Enjeux de santé reproductive pour toutes
À Brazzaville comme à Nkayi, la santé reproductive des femmes vivant avec un handicap reste un défi discret mais tangible. Les spécialistes estiment que 5,8 % de la population congolaise vit avec une limitation physique ou sensorielle, pourtant peu de campagnes leur sont spécifiquement destinées.
Dans le département rural de la Bouenza, distances, tabous et faible accessibilité freinent encore l’accès aux centres de planification familiale. Les infrastructures se concentrent près des axes routiers, laissant les villages de plateau à plusieurs kilomètres de toute sage-femme formée.
Le ministère de la Promotion de la femme soutient depuis 2023 une stratégie nationale d’inclusion, articulée autour de la santé, de l’éducation et de l’autonomisation économique. L’atelier porté par l’Observatoire handicap humanité, plus connu sous le sigle H2O, s’inscrit dans cette feuille de route.
L’action concertée de H2O et des autorités
Créée en 2015, l’ONG H2O concentre ses efforts sur la promotion des droits des personnes handicapées. Son antenne de Madingou mobilise régulièrement infirmiers, psychologues et juristes afin d’assurer des sensibilisations qui conjuguent rigueur scientifique et adaptation culturelle.
L’atelier tenu du 28 au 31 août 2025 a regroupé 24 jeunes femmes de Nkayi, Loudima et Kingoué. Les sessions alternaient exposés médicaux, discussions en langue beembe et exercices pratiques de positionnement sur fauteuil roulant pour accéder à une table gynécologique standard.
« Comprendre son corps n’est pas un luxe », rappelle Léonie Moukele, coordinatrice santé de H2O. Elle insiste sur l’importance d’une information adaptée : schémas en braille pour les participantes mal-voyantes et démonstrations tactiles pour celles dont la mobilité des membres supérieurs est réduite.
Les autorités sanitaires locales ont salué la démarche. Le directeur départemental de la santé, Jean-Claude Tchissambou, évoque « un exemple d’action publique déléguée qui s’ajoute utilement aux efforts du Programme national de santé maternelle ». Aucune subvention directe n’était requise, mais la logistique a été facilitée.
Des kits de dignité pour une autonomie renforcée
Moment fort de la rencontre, la remise de « kits de dignité » a suscité un vif intérêt. Chaque seau contenait serviettes hygiéniques lavables, savon doux à faible acidité, pagne respirant, lait hydratant sans parfum, peigne, paire de sandales antidérapantes et sous-vêtements en coton local.
Pour Grâce Mabiala, participante âgée de 19 ans, « ces articles paraissent simples, mais ils changent le quotidien ». Elle décrit la confiance retrouvée lors des périodes menstruelles et la possibilité d’aller au lycée sans craindre les taches ou l’odeur parfois stigmatisée par l’entourage.
Le contenu a été élaboré avec l’appui de la Société congolaise de gynécologie, afin de garantir la conformité aux normes d’hygiène. « Le choix de serviettes lavables réduit le coût écologique et financier », souligne le docteur Inès Sindani, qui a validé la fiche technique distribuée.
Selon les calculs de H2O, le kit revient à 12 000 FCFA, transport compris. Pour pérenniser l’initiative, un atelier de fabrication locale de serviettes en fibre de bambou sera lancé avec le lycée technique de Madingou, créant ainsi huit emplois féminins.
Témoignages et perspectives locales
Au fil des échanges, les participantes ont abordé la question du consentement et de la violence basée sur le genre, souvent aggravée par la dépendance physique. Une juriste a rappelé les recours disponibles auprès des cellules mixtes gendarmerie-affaires sociales, opérationnelles depuis 2022 dans chaque sous-préfecture.
La présence de deux époux, invités à la dernière journée, a marqué les esprits. Devant le groupe, Denis Ikounga a reconnu avoir découvert l’importance du cycle menstruel : « Je saurai désormais acheter les produits adaptés et respecter les jours de repos de ma femme ».
Une application mobile simplifiée, développée par de jeunes codeuses de Pointe-Noire, a été présentée. Elle envoie des rappels de renouvellement de serviettes et localise les centres de planification familiale accessibles en fauteuil. Les testeuses ont salué l’outil, accessible même hors connexion prolongée.
Vers une inclusion durable en santé
Pour les responsables de la Bouenza, ces avancées illustrent le potentiel d’une coopération souple entre État, tissu associatif et secteur privé. Le préfet Jules-Bernard Kongo parle d’« une nouvelle étape vers l’égalité réelle » et promet de relayer les conclusions au conseil départemental.
Les participantes réclament déjà la duplication de l’atelier dans les districts de Kayes et Mouyondzi. H2O prévoit une tournée avant la fin de l’année scolaire, avec l’espoir d’impliquer davantage les sages-femmes diplômées de l’Institut national supérieur des professions de santé.
Au-delà des kits, la sensibilisation semble avoir semé l’idée d’un suivi médical régulier adapté aux handicaps. Si elle se confirme, cette dynamique pourrait réduire le taux de grossesses non planifiées et améliorer les indicateurs de mortalité maternelle, objectif clé du Plan national de développement.
Des étudiantes sages-femmes ont été intégrées au comité de suivi afin de collecter des données anonymisées sur les cycles, l’usage des kits et les visites postnatales. Ces informations alimenteront une base statistique partagée avec l’Institut national de la statistique pour guider de futures politiques publiques inclusives.