Brazzaville se mobilise pour la transparence financière
Samedi dernier, dans un hôtel du centre de Brazzaville, le ministère des Finances, du Budget et du Portefeuille public a réuni les dirigeants de plusieurs sociétés publiques pour un atelier inédit consacré à la transmission régulière de leurs données comptables et patrimoniales.
Objectif affiché : garantir un suivi sans faille du portefeuille de l’État et hisser la gouvernance financière à des standards comparables aux meilleures pratiques internationales, tout en rassurant partenaires techniques, investisseurs et citoyens sur la solidité des comptes publics.
Le rendez-vous a rassemblé une cinquantaine de participants, parmi lesquels les sociétés pétrolières, la SNE, la SNDE, l’Agence congolaise des grands travaux et plusieurs banques, preuve d’un intérêt partagé pour la modernisation des pratiques comptables.
Transmission des données financières : un enjeu vital
Sous le thème Importance des données financières des EEPS dans la gestion de la dette et du portefeuille public, les experts ont rappelé que de nombreux risques budgétaires se nichent encore dans la dette non recensée de certaines entreprises stratégiques.
Marie-Ghislain Yebas Mandelo, directeur général de la Caisse congolaise d’amortissement, a souligné que la connaissance précise de ces engagements permettra d’anticiper leur prise en charge et de calibrer correctement les futurs budgets.
« Nous devons disposer de données de haute qualité pour élaborer des statistiques fidèles », a-t-il martelé, rappelant que l’État rembourse déjà une partie des dettes contractées par les entreprises publiques sans toujours disposer des tableaux d’amortissement complets.
Les dirigeants présents ont reconnu la nécessité d’accélérer la cadence, certains confessant que les rapports annuels arrivent parfois avec plusieurs mois de retard, faute d’outils adaptés ou de compréhension claire des exigences légales.
À terme, la non-transmission pourrait déclencher des sanctions prévues dans la loi sur la discipline budgétaire, a averti un cadre juridique du ministère, rappelant que l’obligation est inscrite dans le décret de 2019 sur la gouvernance des entreprises à participation publique.
Vers une plateforme numérique dédiée
Pour lever ces obstacles, le ministère a annoncé la conception imminente d’une plateforme numérique sécurisée qui centralisera l’enregistrement et le dépôt des états financiers, bilan social compris, réduisant ainsi les échanges papier et les déplacements coûteux.
Selon Karine Emma N’Guesso Mouandé, directrice générale du portefeuille public, cet outil offrira une interface intuitive quelque soit la taille de l’entreprise, avec des alertes automatiques pour rappeler les échéances trimestrielles ou semestrielles.
Un comité scientifique, composé d’informaticiens, de comptables publics et d’auditeurs externes, finalise actuellement le cahier des charges en veillant à l’interopérabilité avec la plateforme nationale de télédéclaration fiscale.
Les ingénieurs de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information participeront à la phase de test afin de garantir le chiffrement des données sensibles et la traçabilité des connexions.
Un guichet d’assistance physique restera néanmoins ouvert à Brazzaville et Pointe-Noire pour les petites structures encore peu familières des outils numériques, afin d’éviter qu’aucune information ne soit perdue dans la transition.
Des statistiques fiables pour des décisions éclairées
Le directeur de cabinet du ministre, Paul Malié, a rappelé que l’exercice vise à doter le Trésor d’un tableau de bord complet, incluant la dette dite cachée, afin de mieux évaluer les risques et ajuster les politiques de relance.
Disposer d’une photographie consolidée permettra également de renforcer la crédibilité du Congo auprès des bailleurs internationaux, dans un contexte où l’accès aux financements se durcit et où chaque point de transparence compte, a-t-il argumenté.
Les économistes locaux soulignent qu’une base statistique commune évitera les estimations divergentes publiées par différents organismes, lesquelles entretiennent parfois la confusion sur l’ampleur réelle de l’endettement public.
Plus les chiffres seront fiables, plus les décisions pourront cibler efficacement les investissements prioritaires, qu’il s’agisse de routes, d’équipements hospitaliers ou de soutien aux Pme, rappellent les analystes.
Le modèle s’inspire d’expériences réussies au Rwanda et au Maroc, où la dématérialisation des rapports financiers a permis de réduire les écarts d’information et d’améliorer le classement Doing Business, rappellent les consultants présents.
Prochaines étapes et attentes des entreprises
Une réunion de travail restreinte doit se tenir avant la fin du mois avec les membres du comité scientifique pour finaliser les procédures de certification et le calendrier de déploiement de la plateforme.
À plus court terme, chaque entreprise publique est invitée à transmettre un état des lieux simplifié de sa situation comptable 2023 afin de constituer un premier référentiel commun.
Plusieurs directeurs financiers, interrogés à la sortie de l’atelier, estiment que la mesure favorisera une meilleure discipline budgétaire en interne et donnera aux conseils d’administration des indicateurs comparables pour juger la performance.
Le ministère prévoit également des sessions de formation en ligne, avec tutoriels vidéo et assistance à distance, afin d’accompagner les services financiers qui ne disposent pas encore de logiciels de comptabilité adaptés.
Pour l’heure, la dynamique semble lancée : avant même la fin de la réunion, plusieurs sociétés ont pris rendez-vous avec la direction du portefeuille public pour tester la version pilote du portail et convenir d’un calendrier de migration.