Une nomination historique pour la mode congolaise
Le 3 septembre, la styliste Edouarda Diayoka a intégré la liste des nominés des Talents d’Or 2025, grand-messe panafricaine de la création vestimentaire.
C’est la première fois qu’une créatrice originaire de la République du Congo atteint cette étape, confirmant la vitalité de la scène mode de Brazzaville.
Ces dernières années, les pop-up stores de la capitale ont révélé une demande croissante pour des pièces premium fabriquées localement, tendance que la nomination de Diayoka vient confirmer.
Louata : entre identité et modernité
Sous le label Louata, la jeune entrepreneuse compose des silhouettes où tissus wax, bazin et fibres recyclées dialoguent avec des coupes résolument urbaines.
Son look jaune et bleu devenu viral sur Instagram résume cette alchimie : éclat, assurance et respect des racines.
« Je veux prouver que notre artisanat peut séduire Lagos ou Johannesburg sans perdre son âme », explique-t-elle lors d’un entretien téléphonique.
Louata emploie aujourd’hui six artisans dans un atelier du quartier Bacongo, prônant une production éthique et des salaires stables, un choix salué par l’association Femme et Métiers.
Le fonctionnement du concours Talents d’Or
Le concours Talents d’Or réunit chaque année une trentaine de stylistes issus de cinq pays africains, jugés par un comité de journalistes et de professionnels basés à Abidjan.
Être nommé ouvre l’accès à des ateliers de mentorat, à une master-classe sur le financement de la mode et, pour les lauréats, à un défilé dans le pays hôte de leur choix.
Le public compte pour 40 % de la note finale, le reste revenant au jury, un équilibre pensé pour stimuler l’engagement communautaire et valoriser l’excellence technique.
Pour la session 2025, une capsule vidéo de présentation est exigée, montrant la confection d’une pièce phare ; Edouarda a choisi une robe bustier tissée avec des fibres de raphia locales.
L’enjeu économique d’un vote à 105 F CFA
Chaque clic de soutien coûte 105 F CFA, l’équivalent d’un café à Poto-Poto, mais il pèse lourd dans le classement final.
Les organisateurs affirment que 60 % du produit des votes est reversé aux créateurs pour produire la collection présentée lors de la grande finale.
Pour Edouarda, ces fonds pourraient financer l’achat de tissus biosourcés fabriqués à Ouesso et la formation de deux nouvelles couturières.
Des sociétés de mobile money congolaises proposent déjà un forfait de vote groupé, signe qu’un petit écosystème commercial s’organise autour de l’événement.
Un mouvement générationnel derrière Edouarda
À Brazzaville, de jeunes diplômés des Beaux-arts partagent son appel sur TikTok, créant une chaîne de solidarité numérique rarement vue dans la mode locale.
Le collectif Kongo Kulture, qui regroupe graphistes et photographes, a déjà prévu un shooting bénévole pour alimenter la campagne visuelle.
« Son succès montrerait aux investisseurs qu’un atelier peut générer des emplois durables ici, pas seulement à Paris », insiste le designer Richard Mvoula.
Dans les couloirs du Centre culturel russe, où elle expose actuellement, des visiteurs évoquent une effervescence similaire à celle des années 1970, quand les sapeurs brazzavillois posaient les bases d’une identité vestimentaire affirmée.
Les influenceuses Célia Mapata et Queen Ndongo ont promis un live commun pour détailler le processus de vote, convertissant leur audience combinée de 300 000 abonnés en potentiels électeurs.
Perspectives pour l’industrie créative nationale
Au-delà de l’émulation artistique, la nomination tombe dans un calendrier favorable : Brazzaville accueillera en 2025 le Salon international des industries créatives.
Le ministère des Petites et moyennes entreprises, qui soutient la filière, voit dans cette visibilité un moyen d’attirer des partenariats régionaux.
Si Edouarda franchit la barre des votes, son podium deviendra vitrine nationale, renforçant l’image d’un Congo tourné vers l’innovation culturelle.
Le cabinet Afriques Économiques prévoit 5 000 emplois directs potentiels d’ici trois ans, à condition que les exportations textiles congolaises augmentent de 10 % chaque année.