Mobilisation citoyenne inédite
Dans une salle comble du centre international de Brazzaville, Digne Elvis Okombi Tsalissan a ouvert la première conférence des délégués du Patriarche, invitant associations, partis et ONG à s’unir pour la révision transparente des listes électorales avant les prochaines échéances.
Autour de lui, une palette de responsables politiques, de leaders religieux et de figures de la société civile a salué une initiative perçue comme un laboratoire d’expérimentation citoyenne, reflet d’une demande croissante de participation active dans la conduite des affaires publiques.
Défier l’abstention des jeunes
« Travailler ensemble sera le plus grand défi », a martelé le coordinateur général, rappelant que les fake news, la surmédiatisation des clivages et la financiarisation de la vie politique fragilisent la confiance, pourtant indispensable à un scrutin apaisé.
Le choix du thème, « Le rôle des masses populaires dans la préparation et la participation au processus électoral ainsi que dans la mise en œuvre des réformes », souligne la volonté d’associer chaque citoyen, du centre-ville aux confins du Niari, aux futures consultations.
Les délégations venues des douze départements ont d’emblée travaillé sur trois interrogations simples : Qui sommes-nous ? Pourquoi nous rassembler ? Comment travailler ensemble ? Une manière de bâtir un socle commun avant d’aborder des questions plus techniques sur la procédure d’inscription.
Trois questions pour avancer
Cette méthode s’inspire d’Henry Ford : « Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite ». L’adage, cité à plusieurs reprises, résonne particulièrement dans un contexte national qui valorise désormais le dialogue et la cohésion.
Sur le terrain, les chiffres de l’abstention interpellent. Lors des dernières municipales, près d’un électeur sur deux n’a pas glissé son bulletin. Beaucoup de jeunes disent ne pas se sentir concernés, d’autres doutent de l’utilité de leur voix.
Matissa Affaire, catalyseur local
Digne Elvis Okombi Tsalissan insiste : « Dans l’isoloir, chacun détient le même pouvoir, qu’il soit professeur, chômeur ou auto-entrepreneur ». Un message qui trouve écho dans les quartiers sud de la capitale, où plusieurs collectifs mobilisent déjà des volontaires.
Parmi les outils présentés, l’opération Matissa Affaire avec Loboko ya Patriarche se distingue. L’initiative combine sensibilisation digitale, portes-à-portes et ateliers de formation pour guider les nouveaux électeurs à travers les démarches administratives et rappeler les dates clés du calendrier.
Selon les organisateurs, plus de 300 jeunes volontaires sont déjà inscrits dans la base de données du programme, prêts à intervenir dans les arrondissements pour vérifier la conformité des registres et signaler d’éventuelles omissions auprès des commissions locales.
Conjuguer société civile et État
Si la révision des listes relève du ministère de l’Intérieur, la contribution des associations est perçue comme un complément opérationnel. « Nos équipes n’empiètent pas sur les prérogatives de l’État, elles amplifient l’information », précise Mireille Ibara, chargée de la coordination terrain.
Au-delà du vote, les panels questionnent la place de la jeunesse dans l’élaboration des réformes sociétales. Des experts en sociologie urbaine décrivent une génération connectée et créative, en quête d’opportunités pour exprimer son patriotisme au-delà des réseaux sociaux.
Des compétences locales aux réformes
Les universitaires invités soulignent que la participation citoyenne ne se réduit pas au scrutin. Elle inclut le suivi des projets municipaux, la maîtrise du budget participatif et, surtout, la capacité à proposer des solutions réalistes aux défis urbains comme la gestion des déchets.
Dans la salle, plusieurs maires d’arrondissement estiment que ce dialogue continu avec les jeunes électeurs facilite ensuite l’appropriation des politiques publiques. Les échanges, parfois vifs, se déroulent dans un esprit constructif, chaque intervenant s’efforçant de rester factuel et orienté vers le résultat.
Feuille de route vers 2026
La conférence doit s’achever le 30 août par l’adoption d’un rapport assorti de recommandations opérationnelles : messages ciblés sur les réseaux, harmonisation des formulaires papier-numérique, et ouverture de guichets mobiles dans les zones périurbaines.
Une feuille de route sera ensuite transmise aux autorités compétentes. « Nous voulons que chaque proposition soit techniquement faisable et budgétairement responsable », résume le docteur Obambi, spécialiste des systèmes électoraux, convaincu que le succès dépendra d’un partenariat État-société civile équilibré.
À Brazzaville comme à Impfondo, beaucoup espèrent désormais que l’élan créé perdurera au-delà de la conférence. L’enjeu dépasse le simple taux de participation : il s’agit de consolider un modèle démocratique inclusif, fidèle aux orientations de modernisation prônées au niveau national.
L’écho numérique
Sur les réseaux, le hashtag #JeMinscris a déjà généré des milliers d’interactions. Vidéos explicatives, mèmes humoristiques et témoignages d’anciens abstentionnistes circulent, créant une émulation positive que les influenceurs locaux relaient auprès de leurs communautés.
Soutien institutionnel
Pour les pouvoirs publics, cet enthousiasme représente un atout. La direction générale des affaires électorales assure suivre attentivement les remontées du terrain afin d’ajuster ses dispositifs mobiles, notamment l’envoi de kits biométriques dans les zones enclavées.
Un modèle observé dans la région
Analystes et observateurs internationaux voient dans cette synergie un modèle régional. Selon la politologue camerounaise Sarah Mbakop, « associer créativité associative et soutien institutionnel constitue une recette efficace pour revitaliser la démocratie participative tout en préservant la stabilité politique ».