Brazzaville : le collectif relance l’alerte
Le Collectif national des journaliers de la Société Énergie Électrique du Congo a choisi ce 5 septembre, à Brazzaville, pour rappeler publiquement son impatience: les promesses annoncées lors des réunions de mars ne sont toujours pas appliquées, sept mois plus tard, alimentant frustration et incompréhension.
Tout est parti du setting du 13 février, point de départ d’un processus d’enrôlement destiné à intégrer près d’un millier de journaliers œuvrant dans la distribution et la vente d’électricité, tâche pour laquelle ils disent apporter un soutien indispensable aux équipes permanentes d’E2C.
Des accords de mars encore en suspens
Le 8 mars, sous l’arbitrage du ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, la direction générale de l’entreprise et le collectif ont arrêté plusieurs points : validation des listes, plan de contrats à durée déterminée et calendrier de versement des arriérés, le tout salué alors comme une avancée historique.
Depuis, expliquent les représentants, aucune lettre d’embauche n’a été remise et aucun complément salarial n’a rejoint leurs comptes. « Nous demandons simplement que l’accord soit respecté », résume Jonas Nkouka, porte-parole, rappelant que toutes les informations biométriques ont déjà été saisies par les équipes RH en mars.
E2C explique le rythme des vérifications
Contactée, la direction d’E2C rappelle que la phase de vérification des identités, indispensable pour sécuriser la masse salariale, se poursuit dans plusieurs départements. « Le processus n’est pas bloqué, il se fait par étapes pour éviter les doublons », précise un cadre, soulignant le contexte budgétaire exigeant.
Les autorités misent sur un dialogue apaisé
Au niveau gouvernemental, le ministère concerné affirme suivre le dossier avec attention et se dit confiant dans « l’esprit de responsabilité de chacune des parties ». Un conseiller indique que des points d’étape seront proposés avant fin septembre afin de boucler l’examen financier des contrats proposés.
En dépit du retard, le collectif insiste sur son attachement à la stabilité. « Nous sommes des travailleurs, pas des fauteurs de trouble », rappelle Mireille Moké, agente commerciale à Pointe-Noire, soulignant qu’une solution négociée cadre avec la vision de développement national portée par le chef de l’État.
L’ombre d’une reprise des sit-in
Néanmoins, si aucune annonce ne survient dans les prochains jours, les journaliers prévoient de reprendre leurs sit-in devant le siège d’E2C, comme cela avait été le cas en janvier. Le collectif indique avoir déjà déposé une demande d’autorisation auprès de la préfecture de Brazzaville.
Un enjeu stratégique pour le réseau national
Pour de nombreux observateurs, la régularisation des journaliers constituerait un signal fort dans une filière stratégique où la maintenance des réseaux bas et moyenne tension requiert des équipes réactives. L’enjeu est également social, ces agents vivant jusqu’à présent de primes irrégulières sans véritable couverture médicale.
Depuis deux ans, E2C déploie un programme de modernisation visant à réduire les pertes techniques et commerciales estimées à près de 30 %. La mise en place de compteurs intelligents et la restructuration du service clientèle s’accompagnent d’un besoin accru en personnel formé et sécurisé.
Financement et gouvernance au cœur du dossier
L’économiste Éric Opimbat voit dans le dossier des journaliers « un test de gouvernance sociale pour l’ensemble du secteur énergétique ». Selon lui, la formalisation de ces postes renforcerait le pouvoir d’achat local et soutiendrait l’ambition gouvernementale d’atteindre un taux d’accès à l’électricité de 80 % d’ici 2030.
Pourtant, la question du financement demeure. Les salaires des journaliers devraient être intégrés au budget d’exploitation, alors que l’entreprise s’est engagée à maîtriser ses charges. Des discussions sont engagées avec le Trésor public pour étaler les coûts sur plusieurs exercices, limitant l’impact sur les tarifs.
Cadre légal et opinion publique en surveillance
Juristes et inspecteurs du travail rappellent qu’un décret de 2017 impose l’immatriculation à la Caisse nationale de sécurité sociale pour toute personne exerçant plus de trois mois dans le même service. Le collectif s’appuie sur ce texte pour exiger, au-delà du salaire, l’accès aux prestations familiales.
Sur les réseaux sociaux, les réactions se multiplient. De nombreux internautes saluent le calme des journaliers, d’autres s’interrogent sur la soutenabilité financière d’une intégration massive. Un sondage informel réalisé par un blog local indique que 62 % des répondants souhaitent un règlement rapide dans l’intérêt du service public.
Objectif compromis avant la saison sèche
Pour l’heure, les deux parties privilégient la concertation. La séance technique, initialement programmée le 2 septembre, doit être reprogrammée cette semaine, selon nos informations. Les délégués du personnel se proposent de jouer les facilitateurs, espérant une issue avant la fin du trimestre.
Avec l’amélioration progressive de la fourniture électrique dans plusieurs quartiers de Brazzaville et Pointe-Noire, la population garde un œil attentif sur cette actualité. Beaucoup y voient un test grandeur nature de la capacité de l’entreprise publique à concilier rigueur financière et inclusion sociale, pilier du projet gouvernemental.
À l’issue de la déclaration du 5 septembre, les journaliers ont donné quinze jours aux autorités pour présenter un chronogramme précis. Un délai jugé réaliste par plusieurs sources, qui parient sur un compromis gagnant-gagnant avant la fin de la saison sèche, période cruciale pour les travaux sur lignes.