Une Journée clé pour Brazzaville
Chaque 8 septembre, les regards se tournent vers les écoles rurales et les centres communautaires de Brazzaville. La Journée internationale de l’alphabétisation, instaurée par l’UNESCO en 1966, rappelle qu’apprendre à lire demeure une promesse de mobilité sociale, d’innovation et de cohésion nationale.
Cette année, le thème « Promouvoir l’alphabétisation à l’ère du numérique » retient particulièrement l’attention des start-up locales et des ONG, à l’heure où l’accès aux smartphones progresse jusque dans les quartiers périphériques. L’objectif est clair : faire du digital un pont, jamais un fossé.
Statistiques d’alphabétisation et enjeux économiques
Dans les couloirs du ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, les responsables soulignent que plus de 3000 salles d’alphabétisation fonctionnent actuellement sur l’ensemble du territoire. « Le défi est désormais d’équiper ces lieux en outils numériques sans creuser les inégalités », affirme un cadre.
Selon les données de l’Institut national des statistiques, le taux d’alphabétisation des adultes congolais atteint 80 %, mais chute à 65 % dans certaines zones rurales. La transition numérique offre une chance de rattrapage, à condition d’accompagner les apprenants seniors peu familiers des écrans tactiles.
L’évolution rapide du marché du travail renforce l’urgence. Les plateformes logistiques, les entreprises de services et même l’agro-industrie réclament des employés capables de déchiffrer une fiche de production ou un SMS. Sans ce socle, la jeunesse risque de rester spectatrice de la diversification économique nationale.
Pédagogie numérique : tablettes et apps au service des apprenants
Pour nombre de pédagogues, la guerre contre l’illettrisme doit se jouer sur deux fronts : la maîtrise du français écrit et la compréhension des interfaces numériques. « Un bouton, c’est déjà un mot », rappelle la formatrice Grâce Mbemba, qui anime un programme pilote dans le 7e arrondissement.
Les centres de ressources numériques installés l’an dernier avec l’appui de l’UNESCO proposent désormais des ateliers interactifs ; des tablettes robustes y remplacent progressivement les cahiers. Les volontaires y observent que les participants retiennent plus vite les syllabes lorsqu’elles apparaissent en couleurs vives et sont associées à des sons.
Avec le soutien de plusieurs opérateurs télécoms, un forfait data éducatif à tarif social a été lancé en juillet. L’offre permet de télécharger gratuitement des modules de lecture élaborés par l’Université Marien-Ngouabi. Les premiers retours signalent un pic de connexions le soir, signe que les familles révisent ensemble.
Infrastructures, radio, bibliothèque : combler les manques
Sur le terrain, les associations rappellent que le numérique ne gommera pas tout. L’absence d’électricité stable dans certains districts oblige encore les formateurs à imprimer les supports. Or le coût du papier s’est envolé. Des campagnes de collecte de manuels recyclés ont donc repris dans les lycées urbains.
L’administration explore parallèlement la radio éducative. Une émission quotidienne, diffusée sur les ondes publiques, décortique les sons du français et propose des dictées orales. Le format, inspiré d’une initiative ivoirienne, rencontre un succès discret auprès des artisans, souvent à l’atelier à l’heure des cours traditionnels.
Du côté des bibliothèques municipales, la modernisation avance par étapes. À Bacongo, les étagères vétustes cèdent la place à des bornes de consultation équipées de livres numériques libres de droit. Le but est d’offrir un accès continu, même lorsque les ouvrages physiques sont épuisés ou difficiles à importer.
Compétences des enseignants : un maillon décisif
Les enseignants saluent ces signaux positifs mais insistent sur la formation du personnel. Introduire la tablette en classe implique un nouveau langage pédagogique, où l’erreur devient interactive et la correction instantanée. Sans recyclage continu, préviennent-ils, le matériel risque de dormir dans les armoires verrouillées par précaution.
Village numérique du 8 septembre : attentes et perspectives
La Journée internationale servira donc de vitrine. Un village numérique s’installera sur la place de la Mairie centrale ; ateliers de codage, lectures publiques et démonstrations d’applications de lecture facile y alterneront. Les partenaires étrangers y verront l’engagement congolais, tandis que les citoyens jugeront sur pièces les promesses faites.
Dans son message officiel attendu, l’UNESCO doit rappeler que l’alphabétisation s’inscrit dans l’Agenda 2030 pour le développement durable. Le Congo-Brazzaville, déjà signataire, veut aligner ses programmes sur l’objectif 4.6 : garantir que tous les jeunes sachent lire et que les adultes ne soient pas laissés-pour-compte.
À moyen terme, l’exécutif envisage de coupler alphabétisation et microcrédit, convaincu que la lecture renforce la viabilité des projets générateurs de revenus. Le ministère des Finances planche sur des incitations fiscales pour les entreprises qui sponsorisent des cours. Les analystes y voient un cercle vertueux entre inclusion et croissance.
Langues nationales et futur de l’alphabétisation
En attendant, l’enjeu immédiat reste de transformer chaque téléphone portable en salle de classe miniature. Si la Journée du 8 septembre rappelle l’urgence de lire, l’action quotidienne décidera du succès. L’alphabet n’est pas qu’un ensemble de lettres ; c’est une clé collective vers une société résiliente.
Les experts rappellent que l’alphabétisation englobe les langues nationales. Une application pilote en lingala et kituba est testée auprès de pêcheurs du Pool. Si l’expérience réussit, elle pourra être généralisée et mettre en valeur la diversité linguistique.