Un partenariat énergétique historique
Signé à Brazzaville au cœur de l’été, l’accord hydrocarboné de 23 milliards de dollars qui unit la République du Congo à la compagnie chinoise Wing Wah fait figure d’étape majeure pour le secteur énergétique national, encore dominé par des acteurs internationaux plus anciens.
Le ministre des Hydrocarbures Bruno Jean-Richard Itoua, le ministre d’État Jean-Jacques Bouya et le président de Wing Wah Xiao Lianping ont apposé leurs signatures, scellant un partenariat présenté comme « gagnant-gagnant » par les parties, selon les informations communiquées au terme de la cérémonie.
23 milliards de dollars pour transformer la filière
Le contrat couvre le développement intégré des permis Banga Kayo, Holmoni et Cayo, trois champs onshore déjà partiellement exploités. Les investissements annoncés, étalés sur plusieurs phases, doivent moderniser l’infrastructure existante, forer de nouveaux puits et optimiser la récupération des hydrocarbures, pétrole comme gaz associé.
Selon la feuille de route remise aux autorités, plus de 60 % des 23 milliards seront orientés vers les installations de surface, tandis que le reste financera la technologie de forage directionnel, la digitalisation des opérations et les dispositifs de sécurité indispensables à la réduction des incidents.
Cap sur 200 000 barils par jour d’ici 2030
La production nationale plafonne aujourd’hui autour de 270 000 b/j, selon les chiffres du ministère. L’objectif est d’ajouter 200 000 b/j supplémentaires à l’horizon 2030 grâce à l’apport cumulé des trois permis, redistribuant le poids du secteur onshore dans la balance énergétique congolaise.
Les projections officielles évoquent un cumul de 1,3 milliard de barils extraits d’ici 2050. « Nous parlons de volumes capables de soutenir l’économie nationale sur plusieurs décennies », souligne un cadre de la Société nationale des pétroles du Congo, qui insiste sur la nécessité d’une fiscalité compétitive.
Valoriser le gaz, réduire le torchage
Le contrat dépasse la seule extraction de brut. Il prévoit un vaste programme de valorisation du gaz associé, aujourd’hui souvent torché. Des unités modulaires produiront GNL, GPL, butane et propane destinés au marché domestique comme à l’export.
D’après le ministère, cette stratégie doit réduire le torchage de routine de 80 % en cinq ans, tout en garantissant une fourniture régulière de gaz aux centrales électriques locales. Les excédents seront commercialisés sur le marché régional, renforçant ainsi la souveraineté énergétique du Congo.
Emploi et formation : le pari du contenu local
Environ 3 000 Congolais travaillent déjà sur le champ Banga Kayo, selon Wing Wah. Le projet global doit porter ce chiffre à plus de 5 000 à mesure que les phases Holmoni et Cayo monteront en puissance, avec une priorité affichée aux résidents des départements concernés.
Un centre de formation, cofinancé par l’État et l’entreprise, ouvrira à Pointe-Noire en 2025. Il proposera des modules couvrant mécanique pétrolière et pilotage de drones d’inspection. « Nous voulons un transfert de compétences complet », affirme un représentant de la Direction générale des hydrocarbures.
Des retombées pour les communautés riveraines
La convention inclut un mécanisme de redistribution d’électricité et d’eau traitée aux villages autour des plates-formes. Les premières lueurs alimentées par des groupes turbinas à gaz ont déjà été observées à Loukolela, créé un sentiment de changement tangible chez les habitants interrogés sur place.
Des responsables locaux mentionnent également la réhabilitation de voies de desserte agricole et la construction d’un dispensaire. Financé via un fonds social abondé à hauteur de 0,5 % du revenu pétrolier, cet accompagnement est vu comme un gage de cohésion entre opérateurs et collectivités.
Une stratégie alignée sur les objectifs nationaux
Le Plan national de développement 2022-2026 place l’énergie au centre de la diversification économique. Pour le gouvernement, l’accord Wing Wah sert de levier afin de financer des infrastructures publiques et stabiliser la balance des paiements, sans compromettre les engagements climatiques déjà présentés aux partenaires internationaux.
Bruno Jean-Richard Itoua rappelle souvent que « chaque baril doit se transformer en routes, en écoles et en emplois ». Une partie des revenus fiscaux sera donc orientée vers le Fonds souverain, instrument destiné à lisser les cycles pétroliers et à soutenir les projets agricoles émergents.
Un signal fort pour les investisseurs africains
Pour l’African Energy Chamber, l’accord « démontre qu’un cadre clair, associé à une volonté politique, attire immédiatement le capital ». Son président exécutif NJ Ayuk cite l’exemple congolais comme modèle, notamment pour les pays recherchant un équilibre entre rentabilité privée et bénéfices collectifs.
Les analystes de banque régionale Afriland First estiment que les flux d’investissements directs étrangers pourraient augmenter de 15 % en trois ans si le calendrier est respecté. Ils soulignent toutefois la nécessité de maintenir une gouvernance transparente afin de rassurer les marchés et de contenir les coûts.
Perspectives et vigilance partagée
Avec la montée en puissance des puits Holmoni dès 2027, le Congo se prépare à une nouvelle ère pétrolière. Observateurs, entreprises et communautés savent toutefois que la réussite passera par un suivi rigoureux des engagements environnementaux et par la continuité du dialogue social sur le terrain.
Le ministère envisage par ailleurs d’émettre un rapport semestriel accessible au public, détaillant production, revenus et progrès sociaux. Cette transparence, saluée par les organisations patronales, pourrait devenir un outil pédagogique pour la jeunesse urbaine désireuse de suivre le cheminement de la première industrie du pays.