Une annonce historique à Pointe-Noire
La salle du complexe Victor-Augagneur a vibré le 23 août, à Pointe-Noire, lorsque cinq cents porteurs de projets ont découvert l’enveloppe globale qui leur était promise : 63 milliards 800 millions de francs CFA, octroyés par le Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement.
Derrière le chiffre colossal, incontournable dans un pays où l’accès au crédit reste délicat, se cache la stratégie du Figa : mutualiser les risques, mobiliser l’épargne publique et accélérer le cycle de vie des start-ups afin de stimuler l’emploi urbain.
Les ressorts financiers du Figa
Selon le ministre des Affaires foncières, Pierre Mabiala, rencontré en marge du forum, l’approche combine garantie partielle, ligne de crédit et accompagnement technique, « une architecture financière conçue pour sécuriser le banquier et libérer l’initiative », a-t-il résumé devant la presse.
Sur la période 2023-2025, l’enveloppe globale devrait se répartir entre prêts directs, prises de participation et subventions d’amorçage, avec un ticket moyen de cent vingt-six millions par dossier et des taux privilégiés oscillant entre trois et quatre pour cent annuels.
Dix projets mis en lumière
Parmi les cinq cents lauréats, le jury a isolé dix concepts jugés stratégiques, chacun doté immédiatement de dix millions de francs CFA pour franchir l’étape du prototype : agro-transformation, énergies renouvelables, services numériques ou recyclage intelligent figurent au tableau d’honneur.
Les concepteurs ont reçu un trophée, un accompagnement juridique et, surtout, l’accès gratuit à l’incubateur municipal de Tié-Té, un espace de 1 400 m² équipé d’imprimantes 3D, de postes DAO et de modules de formation en gestion élaborés par l’Agence française de développement.
Une priorité présidentielle : l’emploi des jeunes
En clôturant la cinquième édition du FHIC, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a rappelé que « le chef de l’État place la jeunesse au cœur du Pacte social » et que l’entrepreneuriat représente l’un des piliers du Plan national de développement.
L’exécutif compte, d’ici 2026, porter le taux d’emploi des 18-35 ans à 65 %, notamment via des instruments mixtes associant banques publiques, bailleurs multilatéraux et assurances privées, une démarche que les experts jugent exigeante mais réalisable sous condition de stabilité macro-économique.
La dynamique FHIC et ses partenaires
La coordonnatrice du FHIC, Aline France Etokabeka, a salué « l’esprit de coalition » ayant réuni institutions, entreprises et société civile autour d’un même cap : traduire la créativité urbaine en valeur ajoutée locale, tout en gardant un œil sur les Objectifs de développement durable.
Sous la houlette du ministère des PME, le forum s’est appuyé sur la Chambre de commerce de Pointe-Noire, l’université Marien-Ngouabi et plusieurs organisations panafricaines pour proposer ateliers, sessions de mentorat et rencontres B2B, un maillage inédit à cette échelle au Congo.
Voix de bénéficiaires
Henri-Paul Mavoungou, 27 ans, lauréat d’une application de géolocalisation des taxis-bus, confie qu’il cherchait un prêt depuis deux ans : « Le Figa me donne enfin l’oxygène pour recruter deux développeurs et sécuriser mes brevets », dit-il, visiblement ému.
Même enthousiasme chez Denise Mabiala, promotrice d’une unité de cosmétiques à base de moringa : elle prévoit de tripler sa production en six mois et vise l’export sous-régional, convaincue que « le label Made in Congo peut se frayer une place sur les étals africains ».
Effets d’entraînement pour l’économie locale
Les économistes de l’Institut congolais de statistiques notent déjà un frémissement : chaque franc injecté via le Figa génère, selon leurs estimations, 1,7 franc d’effet multiplicateur dans les services, la logistique et la restauration, des secteurs très présents à Pointe-Noire.
Selon la Chambre de commerce, le port autonome, amplifié par le corridor Pointe-Noire-Brazzaville, pourrait absorber nombre de jeunes formés par ces startups, réduisant la dépendance aux importations et diversifiant la base productive hors pétrole, une ambition martelée depuis plusieurs plans quinquennaux.
Défis et perspectives à court terme
Reste l’équation de la maturité managériale : beaucoup de porteurs de projets gèrent leur première entreprise et doivent se former à la comptabilité, au marketing digital et aux normes environnementales, faute de quoi la belle mécanique financière pourrait se gripper.
Le gouvernement promet un suivi trimestriel, avec tableaux de bord et audits légers, tandis que l’Union européenne étudie l’extension d’un programme d’assistance technique pour consolider les systèmes de reporting, étape jugée cruciale par les analystes afin d’attirer davantage d’investisseurs privés.
Vers un écosystème pérenne de l’innovation
À moyen terme, les promoteurs du FHIC souhaitent créer un fonds de co-investissement régional, ouvert aux diasporas, et installer un hub logistique dans la zone économique spéciale de Maloukou, afin d’industrialiser les gains issus de l’innovation numérique et verte.
Le pari reste ambitieux, mais la mobilisation observée à Pointe-Noire témoigne d’un changement culturel : l’entrepreneur n’est plus un aventurier isolé, il devient un acteur reconnu de la transformation nationale, porteur d’espoir pour une génération avide d’opportunités locales.
Les universités songent déjà à adapter leurs cursus. Le doyen de la faculté des sciences économiques évoque la création d’un master spécialisé en entrepreneuriat durable, destiné à injecter des compétences pointues en finance verte, propriété intellectuelle et gouvernance d’entreprise dans l’écosystème naissant.
En attendant, les cinq cents bénéficiaires repartent avec un calendrier serré : première revue d’étape en janvier, preuve de concept avant juin, et potentielle levée de fonds complémentaire fin 2024. Autant de jalons qui feront de Pointe-Noire un laboratoire suivi de près.