Une volonté politique renouvelée
Face à la montée des consommations de drogues, d’alcool et de tabac chez les adolescents, le Congo affirme sa détermination à protéger sa jeunesse. Les autorités ont décidé d’adopter une approche plus intégrée, combinant prévention, soins et réinsertion, afin de réduire durablement l’emprise des addictions.
Le ministre de la jeunesse et des sports, Hugues Ngouélondélé, le répète : « Il faut changer de paradigme ». Son credo : renforcer les compétences des professionnels avant même de renforcer la législation. La formation des agents de terrain devient ainsi le premier maillon d’une réponse ambitieuse.
Un atelier inédit à l’Hôtel Péfaco
Du lundi 15 au vendredi 19 septembre 2025, l’Hôtel Péfaco de Brazzaville a accueilli un atelier de cinq jours consacré à l’addictologie et à la tabacologie. Les participants venaient principalement des Centres de santé intégrés et de l’Unité de désintoxication d’Aubeville, dans la Bouenza.
Initiée par l’Agence nationale d’insertion et de réinsertion sociales des jeunes, structure publique créée en 2024, la session comptait plusieurs dizaines d’agents médicaux, infirmiers et psychologues déterminés à se doter d’outils précis pour détecter, accompagner et soigner les jeunes dépendants.
Des formateurs tunisiens salués
La Société scientifique d’addictologie tunisienne assurait l’animation pédagogique. Son expertise, reconnue dans plusieurs pays d’Afrique, a été saluée par le ministre, qui y voit un signe d’ouverture et de coopération Sud-Sud fructueuse.
« Former nos agents, c’est renforcer la capacité de l’État à dépister, soigner, mais surtout prévenir », a rappelé Hugues Ngouélondélé. Les formateurs ont alterné exposés théoriques, études de cas et mises en situation, afin de coller à la réalité des quartiers congolais.
Un programme dense et progressif
La formation comportait cinq modules, dont trois en présentiel, deux en ligne et un stage pratique d’immersion. Les thèmes abordés allaient de l’identification des substances psychoactives aux protocoles de prise en charge, en passant par l’entretien motivationnel adapté aux adolescents.
Chaque participant a appris à élaborer un plan de soins individualisé, à évaluer les risques de rechute et à travailler en réseau avec les familles, les services sociaux et la justice, garantissant une prise en charge continue après la sortie du centre.
Changer le regard sur la jeunesse
Hemery Patrick Akondjo Olandzobo, directeur général de l’Agence, a exhorté les stagiaires à considérer « une vie à sauver avant un problème à résoudre ». Ce changement de regard place la dignité du jeune au centre, encourageant l’écoute active et la non-stigmatisation.
Selon le docteur Frenel Loembé, chef de projet des centres d’addictologie, cet état d’esprit est déterminant : « Un adolescent se confie rarement lorsqu’il se sent jugé. Il faut créer un climat de confiance pour qu’il adhère à la prise en charge. »
Vers un accompagnement global
Au-delà du soin, la réinsertion sociale reste la clé. Le programme insiste sur l’orientation vers la formation professionnelle, la médiation familiale et le suivi psychologique prolongé. L’objectif est d’éviter les ruptures de parcours qui favorisent la rechute.
Les agents ont également été sensibilisés aux liens étroits entre addictions et vulnérabilités économiques. Ils sont désormais mieux armés pour aiguiller les jeunes vers les dispositifs d’accompagnement de l’emploi et de l’entrepreneuriat déjà portés par le ministère.
Des perspectives de coopération
À l’issue de l’atelier, des discussions ont été ouvertes avec des tabacologues et psychologues cliniciens belges et français pour prolonger la formation. Des modules de perfectionnement, centrés sur la prévention scolaire et la gestion du stress post-sevrage, sont envisagés.
Un réseau régional de partage de bonnes pratiques pourrait naître, renforçant la place du Congo dans les initiatives africaines de santé publique. Les responsables congolais soulignent que l’expérience tunisienne démontre l’importance d’échanges continus pour actualiser les protocoles thérapeutiques.
L’ANIRSJ, clef de voûte de la réinsertion
Créée en 2024, l’Agence nationale d’insertion et de réinsertion sociales des jeunes accompagne déjà les jeunes en conflit avec la loi. Le 3 septembre dernier, elle formait ses cadres à la médiation. L’atelier d’addictologie marque une étape supplémentaire dans la structuration de ses services.
L’Agence prévoit d’implanter des cellules d’écoute dans chaque département. Les agents nouvellement formés serviront de référents, assurant le suivi des jeunes jusque dans leur quartier. Le maillage territorial vise à rapprocher l’aide médicale et sociale des familles.
Un écho positif parmi les participants
À l’issue des cinq jours, la satisfaction était palpable. « Je repars motivée et mieux outillée pour aider nos jeunes », confie Angélique, infirmière à Makélékélé. Pour Dieudonné, psychologue à Aubeville, le stage pratique a « brisé la théorie pour faire place au concret ».
Ce retour d’expérience confirme la pertinence d’une formation interactive, où les acteurs de terrain peuvent partager leurs vécus, ajuster les protocoles et bâtir un sentiment d’appartenance. Le ministère compte capitaliser sur cet enthousiasme en programmant des sessions de recyclage annuelles.