Des bacheliers derrière les murs de Brazzaville
La salle polyvalente de la maison d’arrêt et de correction de Brazzaville a résonné, le 20 septembre, d’applaudissements inhabituels. Sur les bancs alignés, quatorze détenus venaient de recevoir leur attestation de baccalauréat 2025 des mains du colonel-major Jean Blaise Komo.
Ils ne réclamaient pourtant ni privilège ni remise de peine automatique. Leur porte-parole, s’appuyant sur la proclamation de 2024-2025 comme années de la jeunesse par le président Denis Sassou N’Guesso, a demandé une grâce présidentielle ciblée pour poursuivre leurs études universitaires en toute légalité.
Leur requête, rédigée à l’encre bleue sur deux pages, cite les articles de la Constitution relatifs à la réhabilitation et évoque le message annuel du chef de l’État encourageant la jeunesse à « se former pour bâtir le Congo de demain ». Elle sera transmise officiellement.
Le soutien affirmé de l’administration pénitentiaire
Le directeur général de l’administration pénitentiaire a salué cette démarche « empreinte d’effort et de civisme ». Devant les lauréats, il a rappelé que le baccalauréat constitue le premier diplôme d’enseignement supérieur ouvrant l’accès à l’Université Marien-Ngouabi ou à l’Université Denis-Sassou-N’Guesso.
« Nous connaissons les difficultés propres à l’univers carcéral, mais vos résultats prouvent que la détermination surmonte les murs », a-t-il insisté, tout en remettant à chaque détenu son relevé de notes, document indispensable pour l’orientation dans les filières de licence.
Des résultats aux examens en forte progression
Les statistiques de 2025 confirment une progression régulière. Sur quatorze candidats au baccalauréat, treize ont été reçus, soit 93 %. Au BEPC, neuf admissions sur dix, et au CEPE, dix détenus sur onze ont décroché le précieux parchemin, un record depuis 2017.
Pour le colonel-major Komo, ces chiffres illustrent la pertinence du programme d’alphabétisation lancé dans toutes les prisons du pays. « Nous visons 100 % l’an prochain. La réinsertion ne peut être effective que si le détenu sort avec un bagage académique ou professionnel », a-t-il souligné.
Nouveaux moyens pédagogiques à la prison
Afin de consolider cet élan, la direction a livré des manuels neufs, des cahiers et trois ordinateurs portables à la salle d’étude. Les équipements doivent permettre une rentrée scolaire fluide et la préparation d’exposés grâce à une connexion Internet surveillée mais suffisante pour consulter des ressources pédagogiques validées.
Des enseignants bénévoles de l’Université Marien-Ngouabi continuent par ailleurs d’assurer des cours du soir en mathématiques, français ou sciences économiques. Leur intervention, autorisée par le ministère de la Justice, complète les séances dirigées par des instructeurs recrutés au sein même de la population pénale.
La demande de grâce présidentielle à l’étude
Dans les couloirs, l’idée d’une grâce présidentielle nourrit désormais les conversations. Juristes et conseillers pénitentiaires rappellent toutefois que la mesure relève d’un décret spécial et qu’elle suppose l’examen individuel des dossiers, incluant comportement en détention et perspective de réinsertion démontrée.
Interrogé, maître Arsène Okoumba, avocat pénaliste, estime que « la réussite aux examens, alliée à une conduite exemplaire, peut constituer un motif favorable, d’autant que la politique nationale insiste sur la seconde chance ». Il encourage cependant les détenus à maintenir leur assiduité jusqu’à la décision finale.
Les familles plaident pour la réinsertion
À l’extérieur, les familles suivent le dossier avec émotion. Nathalie Mbon, mère d’un lauréat, remercie « les autorités pour avoir exposé la lumière plutôt que l’ombre ». Selon elle, la remise publique des diplômes brise l’idée que la prison équivaut automatiquement à une rupture irrémédiable avec la société.
Les parents ont adressé une lettre collective au ministère de la Justice pour appuyer la demande de grâce. Tout en reconnaissant la faute ayant conduit à l’incarcération, ils insistent sur la valeur ajoutée que représente un étudiant réhabilité pour la communauté, en particulier dans les quartiers périphériques.
Études universitaires : quelles perspectives ?
Concrètement, si la grâce est accordée, les néo-bacheliers pourront réclamer une inscription dérogatoire à l’Université Marien-Ngouabi dès le second semestre 2026. L’établissement dispose déjà d’un service d’accueil des publics vulnérables, capable de proposer un accompagnement psychosocial et un tutorat personnalisé.
En cas de maintien en détention, une alternative est prévue : des cours universitaires seront diffusés en ligne dans une salle équipée. Le laboratoire de télé-enseignement congolais a proposé de fournir les contenus filmés des facultés de droit, de sciences et de lettres.
Maintenir la motivation et les compétences
D’ici là, la routine scolaire reprend dès cette semaine. Les élèves nouvellement inscrits au BEPC suivent une révision intensive de français, tandis que les futurs bacheliers s’exercent aux dissertations d’histoire. « L’objectif est de ne jamais laisser retomber la motivation », rappelle le surveillant principal chargé des études.
Les responsables du centre rappellent enfin que l’apprentissage ne se limite pas aux bancs. Des ateliers de menuiserie, couture et agriculture urbaine demeurent accessibles pour favoriser le développement de compétences directement utilisables à la sortie. Plusieurs bacheliers y participent déjà l’après-midi.
Une dynamique porteuse d’espoir national
Au sein de la maison d’arrêt de Brazzaville, la réussite scolaire alimente ainsi une dynamique de confiance partagée entre détenus, encadrement et familles. Tous espèrent qu’une décision favorable viendra couronner ces efforts et prouver qu’instruction et réhabilitation peuvent progresser main dans la main pour l’intérêt national.