Un rendez-vous régional stratégique
L’hôtel Pullman de Kinshasa a accueilli, du 25 au 29 août, un séminaire technique où les 16 États membres de la Communauté de développement d’Afrique australe ont planché sur les statistiques liées aux technologies de l’information et de la communication, enjeu clé du numérique régional.
Devant une assistance mêlant officiels, régulateurs et universitaires, le ministre congolais des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies, José Panda, a salué « une étape vers une stratégie harmonisée », invitant les délégués à travailler avec assiduité pour « bâtir une SADC connectée ».
La quête d’indicateurs fiables
Dans la sous-région, chaque pays collecte déjà des données, mais la méthodologie varie encore, rendant les comparaisons hasardeuses. Les participants ont donc détaillé les normes de l’Union internationale des télécommunications et de la Commission statistique des Nations unies pour aligner questionnaires, périodicité et définitions.
Christian Katende, président de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo, a rappelé que « la transformation numérique ne se pilote qu’avec des chiffres solides ». Selon lui, l’atelier doit aboutir à des indicateurs rendant compte de l’accès, de l’usage et de l’impact socio-économique.
Connectivité inclusive en ligne de mire
Plusieurs interventions ont insisté sur la fracture persistante entre zones urbaines et rurales. La connectivité mobile atteint plus de 90 % à Johannesburg, mais reste sous les 40 % dans certains districts mozambicains. Harmoniser les chiffres aidera à cibler les zones où l’investissement est prioritaire.
Angèle Makombo N’tumba, secrétaire exécutive adjointe de la SADC, a souligné que l’absence de données robustes empêche d’évaluer l’atteinte des Objectifs de développement durable liés à l’inclusion numérique. Elle a plaidé pour des enquêtes régulières intégrant genre, handicap et revenus.
Capacités techniques et coopérations croisées
Durant cinq jours, les experts ont simulé la création d’une base régionale partagée, testant l’interopérabilité de logiciels open source et la sécurité des flux. Des universitaires de Maurice ont présenté un module de formation à distance destiné aux statisticiens des administrations insulaires.
Les délégations ont également échangé avec la Banque africaine de développement, qui finance des centres d’innovation. « Nous pourrons mutualiser les laboratoires de données pour réduire les coûts », a noté un cadre zambien, évoquant la possibilité d’un cloud souverain régional hébergé à Lusaka.
Vers un Observatoire renforcé
L’atelier a validé le principe d’un Observatoire des TIC élargi, chargé de publier un tableau de bord semestriel. Chaque pays désignera un point focal chargé de transmettre des ensembles de données validées selon la norme SDMX, facilitant ainsi l’agrégation automatique des indicateurs.
Selon un calendrier provisoire, la première livraison est attendue en mars 2026. Les États simplifieront au préalable leurs cadres juridiques afin de sécuriser le partage transfrontalier des informations non personnelles, tout en respectant les législations sur la protection des données.
Impacts attendus pour les économies nationales
En disposant d’un référentiel commun, les ministres des Finances pourront calibrer plus finement la fiscalité numérique, estiment les analystes. Des études internes de la SADC évoquent un gain potentiel de deux points de PIB grâce à une allocation plus efficace des fréquences et des infrastructures.
Les entrepreneurs congolais entreviennent déjà des opportunités. « L’harmonisation créera un marché de 350 millions de consommateurs aux indicateurs transparents », a confié à notre rédaction Ange Mvoula, fondateur d’une start-up brazzavilloise spécialisée dans l’hébergement de plateformes éducatives.
Perspectives pour Brazzaville et la jeunesse
À Brazzaville, la politique nationale du numérique s’appuie déjà sur une loi de 2019. L’adoption des standards SADC devrait accélérer la modernisation des centres de données publics et privés, renforçant ainsi la résilience des services bancaires, de santé ou d’éducation en ligne.
Pour la jeunesse urbaine, segment clé du marché de l’emploi, ces avancées ouvrent des perspectives dans la data science, la cybersécurité et la création de contenus. Les universités congolaises envisagent d’élargir leurs cursus afin de capter les financements régionaux destinés aux compétences numériques.
Une dynamique post-atelier à surveiller
Les recommandations finales, consignées dans un plan d’action de vingt-cinq pages, prévoient des missions d’assistance technique dans chaque capitale dès novembre. Des équipes mixtes guideront les instituts nationaux de statistique pour intégrer les modules TIC aux recensements et aux enquêtes ménages existants.
Un comité de pilotage, coprésidé par la RDC et le Botswana, assurera le suivi budgétaire. Le financement s’appuiera sur le Fonds pour le développement numérique africain et sur des contributions publiques. Les observateurs soulignent que la réussite dépendra avant tout de la volonté politique.
Regards internationaux et coopération Sud-Sud
Le programme a suscité l’intérêt de partenaires extérieurs, notamment la Commission économique pour l’Afrique et l’Organisation internationale de la Francophonie. Celles-ci ont proposé des bourses pour former de jeunes data-journalistes capables de vulgariser les statistiques afin d’impliquer davantage la société civile.
Cette ouverture internationale s’inscrit dans la dynamique Sud-Sud chère aux dirigeants congolais, qui misent sur la mutualisation des expériences pour accélérer la transition numérique. « Le partage d’outils et de talents consolide notre souveraineté technologique », a déclaré le conseiller spécial aux TIC de Brazzaville.
Les retombées attendues incluent aussi l’intégration des startups locales dans des réseaux régionaux d’innovation, un maillon jugé indispensable pour transformer les statistiques en services numériques tangibles dans l’agriculture, la logistique et les énergies renouvelables.