Un fonds d’urgence face à la menace cholérique
À Brazzaville, le 26 août, la Croix-Rouge congolaise a officialisé un Fonds d’urgence pour les secours en cas de catastrophe, ou Dref, mobilisant partenaires et volontaires pour stopper l’épidémie de choléra qui frappe la République du Congo depuis juin.
La cérémonie, organisée au siège national de l’organisation humanitaire, a rassemblé autorités sanitaires, bailleurs et membres de la société civile, tous conscients que chaque jour gagné limite des souffrances et préserve la confiance des populations dans le système de santé.
Mobilisation internationale et soutien financier
La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a mis son expertise logistique au service du Congo, tandis que l’Union européenne a débloqué 220 000 euros, soit près de 140 millions de francs CFA, pour alimenter immédiatement le Dref.
« Chaque minute compte face à une maladie évitable et traitable », a résumé Anne Marchal, cheffe de la délégation européenne, rappelant que l’aide vise autant le court terme que les bases d’une prévention durable dans les quartiers périphériques et les zones fluviales reculées.
Objectifs opérationnels sur le terrain
Le plan d’action, présenté par les responsables nationaux de la Croix-Rouge, table sur la fourniture d’eau potable à quatre mille personnes, l’installation de points de chloration, ainsi que la distribution de kits d’hygiène adaptés aux réalités de chaque foyer.
Des volontaires formés arpenteront les ruelles de Poto-Poto, Makélékélé ou Mbamou pour sensibiliser, détecter précocement les symptômes et orienter les cas suspects vers les centres de traitement où des protocoles gratuits sont déjà disponibles.
En parallèle, des messages radiophoniques en lingala, kituba et français rappelleront les gestes simples : se laver les mains, traiter l’eau de boisson et consulter dès les premières diarrhées, un trio d’actions qui, selon les épidémiologistes, abaisse rapidement la létalité.
La réponse coordonnée des autorités congolaises
Le directeur de cabinet du ministre de la Santé, Donatien Mounkassa, a salué l’initiative, soulignant que le Congo recense environ cinq cents cas et trente-cinq décès, un taux de létalité jugé trop élevé que le gouvernement entend ramener sous le seuil régional.
Les districts de Mossaka et Loukoléla, alimentés par un réseau hydrographique dense, restent sous surveillance, tandis que des équipes mixtes Santé-Croix-Rouge collectent quotidiennement les données pour ajuster les priorités, de l’approvisionnement en réhydratation orale à la désinfection des puits.
Le préfet de la Cuvette a confirmé que des stocks de solutions salines d’appoint sont positionnés dans les centres périphériques, évitant ainsi les ruptures observées lors des flambées de 2011 et 2017, un point jugé déterminant pour la confiance des familles.
Une urgence de santé publique régionale
La résurgence congolaise intervient alors que l’Angola signale des cas à Cabinda et que la République démocratique du Congo compte des centaines d’infections à Kinshasa et dans l’Équateur, alimentées par des déplacements fluviaux fréquents sur le fleuve Congo.
Selon le docteur Jean-Victor Okouya, épidémiologiste basé à Brazzaville, « un virus ne connaît pas de frontière administrative, seules des stratégies synchronisées avec les pays voisins garantissent une baisse durable de l’incidence ».
Le ministère des Affaires étrangères a donc activé les canaux diplomatiques pour partager les courbes épidémiques et harmoniser les contrôles sanitaires sur les barges, un exercice de transparence apprécié par les agences onusiennes.
Voix d’experts et témoignages locaux
À Mbamou, épicentre historique, Antoinette Ngowe, commerçante, témoigne : « Les volontaires nous montrent comment purifier l’eau, on se sent moins seuls. L’an passé, un voisin a perdu sa fille et personne ne savait quoi faire ».
Pour le sociologue Raphaël Mabiala, la mobilisation communautaire crée « un bouclier social » : plus les habitants s’impliquent, plus les rumeurs régressent et plus les centres de santé peuvent se consacrer aux soins plutôt qu’à la persuasion.
Vers une résilience sanitaire durable
Au-delà de la crise actuelle, le gouvernement et ses partenaires envisagent la réhabilitation de petites stations de production d’eau potable, l’introduction de latrines écologiques pilotes et le renforcement de la surveillance épidémiologique électronique dans les marchés.
Le Programme national d’approvisionnement en eau, déjà inscrit dans le Plan national de développement, pourrait bénéficier d’une accélération si la session budgétaire d’octobre entérine les crédits supplémentaires défendus par le ministère de l’Économie.
Pour l’heure, la réussite du Dref constituera un test grandeur nature : si les indicateurs s’améliorent d’ici décembre, le modèle pourra être répliqué face aux autres urgences climatiques qui menacent le pays, des inondations aux pics paludéens.
Suivi budgétaire et redevabilité
La Croix-Rouge congolaise a promis de publier un rapport financier mensuel détaillant l’usage des fonds, conformément aux standards de la Ficr. Cette transparence vise à rassurer les donateurs et à encourager de nouvelles contributions de la diaspora et du secteur privé local.
Dans un communiqué, la Chambre de commerce de Brazzaville a déjà invité les entreprises à verser un pourcentage symbolique de leur chiffre d’affaires trimestriel, soulignant que « prévenir le choléra coûte moins cher que d’en supporter les pertes humaines et économiques ».
Sur les réseaux sociaux, le mot-clic #StopCholéraCG gagne du terrain, mobilisant artistes, blogueurs et sportifs pour relayer les messages sanitaires et rappeler que la solidarité reste la meilleure des préventions.