Un carrefour stratégique du Niari
À l’aube, les moteurs grondent déjà sous les palmiers de Dolisie. Depuis les premiers départs vers Pointe-Noire jusqu’aux derniers retours de Brazzaville, la gare routière pulse au rythme d’un ballet ininterrompu qui aimante voyageurs, commerçants et transporteurs.
Implanté à l’entrée sud de la ville, le site relie quotidiennement une douzaine de destinations majeures. Cette position charnière confère à Dolisie, troisième agglomération du Congo, le rôle d’interface naturelle entre le littoral, le couloir ferroviaire et l’hinterland agricole du Niari.
Selon la direction départementale des Transports, près de 1 800 passagers franchissent chaque jour les portiques informels de la plateforme. « Nous sommes devenus le poumon des échanges interurbains », résume Alain Mouanda, chef de gare, sourire épuisé mais fier.
Ambiance urbaine et économie informelle
La bande-son du lieu mêle annonces improvisées, coups de klaxon et rires étouffés autour d’étals de beignets. Chaque mètre carré accueille une micro-activité : recharge téléphonique, cordonnerie express, porteurs proposant leurs services contre quelques pièces, cafés serrés sur tréteaux vacillants.
Cette effervescence nourrit une économie parallèle estimée à plusieurs dizaines de millions de francs CFA par mois. « Je vends cinq seaux d’arachides par jour », confie Joséphine, 24 ans, quittant à peine le lycée. Les recettes couvrent ses études tout en finançant un employé supplémentaire.
Les autorités municipales tolèrent et organisent graduellement ce foisonnement. Des emplacements numérotés ont commencé à être attribués afin de sécuriser les recettes fiscales sans étouffer l’initiative privée, gage d’une cohésion sociale encore fragile après la pandémie.
Un besoin pressant de modernisation
Édifiée dans les années 1990, la structure peine désormais à absorber ses flux. Absence d’ombrières pérennes, sanitaires limités et accès routiers congestionnés alimentent les débats. Le maire intérimaire, Pascal Makosso, annonce une « mise à niveau progressive, adaptée aux réalités budgétaires ».
Le projet priorise un forage d’appoint, la réfection des quais et la création de box commerciaux standardisés. L’initiative, conduite avec l’Agence congolaise des grands travaux, vise à améliorer le confort sans perturber l’activité, condition sine qua non pour les transporteurs.
Des architectes locaux proposent également d’ouvrir la plateforme vers la ville par un parvis végétalisé. L’idée est de transformer la perception d’un simple pôle de départ en porte d’entrée symbolique, valorisant l’image de la capitale de « l’or vert ».
Répondre à la demande nationale de mobilité
Dans un pays où le rail reste timide, plus de 90 % des déplacements interurbains passent par la route, rappellent les chiffres 2024 du ministère des Transports. Le bus assure donc l’intégration physique des territoires et un accès équitable aux marchés, aux écoles et aux hôpitaux.
La desserte régulière de localités comme Kibangou ou Nkayi élargit les horizons professionnels d’une jeunesse en quête d’emplois. « Sans ces rotations quotidiennes, ma coopérative de cacao resterait isolée », témoigne Charles Ngoma, producteur de la vallée du Niari, sac de fèves sur l’épaule.
Le gouvernement entend capitaliser sur cette dynamique en renforçant la flotte d’autocars et en mettant l’accent sur la sécurité. Radar pédagogique, contrôle technique mobile : autant de mesures destinées à fiabiliser un réseau vital pour la cohésion nationale.
Potentiel d’impact sur le développement local
Au-delà du transport, la gare routière stimule le petit bâti : pensions modestes, ateliers mécaniques et dépôts de fret envahissent déjà l’avenue Sibiti. Chaque ouverture crée des emplois et attire des investisseurs anticipant la montée en gamme de la plateforme.
Les retombées fiscales, elles, s’annoncent significatives. Les services municipaux estiment qu’une gare modernisée pourrait tripler les recettes de droits de quai et d’octroi. Ces nouveaux revenus contribueraient à financer l’éclairage public ou l’assainissement des quartiers périphériques.
Dans une logique d’aménagement du territoire, la gare joue aussi le rôle de régulateur urbain. La concentration des flux réduit l’encombrement anarchique observé auparavant le long des axes centraux, libérant trottoirs et ronds-points pour les piétons et les vélos-taxi.
Perspectives et attentes citoyennes
La population, consciente des enjeux, réclame aujourd’hui une infrastructure à hauteur de ses aspirations. Sanitaires décents, billetterie digitale et signalétique multilingue figurent parmi les priorités identifiées lors des ateliers participatifs organisés en février par la Maison des Jeunes de Dolisie.
La modernisation pourrait s’appuyer sur un partenariat public-privé, modèle déjà expérimenté à l’aéroport de Pointe-Noire. « Nous sommes disposés à investir si le cadre est clair », assure Emmanuel Toumbou, représentant d’un consortium de transporteurs, évoquant l’acquisition de bus climatisés aux normes Euro 4.
Impatients mais confiants, les usagers voient dans la future gare non seulement un confort retrouvé mais également la promesse d’une croissance inclusive. Pour beaucoup, la présence d’une plateforme efficace est l’assurance que Dolisie jouera pleinement son rôle dans la dynamique économique nationale.