux sociaux façonnent l’opinion, le partenariat prévoit la formation de community managers issus des rangs patronaux. Leur mission : vulgariser les politiques publiques favorables à l’entrepreneuriat et répondre, en temps réel, aux interrogations des internautes sur les projets privés.
« Ce mécanisme participatif réduit la distance entre entreprises et citoyens », estime Mireille Bambi, sociologue des médias. Elle souligne cependant la nécessité d’une éthique rigoureuse afin d’éviter la confusion entre information et communication institutionnelle, un risque reconnu par les deux signataires.
À court terme, la première production conjointe portera sur la cartographie des startups technologiques opérant à Brazzaville et Pointe-Noire. Ce dossier, annoncé pour octobre, combinera reportages vidéo, articles de données et table ronde afin d’offrir une perspective fouillée aux lecteurs.
Perspectives régionales et nationales
Cette feuille de route intervient alors que la Banque mondiale classe le Congo parmi les pays d’Afrique centrale au potentiel entrepreneurial élevé. L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires recense, en parallèle, une hausse de 12 % des immatriculations d’entreprises sur douze mois.
D’autres syndicats patronaux observent l’initiative avec intérêt. Le Groupement interprofessionnel du Cameroun a, selon nos informations, entamé des discussions exploratoires avec des médias locaux pour répliquer la formule. Les signataires congolais y voient la confirmation d’un mouvement régional vers une communication plus proactive.
En scellant cette alliance, le Ccec et La Nouvelle République entendent cultiver l’idée qu’un pays se bâtit aussi par le récit de ses réussites. Ils misent sur un public jeune, connecté, avide de preuves tangibles que l’initiative privée peut accélérer l’émergence nationale.