Une commémoration chargée d’histoire
Brazzaville s’apprête à vibrer au rythme du souvenir et de la science à l’occasion du 145e anniversaire du Traité Brazza-Makoko, acte fondateur du rapprochement entre le royaume téké et l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza, base de la ville actuelle.
Du 9 au 11 septembre, l’auditorium Denis-Sassou-Nguesso du mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza accueillera un colloque international baptisé « Sur la route de l’histoire », voulu comme un dialogue sans filtre sur les chemins, parfois méconnus, de la construction nationale.
Le comité d’organisation, conduit par sa présidente d’honneur Bélinda Ayessa, a livré le 6 septembre à la presse les clés de l’événement, dressant une feuille de route mêlant réflexion académique, valorisation touristique et ambition économique.
Un colloque ouvert à tous les publics
« Ce rendez-vous est ouvert à tout le monde, sans exception », insiste le président du comité scientifique, le Pr Jean Félix Yekoka, déterminé à faire de la salle un espace où chercheurs chevronnés et simples curieux confronteront leurs lectures du passé congolo-téke.
Cinq panels thématiques précéderont une table ronde animée par le Pr Joachim Goma Thethet, spécialiste de l’oralité bantoue, autour d’un fil rouge : comment le traité de 1880 continue-t-il d’influencer la société, les institutions et l’imaginaire collectif ?
Au total, quarante communications sont attendues, portées par des historiens, archéologues, sociologues, artistes et représentants communautaires, soucieux de croiser sources écrites, traditions orales et analyses contemporaines pour restituer une mémoire plurielle.
Des débats pour éclairer l’avenir
Les intervenants aborderont les ressorts diplomatiques du traité, la figure du roi Iloo Makoko, les enjeux de l’expédition de Brazza, mais aussi l’évolution des rapports de pouvoir dans la région entre XIXᵉ siècle et indépendance, afin de comprendre les dynamiques actuelles.
Un focus sera consacré à la toponymie et au patrimoine architectural de Brazzaville, montrant comment la capitale a hérité, transformé puis revendiqué son identité hybride, entre héritage téké, influences coloniales et créations modernes impulsées par les autorités successives.
Les organisateurs espèrent que ces échanges nourriront les programmes scolaires, inspireront la jeune génération et favoriseront une appropriation apaisée d’une histoire longtemps racontée par d’autres, conformément à l’engagement gouvernemental pour la promotion des cultures nationales.
Mbé, joyau patrimonial en devenir
Au-delà des débats, le colloque mettra en lumière Mbé, ancienne capitale royale située à 45 kilomètres de Brazzaville, que le ministère de l’Industrie culturelle, artistique, touristique et des arts souhaite inscrire l’an prochain au patrimoine mondial de l’Unesco.
« Cette rencontre appuiera la constitution du dossier scientifique, sociologique et historique requis », précise Samuel Kidiba, conseiller ministériel, persuadé que l’argumentaire collectif issu des chercheurs renforcera la candidature congolaise devant l’instance internationale.
Une visite guidée entraînera les participants de la cité royale de Mbé au musée d’Ignié, avant un parcours patrimonial à travers Brazzaville, afin d’illustrer concrètement la thématique de la « route de l’histoire » et de stimuler l’écotourisme local.
Un moteur pour l’économie culturelle
Le président du comité scientifique rappelle que Mbé pourrait devenir « l’un des fleurons touristiques du pays », générateur d’emplois, de recettes et de nouvelles filières, du guide accompagnateur à l’artisanat inspiré des symboles tékés.
L’État mise déjà sur la réhabilitation des infrastructures routières reliant la capitale au site, tandis que des opérateurs privés envisagent des écolodges et des circuits culturels capables d’attirer visiteurs nationaux, diaspora et voyageurs africains.
Pour Bélinda Ayessa, « il est temps de transformer nos atouts en valeur ajoutée ». Elle se souvient du succès d’un précédent colloque sur le royaume Kongo et estime que le contexte actuel, plus favorable, permettra d’aller plus loin dans la valorisation du patrimoine.
Le rendez-vous du 9 septembre
Les organisateurs promettent une logistique à la hauteur : accès libre, traduction simultanée, retransmission en ligne et dispositifs de médiation pour les lycéens invités. Tous souhaitent créer un précédent scientifique et citoyen pour les prochaines commémorations nationales.
Le colloque s’achèvera sur la perspective du 3 octobre, date des 145 ans de Brazzaville, prolongeant l’esprit de célébration. Entre héritage et modernité, la capitale veut raconter son histoire, fière de la partager avec le monde.
À l’issue des travaux, un rapport sera remis aux autorités pour orienter la politique patrimoniale et culturelle des prochaines années, confirmant la volonté du gouvernement de s’appuyer sur la recherche pour bâtir un développement ancré dans l’identité nationale.
Transmission aux générations futures
Le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation suit aussi le dossier : des fiches pédagogiques issues des communications seront mises à disposition des enseignants pour enrichir les cours d’histoire et favoriser une appropriation plus active par les élèves.
« Lorsque les jeunes comprennent l’origine de leur ville, ils la respectent davantage », affirme le proviseur du lycée Chaminade, Joseph Maânga, dont une centaine d’élèves participera aux ateliers parallèles consacrés à la bande dessinée historique et aux arts numériques.
Les organisateurs envisagent enfin une plateforme en ligne regroupant actes, vidéos, podcasts et cartes interactives, afin que les Congolais de la diaspora, tout comme les chercheurs étrangers, puissent accéder librement aux savoirs produits pendant ces trois jours.