Initiative éducative gratuite à Brazzaville
Depuis le 25 août, vingt-cinq néo-bacheliers congolais franchissent chaque matin les portes vitrées du Foreign Languages Training Center, dans le quartier Djiri. Leur objectif est clair : maîtriser les bases de l’anglais en un mois intensif, sans débourser le moindre franc.
Le programme, lancé par Parfait Iloki, secrétaire permanent chargé de la communication et des nouvelles technologies au Parti congolais du travail, veut placer la jeunesse brazzavilloise au cœur des échanges internationaux qui façonnent déjà l’économie numérique africaine.
Le choix stratégique de l’anglais à Brazzaville
Avec l’essor des plateformes de services numériques et la montée des investissements anglophones en Afrique centrale, la maîtrise de la langue de Shakespeare n’est plus un luxe mais une compétence différenciante, rappellent les économistes de l’Université Marien-Ngouabi sollicités pour l’occasion.
Selon eux, chaque point de compétence supplémentaire en anglais augmente jusqu’à 15 % la probabilité d’obtenir un premier emploi dans les métiers du back-office sous-traités par des entreprises étrangères installées à Brazzaville ou à Pointe-Noire.
Le FLTC, créé en 2020, s’est rapidement fait un nom pour son approche communicative. Les formateurs, majoritairement congolais, ont étudié au Ghana ou au Kenya et adaptent les cours aux réalités urbaines, du taxi sérieux au marketing digital de quartier.
Le rôle décisif du FLTC et de ses formateurs
Roland Ondzelo Ngoua, coordonnateur adjoint, insiste sur la méthode. Chaque séance alterne jeux de rôle, défis oratoires et exercices en ligne. L’évaluation continue détecte les lacunes en temps réel, permettant des tutorats ciblés pour éviter le décrochage linguistique, souvent observé dans les formations courtes.
Les apprenants, sélectionnés sur la base de leur motivation et de leur dernier bulletin, bénéficient d’un kit pédagogique, d’une connexion Wi-Fi gratuite et d’une micro-bibliothèque de podcasts. Le centre veut ainsi réduire les inégalités d’accès aux ressources numériques souvent signalées par les ONG locales.
« C’est un acte fort, porteur d’espoir et d’opportunités », rappelle encore M. Ondzelo Ngoua, évoquant la possibilité de prolonger la session jusqu’en novembre si la demande reste soutenue. Pour l’heure, les cours de rattrapage du soir affichent déjà complet.
Voix de bénéficiaires: ambitions renouvelées
Pour Sandra, fraîche bachelière de Mfilou, l’anglais était jusqu’ici « une matière théorique ». Après une semaine, elle tient déjà une conversation simple avec un volontaire nigérian et envisage, sourire aux lèvres, de candidater à un programme d’échange universitaire en Afrique du Sud l’an prochain.
À ses côtés, Christopher rêve plutôt de coder des applications mobiles en collaboration avec des équipes kényanes. « Avoir la bonne prononciation rassure les recruteurs sur GitHub », confie-t-il, convaincu que la compétence linguistique fera la différence dans un marché congolais encore en structuration.
Les parents ne cachent pas leur satisfaction. Entre le coût moyen d’un cours privé, évalué à 10 000 FCFA l’heure, et la gratuité proposée, l’économie pour un foyer modeste est significative. Certains accompagnent même leurs enfants le week-end pour assister aux ateliers de conversation.
Impacts économiques et sociaux attendus
Au ministère de la Jeunesse, on souligne que l’offre s’inscrit dans la feuille de route nationale sur l’économie numérique, laquelle table sur 20 000 emplois directs d’ici 2027. La maîtrise de l’anglais figure parmi les indicateurs de performance suivis par les bailleurs.
L’impact sociétal dépasse pourtant la seule insertion professionnelle. Dans un contexte où de nombreux jeunes rejoignent des plateformes internationales de freelancing, parler anglais permet aussi d’accéder à des contenus pédagogiques librement disponibles, stimulant l’autoformation et la citoyenneté numérique responsable.
Les coachs rappellent que l’apprentissage d’une langue seconde favorise la plasticité cognitive, un atout pour des bacheliers qui aborderont demain les mathématiques universitaires ou la programmation. Plusieurs études menées à Nairobi montrent une amélioration de 12 % des résultats académiques globaux après une immersion linguistique.
Pérennisation et appel aux partenariats
Parfait Iloki assure rechercher de nouveaux sponsors pour accroître la capacité d’accueil dès la prochaine rentrée. Un premier lot d’ordinateurs reconditionnés, promis par une start-up locale, permettra de doubler la section multimédia indispensable aux simulations d’entretiens en visioconférence.
Le responsable se dit ouvert à des collaborations avec les universités étrangères et les ambassades anglophones basées à Brazzaville. Ces partenariats devraient faciliter l’obtention de manuels, de visas d’études et de mentors virtuels pour prolonger, au-delà des frontières, l’expérience d’apprentissage.
En clôturant la première semaine, les organisateurs ont remis symboliquement un dictionnaire anglais-français à chaque participant, promettant des certificats officiels en fin de parcours. « Le plus important reste la confiance que ces jeunes gagnent en eux-mêmes », résume sobrement Roland Ondzelo Ngoua.