Retour triomphal à l’aéroport Maya-Maya
Brazzaville s’est levée tôt jeudi pour accueillir Emmanuel Sita. À 7 h 30, la salle d’arrivée de Maya-Maya vibrait de tam-tams et de slogans célébrant le nouveau champion. Les drapeaux verts, jaunes et rouges flottaient au-dessus d’une marée de smartphones braqués sur l’athlète.
À la sortie du terminal, le combattant de 28 ans, couronné d’une simple casquette noire, a levé le poing avant d’entonner l’hymne national avec ses fans. « Je rentre fier de porter haut le tricolore », a-t-il lancé, la voix chargée d’émotion.
Un K.O. technique en moins de trois minutes
Quatre jours plus tôt, dans la cage octogonale de l’EFC-127 à Johannesburg, Sita avait mis fin au combat après deux minutes quarante-cinq secondes, infligeant un K.O. technique à Guelord Sondi, représentant la République démocratique du Congo et réputé pour sa frappe lourde.
La vidéo officielle, largement partagée sur TikTok et WhatsApp, montre une feinte de crochet gauche suivie d’un étranglement arrière imparable. « Il a combiné rapidité et précision, un modèle pour la catégorie poids léger », commente le coach sud-africain Mark Robinson, interrogé par téléphone.
Une ascension fulgurante sur le circuit international
Formé dans un petit dojo du quartier Poto-Poto, Emmanuel Sita compte désormais six combats professionnels, tous conclus avant la limite. Son palmarès le place au septième rang africain des poids légers, selon le classement spécialisé Tapology, qui suit la discipline depuis 2011.
Ses débuts remontent à 2020, année où il décrocha le championnat national de kick-boxing, avant de passer au MMA sous la houlette de la fédération congolaise en création. « Nous avons vu en lui une pépite rare », souligne le président fédéral, Michel Obakano.
Un message fort à la jeunesse congolaise
Devant la presse, le champion a insisté sur la dimension sociale de sa victoire. « La cage m’a permis de sortir du chômage », a-t-il confié, invitant les jeunes « à croire en leurs talents, sportifs, artistiques ou entrepreneuriaux, plutôt que d’attendre un concours administratif ».
Ses propos résonnent avec les orientations nationales en faveur de l’auto-emploi et de l’économie de la passion. Plusieurs élèves du lycée Pierre-Savorgnan-de-Brazza présents à l’aéroport promettaient déjà de s’inscrire au club de MMA local dès la semaine prochaine.
Entraînement, discipline et rigueur mentale
Pour se préparer à l’EFC-127, Sita a passé huit semaines dans un camp aménagé à Kintélé, alternant séances de grappling matinales, sparrings de boxe à midi et travail cardiovasculaire le soir. Le staff médical a suivi poids et hydratation grâce à un logiciel fourni par un sponsor.
« Le secret, c’est la constance », détaille son préparateur physique, le Franco-marocain Youssef El-Ansari. « Nous avons simulé des altitudes allant jusqu’à 2 000 mètres pour renforcer l’endurance, tout en insistant sur la récupération, souvent négligée dans les clubs émergents d’Afrique centrale. »
L’aspect mental n’a pas été négligé. Chaque fin de séance, Sita méditait dix minutes, casque sur les oreilles, guidé par un psychologue du sport. « Garder la lucidité quand l’adversaire charge est la clé », témoigne-t-il, sourire tranquille, malgré les cris encore présents.
Le MMA gagne du terrain au Congo-Brazzaville
Discipline longtemps confidentielle, le MMA congolais a connu un tournant en 2022 avec la légalisation officielle des compétitions et la création de ligues régionales. Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie disposent aujourd’hui de cages homologuées, attirant près de 1 500 licenciés selon la direction des sports.
Le ministre Hugues Ngouélondélé salue « une activité génératrice d’emplois directs et indirects », citant l’ouverture récente d’enseignes d’équipements sportifs sur l’avenue de la Paix. Un projet d’académie nationale, porté par le Comité olympique, est à l’étude pour sécuriser les pratiques.
Selon l’économiste sportif Arsène Mavoungou, une soirée de combats bien médiatisée peut peser « près de 80 millions de francs CFA en retombées locales », entre billetterie, restauration et transport. Cette dynamique pourrait être stimulée par la victoire d’Emmanuel Sita, devenue virale.
Partenariats et ouverture vers la compétition mondiale
Sita a annoncé, sans en dévoiler les détails, avoir signé plusieurs accords avec des promoteurs étrangers pour financer la préparation de dix athlètes congolais aux tournois EFC et Brave. « Il est essentiel que la relève puisse voyager et accumuler de l’expérience », explique-t-il.
Le groupe télécoms MTN Congo envisage de produire une mini-série documentaire retraçant la route du champion jusqu’à Johannesburg. De premiers repérages ont eu lieu à Makélékélé, son quartier d’enfance, afin de « montrer que les rêves se forgent dans les ruelles poussiéreuses ».
Prochain défi et attentes du public sportif
Selon son manager, une défense de titre est prévue au premier trimestre prochain contre le Namibien Jason Uanivi. Les négociations devraient aboutir à Windhoek ou à Addis-Abeba. « Où que ce soit, je me rendrai avec la même détermination », assure Emmanuel Sita.
À Brazzaville, les supporters espèrent voir bientôt un gala d’envergure dans la future Arena de Kintélé. Les autorités étudient la faisabilité d’un événement conforme aux standards de diffusion internationale, convaincues que « le sport peut devenir un pilier de l’attractivité nationale ».
De son côté, le champion savoure le moment mais garde la tête froide. « Je n’ai pas encore atteint mon apogée, je veux ramener une ceinture mondiale au Congo », promet-il. Son sourire tranquille résume l’espoir collectif qu’il vient d’enflammer.