Des chaînes d’approvisionnement plus robustes
Réunis du 25 au 27 août à Lusaka, les ministres africains de la Santé ont porté un message clair : sans chaînes d’approvisionnement solides, la riposte contre le paludisme restera fragile. Dans l’amphithéâtre de la soixante-quinzième session régionale de l’OMS, le mot d’ordre était pragmatisme.
Plusieurs délégations ont insisté sur l’achat groupé d’insecticides, de tests rapides et de médicaments antipaludiques, afin de réduire les coûts logistiques et les ruptures. La mutualisation, ont-ils rappelé, donnerait aux fabricants une meilleure visibilité et aux patients une distribution plus régulière, même dans les zones rurales isolées.
Le rôle clé de la donnée sanitaire
La session a également consacré un long échange à l’exploitation des données. Les ministres veulent cartographier les flambées en temps quasi réel, grâce aux dossiers numériques et à la téléphonie mobile. Une couverture précise permettrait de déployer moustiquaires, tests et vaccins là où l’incidence reste élevée.
Depuis 2015, les cas déclarés de paludisme ont reculé de 5 % sur le continent, tandis que la mortalité a baissé de 16 %. Ces résultats encourageants demeurent toutefois très en deçà de la cible intermédiaire de 75 % fixée pour 2025 par le cadre mondial de l’OMS.
Financements, défis et innovations
« Nous devons accélérer pour tenir notre promesse collective », a résumé un directeur de programme, rappelant que l’objectif final reste une réduction de 90 % de l’incidence mondiale à l’horizon 2030. L’écart actuel appelle, selon lui, une action concertée, financée et régulièrement évaluée.
Les experts ont listé plusieurs freins : fragilité des systèmes de santé, accès encore tardif aux soins de qualité, conflits armés, catastrophes naturelles, financement intérieur limité et effets du changement climatique. Autant de réalités qui compliquent la continuité des traitements et l’usage systématique des moustiquaires imprégnées.
Plusieurs orateurs ont évoqué la baisse annoncée de certaines enveloppes internationales. Dans un contexte où la solidarité mondiale se réoriente, ils proposent d’élargir la part des budgets nationaux consacrée au paludisme et d’explorer des partenariats public-privé pour sécuriser l’achat d’intrants essentiels.
Le rapport final souligne que ces réorientations, bien que risquées, offrent « une occasion de repenser le modèle de financement ». Les participants envisagent par exemple des mécanismes de cofinancement étagés, où l’aide internationale catalyse puis s’efface progressivement lorsque les contributions nationales atteignent un seuil convenu.
Les gains obtenus depuis 2015
En dépit des défis, deux décennies d’efforts intensifiés ont permis d’éviter environ 2,2 milliards de cas et 12,7 millions de décès. Ces chiffres, rappelés à Lusaka, témoignent de l’impact concret des moustiquaires, du diagnostic rapide et de la disponibilité accrue des traitements combinés à base d’artémisinine.
La couverture en moustiquaires imprégnées est passée de 46 % en 2021 à 59 % en 2023. Cette progression s’explique par de vastes campagnes porte-à-porte et une meilleure sensibilisation communautaire, même si la distribution connaît encore des poches de résistance dans certaines zones forestières ou insulaires.
La chimio-prévention saisonnière suit la même tendance, avec un bond spectaculaire : de 200 000 enfants protégés en 2012 à 53 millions en 2023, répartis dans 18 pays. Les cliniciens saluent une mesure peu coûteuse, particulièrement adaptée aux régions sahéliennes où le risque est concentré.
En matière de vaccination, près de six millions d’enfants avaient déjà reçu une première dose en juillet 2025 dans 20 pays pilotes. Les ministres prévoient d’étendre progressivement l’initiative, en alignant la distribution du sérum sur les calendriers de vaccination infantile existants.
Perspectives pour Brazzaville et le continent
Pour Brazzaville, capitale où l’urbanisation rapide multiplie les points d’eau stagnante, le renforcement des chaînes d’approvisionnement annoncé à Lusaka constitue une assurance supplémentaire. La disponibilité continue de tests rapides et d’ACT devrait consolider les efforts déjà visibles dans les dispensaires du cinquième arrondissement et au-delà.
Les responsables sanitaires congolais envisagent d’appuyer cette dynamique par une meilleure intégration des bases de données nationales au système continental d’alerte précoce. Leur priorité est de prédire la demande quartier par quartier, afin de prévenir les ruptures et d’optimiser la rotation des stocks sensibles à la chaleur.
Dans les universités de Brazzaville, de jeunes chercheurs travaillent déjà sur des algorithmes capables de corréler humidité, température et densité de population aux appels enregistrés sur les lignes vertes anti-paludisme. Le partage de ces innovations avec la plateforme régionale reste un enjeu stratégique évoqué à Lusaka.
À l’issue des trois jours, les ministres ont convenu de publier un tableau de bord semestriel, accessible au public, pour suivre les indicateurs clés. Transparence et redevabilité, insistent-ils, favoriseront la mobilisation citoyenne, en particulier parmi la jeunesse urbaine qui relaie déjà les messages de prévention.
Les participants se sont engagés à présenter, dans un an, un rapport d’avancement détaillé lors de la prochaine réunion régionale. Cette échéance annuelle devrait maintenir la pression et rappeler que, face au paludisme, chaque trimestre perdu se traduit encore par des vies fauchées inutilement.