Un rappel municipal à l’ordre
Dans les rues de Brazzaville, panneaux flambant neufs et banderoles hautes en couleur avaient commencé à fleurir, vantant tel ou tel leader à plusieurs mois du scrutin présidentiel. Le maire Dieudonné Bantsimba a décidé d’y mettre fin, rappelant que la révision électorale n’est pas une pré-campagne.
Le communiqué, diffusé le 17 septembre 2025, oblige les propriétaires de supports politiques à les retirer sans attendre. Il prévient qu’au-delà de soixante-douze heures, les équipes municipales démonteront le matériel aux frais des contrevenants. Le rappel sonne comme la fin d’une tolérance tacite.
La loi électorale en chiffres
Le code électoral, révisé en 2016, limite la campagne officielle à quinze jours francs avant le vote et la clôture l’avant-veille à minuit. Ses articles 25 et 26 cadrent affiches, réunions, presse et médias audiovisuels, excluant toute propagande en dehors des créneaux fixés.
Sur le papier, les dispositions sont connues de l’ensemble des acteurs. « La règle protège l’égalité entre candidats », rappelle un juriste du Barreau de Brazzaville. Pourtant, l’apparition précoce de visuels politiques demeure récurrente, souvent justifiée par la volonté d’“informer” les électeurs sur la révision.
La jurisprudence rappelle aussi que toute activité assimilable à de la promotion doit cesser dès la fin de la campagne. Des tribunaux administratifs ont déjà, par le passé, annulé des résultats locaux pour cause d’affiches restées en place, preuve que le cadre n’est pas théorique.
Les affiches trop pressées
Ces dernières semaines, des portraits géants ont fleuri sur l’avenue de la Paix, dans le quatrième arrondissement, mais aussi près des axes menant à Talangaï ou Bacongo. Des slogans appelant à « renouveler la confiance » y côtoyaient des incitations à vérifier son inscription.
Pour de nombreux habitants, la frontière entre sensibilisation civique et promotion anticipée devenait ténue. « Nous savons lire entre les lignes », sourit Mireille, étudiante à Makélékélé qui dit apprécier l’effort d’information, tout en jugeant les dimensions des affiches démesurées pour une simple mise à jour administrative.
La mairie assume et fixe un ultimatum
Face à cet emballement, la municipalité a choisi la fermeté. Le communiqué rappelle qu’aucune autorisation n’avait été délivrée pour ces visuels et que la ville peut retirer tout dispositif non conforme à l’esthétique urbaine ou à la réglementation électorale, en facturant les interventions.
« Le respect de la loi est une responsabilité partagée », insiste Dieudonné Bantsimba, contacté par nos soins. L’édile affirme agir dans la droite ligne des orientations gouvernementales : sécuriser le processus et apaiser le climat politique en offrant des conditions équitables à chaque candidat déclaré ou futur.
Réactions politiques mesurées
Plusieurs partis ont déclaré prendre acte de la note municipale. Un responsable d’une formation de la majorité souligne que « le message du maire rappelle utilement nos propres statuts ». Du côté d’une plateforme de l’opposition, on salue un geste « allant dans le sens d’une compétition loyale ».
En privé, certains stratèges reconnaissent toutefois avoir misé sur la visibilité précoce pour motiver leurs bases. La consigne est désormais de privilégier les réunions internes, les réseaux sociaux et la mobilisation porte-à-porte, autant de formats autorisés tant qu’ils n’empruntent pas le registre visuel de la campagne.
Le rôle du CSLC renforcé
Le Conseil supérieur de la liberté de communication, garant de l’équilibre médiatique, suit de près la séquence. L’institution signale qu’elle peut suspendre ou sanctionner tout contenu audiovisuel assimilable à de la propagande anticipée. Ses équipes locales travaillent de concert avec la mairie pour le suivi terrain.
Un cadre du CSLC rappelle que l’organe agit « dans l’esprit voulu par le chef de l’État : une compétition apaisée et respectueuse des textes ». Les médias sont invités à équilibrer leurs grilles et à vérifier l’utilisation d’images partisanes pendant la phase de révision électorale.
À Brazzaville, le régulateur prévoit d’installer un numéro vert pour permettre aux citoyens de signaler tout affichage litigieux. Les premières expérimentations, menées lors des législatives de 2022, avaient permis de retirer une centaine de supports en moins de vingt-quatre heures.
Citoyens, premiers concernés
Sur les marchés et dans les bus, la mesure suscite surtout des questions pratiques. Beaucoup ignorent encore les modalités exactes de vérification de leur nom. Les comités de quartiers, appuyés par des agents recenseurs, multiplient les séances d’explication pour éviter que l’amende remplace la pédagogie.
À Bacongo, un chef de secteur confie que l’objectif est d’inscrire ou de confirmer chaque électeur, pas de le convaincre. « Nous insistons sur la neutralité », dit-il, pointant le nouveau kit d’affiches neutres fourni par la mairie : texte noir sur fond blanc, aucun logo.
Cap sur une présidentielle apaisée
En rappelant le cadre légal, la mairie espère refermer la parenthèse des débordements visuels et permettre aux formations politiques de préparer sereinement leurs programmes. Les observateurs s’accordent à dire que des règles claires, appliquées de façon uniforme, constituent la meilleure garantie d’un scrutin sans contestation.
La présidence de 2026 s’annonce encore lointaine, mais le calendrier institutionnel se précise. D’ici là, chaque acteur est invité à jouer franc-jeu. Le retrait des banderoles n’est ni un camouflet ni un privilège : juste un signal que l’État de droit commence sur les murs.