Moungali se rassemble pour un jubilé d’argent
Samedi 23 août 2025, les cloches de la paroisse Saint-Esprit ont retenti dès l’aube, annonçant la fête des 25 ans de sacerdoce de l’abbé Abraham Ngouama. Dans les rues environnantes, commerçants, riverains et fidèles affluaient, attirés par la perspective d’une célébration haute en couleur.
La nef s’est rapidement remplie. Jeunes scouts, délégations de mouvements d’action catholique et familles coiffées de pagnes bigarrés ont pris place côte à côte. Certains avaient parcouru plusieurs arrondissements pour saluer ce prêtre qui, depuis un quart de siècle, conjugue liturgie et initiatives solidaires.
Au-delà des paroissiens, de nombreux habitants de Moungali venaient simplement remercier un voisin attentif. « Il bénit nos boutiques avant chaque rentrée », confiait une marchande de sésame, sourire large. L’événement dépassait les bancs d’église et réunissait tout un quartier dans un même élan.
Une célébration portée par l’unité sacerdotale
Sur l’autel, une vingtaine de prêtres ont entouré le jubilé, dont Mgr Victor Abagna Mossa, archevêque émérite d’Owando, et le père Pierre Bilongo, supérieur provincial des spiritains. Leurs gestes synchrones, des encensements aux bénédictions, reflétaient une fraternité que l’assemblée percevait presque physiquement.
L’encens montait tandis que l’abbé Ngouama entonnait le Gloria, visage illuminé. L’image a frappé les plus jeunes servants de messe : voir autant de ministres du culte réunis pour soutenir l’un des leurs rappelait le sens de la communion dans l’Église et dans la cité.
Message d’humilité et de service
L’homélie a été confiée à l’abbé Aristide Milandou, compagnon de promotion du jubilé. Son propos, simple et incisif, s’est articulé autour d’un triple appel : prière constante, humilité quotidienne et amour fraternel. « Servir n’est pas régner », a-t-il rappelé, citant l’Évangile.
Il a insisté sur la compassion comme cœur du ministère. Selon lui, le travail d’un prêtre se mesure aux rencontres ordinaires : bénir un nouveau-né, écouter un couple en difficulté, visiter un atelier artisanal. Autant d’actions que l’abbé Ngouama mène sans publicité depuis 1999.
Pour plusieurs fidèles, ces paroles ont résonné avec leur quotidien. « Il passe nous voir au chantier, même sous la pluie », témoigne Patrick, maçon. En rappelant ce visage concret du sacerdoce, l’homélie a transformé la fête en interpellation personnelle pour chacun.
Les autorités saluent un engagement au-delà des murs
La présence de la ministre des Affaires sociales, Irène Marie-Cécile Mboukou Kimbatsa, a donné à la messe un relief institutionnel. Elle a souligné l’apport du prêtre dans la gestion des petites entreprises de l’archidiocèse, créatrices d’emplois pour la jeunesse brazzavilloise.
Dans une brève allocution, la ministre a salué « la constance du père Abraham, moteur discret d’insertion économique ». Ses propos rejoignaient ceux d’élus locaux, convaincus que le lien entre paroisse et développement communautaire reste décisif pour renforcer la cohésion sociale du quartier.
Parmi les invités figuraient aussi des représentants d’associations féminines, d’artisans et de la municipalité. Tous notaient la même chose : l’abbé Ngouama ouvre volontiers ses bureaux pour conseiller un jeune entrepreneur ou aider à monter un dossier de micro-crédit, geste précieux en période d’incertitude.
Chants, danses et ferveur partagée
Musicalement, la cérémonie fut un voyage. Les chorales Langues de Feu et La Colombe ont alterné polyphonies classiques et rythmes empruntés au terroir téké. À chaque refrain, l’assemblée se levait, paumes battantes, pour accompagner la danse chaloupée du célébrant.
Certains refrains étaient repris jusque dans le parvis où les retardataires suivaient la liturgie via des haut-parleurs. Quand les tambours résonnaient, même les commerçants des alentours suspendaient leur activité, emportés par la joie contagieuse qui remplissait l’air saturé de parfum de lys.
Au moment de l’action de grâce, l’abbé Ngouama a déposé sa guitare avant d’esquisser quelques pas traditionnels. Les smartphones ont crépité, immortalisant un instant où spiritualité et culture populaire ne faisaient qu’un, rappelant que la foi se danse aussi.
Un témoignage de gratitude tourné vers l’avenir
A l’issue de la messe, le jubilaire a remercié d’une voix posée sa famille, ses confrères et la population. Il a dédié son parcours « à la patience de Dieu et à la bienveillance des hommes », recevant une longue ovation.
Le pot d’amitié qui a suivi a prolongé la convivialité autour de beignets, jus de bissap et plateaux de saka-saka fumants. Anciens catéchumènes et responsables politiques échangeaient sans protocole, preuve que le prisme religieux peut aussi devenir un carrefour citoyen.
Pour beaucoup, ces 25 ans marquent une étape, non un aboutissement. L’abbé a confié travailler à un centre d’apprentissage pour jeunes sans emploi. Son sourire disait le reste : la fête terminée, le chantier pastoral continue, nourri par l’énergie accumulée ce jour-là.
Dans les rues de Moungali, la rumeur de la célébration a duré tard dans la nuit, portée par quelques vuvuzelas. « Ce fut notre victoire du cœur », glissait une paroissienne. La mémoire locale retiendra longtemps cette journée de lumière partagée.