Des lauriers derrière les barreaux
Recevoir un diplôme coiffé du képi de la réussite, alors même que l’on porte l’uniforme de détenu, relève d’une scène rare à Brazzaville. Pourtant, dix prisonniers de la maison d’arrêt viennent d’accrocher le baccalauréat 2025 à leur palmarès académique.
Les lauréats ont été mis à l’honneur le 20 septembre, lors d’une cérémonie présidée par le colonel-major Jean Blaise Komo, directeur général de l’administration pénitentiaire, également venue consacrer la remise d’attestations aux admis du CEPE et du BEPC.
Pour la première fois, les résultats sont célébrés in situ, transformant la cour du centre de détention en salle des fêtes improvisée. Les détenus, entourés de surveillants et d’enseignants bénévoles, ont chanté l’hymne national sous le regard touché de leurs parents invités.
Un soutien institutionnel affirmé
« Le baccalauréat est votre passeport pour l’université. Voilà pourquoi l’État vous accompagne », a déclaré le colonel-major Komo, rappelant que les années 2024 et 2025 ont été consacrées à la jeunesse par le président Denis Sassou Nguesso.
Le directeur général a remis des lots de cahiers, manuels et ordinateurs portables destinés à la future salle multimédia de l’établissement. Ce matériel doit, selon lui, permettre d’obtenir un taux de réussite « cent pour cent » à la session 2026.
Depuis 2017, l’administration pénitentiaire inscrit chaque année des détenus aux examens d’État. Elle bénéficie de l’appui du ministère de l’Éducation et d’associations comme l’ONG Horizon Jeune, qui fournissent professeurs volontaires et fascicules adaptés au contexte carcéral.
Des chiffres encourageants
Cette année, dix candidats sur quatorze ont obtenu le bac, soit un taux de 71 %, supérieur de huit points à la moyenne nationale. Au BEPC, neuf réussites sur dix inscriptions portent l’indicateur à 90 %. Au CEPE, l’établissement affiche un honorable 91 %.
Ces statistiques, vérifiées par le service des examens, démontrent les progrès constants de la formation interne. Elles attestent aussi, selon le psychologue pénitentiaire, d’un climat studieux réduisant les infractions disciplinaires de 30 % par rapport à 2023.
La demande d’une seconde chance
Au terme de la cérémonie, un des bacheliers a lu une motion sollicitant une grâce présidentielle collective. Dans son plaidoyer, il souligne que la libération permettrait de poursuivre les études supérieures et de « contribuer à la construction du Congo de demain ».
La Constitution congolaise autorise le chef de l’État à accorder des remises ou commutations de peine. Les responsables judiciaires indiquent toutefois qu’un examen individuel des dossiers reste nécessaire, un détenu ne pouvant être dispensé de ses obligations envers les victimes.
Me Rodolphe Bétou, avocat au barreau de Brazzaville, rappelle que la réussite scolaire constitue un élément favorable devant la commission grâces et libérations conditionnelles. « Elle témoigne d’efforts de réinsertion concrets, souvent pris en compte dans les avis adressés au président », précise-t-il.
Impact sur les familles et la société
Dans les gradins improvisés, les mères serrent les bulletins plastifiés contre leur pagne. Pour elles, voir la signature du directeur des examens sur le relevé de notes confirme que l’incarcération n’a pas anéanti l’avenir de leur enfant.
Nzila, professeur volontaire de mathématiques, observe que la réussite crée un climat apaisé au sein des cellules. « Préparer un devoir occupe l’esprit et réduit les tensions », explique-t-il, jugeant la scolarisation indispensable à la sécurisation durable des établissements pénitentiaires.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes saluent l’initiative, estimant qu’un détenu diplômé deviendra un citoyen productif à sa sortie. D’autres invitent les entreprises publiques et privées à envisager, le moment venu, des stages réservés aux ex-prisonniers méritants.
Perspectives pour l’année scolaire 2025
La maison d’arrêt compte déjà quarante-cinq inscrits pour la rentrée, dont six candidates au bac scientifique. Les autorités veulent diversifier l’offre en créant un atelier d’informatique et un cours de gestion axé sur la création de micro-entreprises une fois la liberté recouvrée.
Un partenariat est également envisagé avec l’Université Denis-Sassou-Nguesso pour dispenser certains modules en visioconférence, afin d’éviter les déplacements sous escorte. Le rectorat étudie la possibilité de faire passer les partiels sur tablettes sécurisées dotées d’accès internet restreint.
Interrogé sur l’avenir des bacheliers détenus, le colonel-major Komo se montre confiant : « Nous transmettrons leurs dossiers à qui de droit. Le message est clair : étudier dans l’adversité ouvre des portes, et l’administration sera toujours aux côtés de ceux qui font l’effort ».
En attendant une éventuelle grâce, les néo-bacheliers commenceront leurs cours d’anglais, de philosophie et d’initiation au code informatique dès la semaine prochaine, encadrés par des enseignants civils munis d’autorisations spéciales du ministère de la Justice.
L’expérience brazzavilloise pourrait servir de modèle aux autres établissements pénitentiaires du pays. Conjuguer sanction, instruction et insertion semble désormais la feuille de route privilégiée pour offrir à la jeunesse, où qu’elle se trouve, les moyens de contribuer activement au développement national.
Le ministère de la Jeunesse étudie enfin la création d’un fonds de micro-bourses destiné aux prisonniers admis dans l’enseignement supérieur, couvrant frais d’inscription, transport et achat de livres.