Une nouvelle ère de gouvernance vaccinale au Congo
Le 31 juillet 2025, le ministère de la Santé et de la Population a officiellement lancé à Brazzaville le Groupe technique consultatif national pour la vaccination, ou GTCV, scellant plusieurs années de préparation entre les autorités sanitaires, l’Organisation mondiale de la Santé et divers partenaires.
Cette structure permanente doit fournir des avis scientifiques indépendants au gouvernement sur toute question liée aux vaccins, depuis la sélection des antigènes jusqu’au suivi de sécurité post-commercialisation, afin d’orienter des choix éclairés dans l’intérêt des Congolais.
Formation stratégique des experts du GTCV
Du 26 au 30 août 2025, trente scientifiques, cliniciens et statisticiens se sont réunis au Grand Hôtel de Kintélé pour un atelier intensif dirigé par l’OMS. Objectif : doter le GTCV d’outils méthodologiques robustes pour transformer les données en recommandations opérationnelles.
Les formateurs ont rappelé les standards internationaux du processus GRADE, méthode validée qui évalue qualité des preuves, bénéfices, risques et coûts avant toute décision vaccinale. Les participants ont ensuite simulé l’analyse d’un dossier fictif pour tester leurs acquis.
Cap sur l’introduction du vaccin contre le VPH
Au terme de la formation, le comité a traité son premier dossier réel : la requête ministérielle proposant d’intégrer le vaccin contre le papillomavirus humain dans le Programme élargi de vaccination. Sujet sensible, car le VPH est responsable de milliers de lésions pré-cancéreuses chaque année.
Selon les registres hospitaliers nationaux, les souches oncogènes du virus représentent entre 3,5 % et 7 % des infections recensées. Le cancer du col de l’utérus demeure l’une des principales causes de mortalité féminine, phénomène que le vaccin peut atténuer à moyen terme.
Le Professeur Donatien Moukassa, directeur de cabinet au ministère, évoque un « moment charnière ». Il souligne que l’introduction du vaccin « permettra de sauver de nombreuses vies et d’alléger la pression financière sur les familles et le système de santé ».
Un alignement avec les engagements mondiaux
Présent lors de la session, le Représentant de l’OMS, Dr Vincent Dossou Sodjinou, a replacé la démarche congolaise dans la dynamique de l’Agenda pour l’élimination du cancer du col d’ici 2030. Il rappelle l’objectif de vacciner 90 % des filles avant 15 ans.
Le médecin voit dans la future campagne congolaise « un acte d’équité et de justice sanitaire ». À ses yeux, l’accès équitable aux innovations biomédicales conforte la solidité des politiques publiques et renforce la confiance entre citoyens et institutions.
Des défis logistiques à anticiper
Introduire un nouveau vaccin implique une chaîne du froid robuste, des procédures de suivi informatisées et une formation continue du personnel. Le GTCV a recommandé un inventaire détaillé des réfrigérateurs, un plan de maintenance, ainsi qu’un calendrier de supervision renforcée dans chaque département.
Les experts ont également souligné la nécessité de stratégies de communication adaptées pour répondre aux interrogations et prévenir la désinformation. Des radios urbaines aux réseaux sociaux, chaque canal devra relayer des messages clairs et culturellement sensibles.
Financement et partenariats durables
Le financement de la phase d’introduction s’appuiera sur une combinaison de ressources nationales et d’appuis extérieurs. Brazzaville compte mobiliser le fonds de contrepartie prévu par Gavi, tout en affectant une enveloppe budgétaire spécifique dans la loi de finances 2026 .
Parallèlement, l’OMS prolongera son assistance technique pour le suivi-évaluation. Des partenaires bilatéraux ont déjà marqué leur intérêt pour soutenir la formation d’infirmiers vaccinateurs et la production de supports pédagogiques en langues locales.
L’atelier de Kintélé, un précédent structurant
Les cinq journées de travaux ont aussi servi de plateforme de réseautage. Des épidémiologistes de Pointe-Noire ont échangé leurs expériences de surveillance avec des pédiatres de Ouesso, créant un réseau informel susceptible d’enrichir le circuit de remontée d’informations.
« Nous évoluons vers une culture de décision fondée sur la preuve, pas sur l’intuition », résume un membre du comité, insistant sur la valeur ajoutée du dialogue interdisciplinaire pour anticiper les besoins de chaque district.
Prochaines étapes avant le déploiement
Le rapport final, attendu courant septembre, sera transmis au ministre, puis au Conseil des ministres pour approbation officielle. S’il est validé, la campagne pilote pourrait débuter dans les établissements scolaires des zones urbaines au premier semestre 2026.
Un système de suivi numérique recensant le statut vaccinal des adolescentes sera intégré au registre civil, une innovation censée simplifier la couverture et produire des données en temps réel.
Un impact socio-économique attendu
Les économistes sanitaires estiment qu’en prévenant le cancer du col, le Congo pourrait économiser chaque année plusieurs milliards de francs CFA en coûts médicaux directs et en pertes de productivité liées aux hospitalisations prolongées.
À l’échelle familiale, moins de dépenses pour les traitements signifie davantage de moyens pour la scolarité, l’alimentation ou le logement. Autant de facteurs qui nourrissent, à long terme, le développement humain et la prospérité nationale.
Vers une gouvernance sanitaire exemplaire
Avec un GTCV désormais opérationnel, le Congo affiche sa volonté de gouverner sa politique vaccinale sur la base d’une expertise locale consolidée. Cette approche participative, saluée par les partenaires, pourrait servir de modèle dans la sous-région.
La mission première reste pourtant claire : faire reculer les maladies évitables, protéger chaque enfant et garantir un avenir plus sain à toute la population.