Promesse d’énergie pour la Cuvette-Ouest
Ewo et Mossaka, deux cités lovées sur la rive droite de la Sangha, attendent depuis longtemps l’arrivée stable de l’électricité. Les travaux de connexion lancés l’an dernier entrent aujourd’hui dans leur phase finale, suscitant un regain d’espoir chez les habitants et les opérateurs économiques.
Sous un soleil sec de saison, le ministre d’État chargé de l’Aménagement du territoire, Jean Jacques Bouya, a parcouru les pistes latéritiques pour constater l’avancement des chantiers. Sa tournée s’est conclue par un satisfecit prudent et un rappel ferme des délais impartis aux entreprises.
Avancée du réseau haute tension
Le tronçon Boundji-Ewo affiche désormais ses pylônes d’acier, dressés comme une enfilade de mâts sur quatre-vingts kilomètres. Les câbles, vérifiés par les ingénieurs congolais et chinois, ont passé les premiers essais de résistance, signalant la fin prochaine des opérations de tirage.
À Mossaka, la topographie marécageuse compliquait la pose, obligeant les équipes à hélitreuiller certaines sections. Malgré ce défi, cent quatre kilomètres de pylônes sont déjà implantés et soixante kilomètres de conducteurs suspendus, soit plus de la moitié du travail de câblage.
Le centre de dispatching, construit sous maîtrise d’ouvrage congolaise avec une expertise chinoise, abrite désormais ses armoires de contrôle numérique. Les premiers tests de synchronisation avec la centrale d’Imboulou se sont déroulés sans incident, validant les protocoles de sécurité et de protection.
« Nous devons profiter de la saison sèche pour fermer définitivement le chantier, car les pluies reviendront vite », a insisté Jean Jacques Bouya devant les chefs de mission. Selon lui, l’électrification intégrale d’ici la fin de l’année reste une perspective réaliste.
Expertise technique et partenariats internationaux
Les responsables locaux de la Société nationale d’électricité soulignent que les postes de transformation modulaires sont pré-assemblés à Pointe-Noire. Leur acheminement fluvial doit commencer sous peu, un choix logistique présenté comme plus économique qu’un transport routier sur plusieurs centaines de kilomètres.
Le projet s’inscrit dans la Stratégie nationale de l’accès universel à l’énergie, qui vise un taux d’électrification de 85 % à l’horizon 2025. Mossaka et Ewo, jusque-là alimentées par des groupes thermiques onéreux, pourront bientôt se brancher sur une énergie moins carbonée.
Pour les commerçants du port fluvial de Mossaka, la perspective de disposer d’un courant continu signifie des chambres froides fonctionnelles et une réduction des pertes post-récolte. « Nos poissons se vendront plus loin et plus cher », anticipe Mathurin Mboko, responsable d’une coopérative halieutique.
Premières retombées économiques pressenties
À Ewo, les hôteliers évoquent la fin des générateurs bruyants qui grèvent leurs marges. Plusieurs établissements envisagent d’installer le Wi-Fi haut débit, profitant de la fibre posée le long des lignes électriques. Un argument supplémentaire pour attirer touristes de safari et voyageurs d’affaires.
Le budget total, estimé à quatre-vingt-dix milliards de francs CFA, est financé par l’État congolais, complété par un prêt concessionnel de la China Exim Bank. Les autorités insistent sur le caractère structurant de cet investissement, susceptible de booster la création d’emplois et la valorisation agricole.
Sur le terrain, près de trois cents ouvriers, électriciens, géomètres et conducteurs d’engins se relaient en équipes de dix heures. Les responsables syndicaux saluent des contrats respectant le salaire minimum garanti et la fourniture d’équipements de protection, éléments parfois négligés dans les chantiers ruraux.
La mise en service du corridor énergétique devrait également améliorer la qualité de l’air. Selon un rapport de l’Agence congolaise de l’environnement, les groupes électrogènes actuellement utilisés à Mossaka émettent huit mille tonnes de CO2 par an, l’équivalent de trois mille cinq cents voitures essence.
Un signal fort pour l’équité territoriale
Les autorités préfectorales affirment que des sessions de formation sur la sécurité électrique seront organisées pour les riverains. L’objectif est de prévenir les branchements anarchiques et de sensibiliser à la facturation prépayée, afin de garantir la viabilité financière du réseau à long terme.
Pour rappel, l’engagement présidentiel d’étendre l’électricité aux zones reculées figure parmi les piliers du Plan national de développement. Les observateurs voient dans l’avancement rapide d’Ewo et Mossaka une démonstration concrète de cette ambition d’équité territoriale soutenue par le chef de l’État.
Les prochaines étapes comprennent l’installation des compteurs intelligents et la formation des agents de maintenance locaux. Selon le calendrier provisoire, les premières maisons d’Ewo devraient être éclairées avant les fêtes de fin d’année, tandis que Mossaka suivra au premier trimestre.
Au-delà des chiffres, la lumière attendue symbolise l’ouverture de nouvelles opportunités. Dans les rues sablonneuses, certains rêvent déjà de cybercafés, d’ateliers de soudure modernes et de soirées sportives retransmises en direct. Une promesse d’énergie qui, bientôt, pourrait transformer le quotidien de toute une région.
Les analystes du secteur rappellent toutefois l’importance d’un entretien régulier pour éviter la détérioration précoce des installations. Ils recommandent un mécanisme de financement participatif des communes afin que les recettes locales contribuent à la maintenance, garantissant ainsi la pérennité de l’investissement national.