Un préavis de grève illimitée
Réunis en assemblée générale à Brazzaville, les représentants du Mouvement national des enseignants du Congo ont voté, le 25 septembre, un arrêt de travail illimité à compter du 1er octobre 2025 à 7 h. Le mot d’ordre couvre toutes les écoles publiques du pays, sans distinction de région ni niveau.
Des revendications salariales détaillées
Le syndicat explique ce recours ultime par la non-prise en compte répétée de cahiers de charges réactualisés chaque année scolaire. Ses délégués estiment que plusieurs promesses, notamment financières, n’ont pas encore trouvé de traduction concrète dans les budgets exécutés, malgré des échanges réguliers avec l’administration, ces dernières années.
Parmi les requêtes phares figure l’application, dans son volet pécuniaire, du statut particulier des enseignants adopté en 2017. Les responsables du Mnec rappellent que le texte prévoit des primes d’incitation et des indemnités de résidence destinées à soutenir l’attractivité des salles de classe, notamment en zones rurales reculées.
Le mouvement réclame également le paiement des rappels de solde d’activité dus à plusieurs promotions, ainsi que quatre à cinq mois de bourses pour les enseignants volontaires et communautaires. Ces derniers, très présents dans les collèges d’arrondissement, constituent un maillon essentiel de l’offre éducative nationale depuis des années.
Un système éducatif en mutation
Depuis une décennie, le système éducatif congolais connaît une mutation marquée par la construction d’établissements, la digitalisation des programmes et la formation continue des maîtres. Toutefois, les effectifs en hausse rapide fragilisent encore les conditions d’apprentissage, souligne Étienne Mabiala, inspecteur pédagogique, joint par téléphone depuis Pointe-Noire hier soir.
Selon lui, l’enjeu central reste la motivation de l’enseignant. « Une grille salariale lisible, assortie de rappels réglés, stabiliserait les équipes », avance-t-il. Il estime qu’un dialogue apaisé peut concilier viabilité budgétaire, équité sociale et ambition d’une école performante pour tous les apprenants, dans les villes comme dans les campagnes.
Position du ministère et ouverture au dialogue
Du côté du ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et alphabétisation, on affirme suivre « avec attention » les doléances. Un cadre, requérant l’anonymat, rappelle que les discussions budgétaires pour l’exercice 2026 sont en cours et que des enveloppes sont déjà prévues pour les primes et la titularisation progressive annoncée.
Le même interlocuteur met en avant la mise en application graduelle du statut particulier, entrée dans sa phase technique. « Les arrêtés interministériels seront publiés après arbitrage des Finances », assure-t-il. Il invite les enseignants à « privilégier la salle de classe pendant que la négociation continue », en toute bonne foi.
Parents et élèves entre inquiétude et organisation
À Brazzaville comme à Dolisie, de nombreux parents rencontrés devant les librairies disent redouter un retard dans l’achèvement des programmes. Néanmoins, certains assurent comprendre les revendications. « Si les maîtres sont rassurés, nos enfants apprendront mieux », résume Armelle Nzoungani, mère de trois collégiens inscrits au lycée l’an prochain aussi.
Les associations d’élèves, pour leur part, envisagent des cours de soutien mutualisés afin de limiter la rupture pédagogique. Le collectif Brazzaville Études Solidaires veut mobiliser des bénévoles diplômés. « Nous attendons le calendrier définitif pour adapter nos centres », affirme son coordinateur Jean-Didier Opimbat, joint en début d’après-midi mardi dernier.
Impact économique et social
Au-delà de la scolarité, l’annonce de la grève touche l’économie de proximité. Les cantines scolaires, souvent gérées par des coopératives féminines, craignent une baisse de fréquentation. Les transporteurs urbains redoutent aussi une chute d’activité aux heures de pointe, synonyme de recettes moindres, observe Michel Tsiaki, analyste sectoriel local.
Pour limiter ces effets, plusieurs mairies envisagent de maintenir ouvertes les bibliothèques municipales et d’y organiser des ateliers ludiques. À Pointe-Noire, un projet de bus numérique, développé avec une start-up congolaise, pourrait circuler dans les quartiers périphériques si l’arrêt des cours se prolonge, pendant les vacances anticipées éventuelles.
Cadre légal et droits syndicaux
Le droit de grève des agents publics est encadré par la Constitution et par le décret de 2009 relatif aux services essentiels. Juristes et syndicalistes s’accordent pour rappeler l’obligation de service minimum, notamment pour les examens nationaux. Aucune session certificative n’est programmée en octobre, selon le calendrier officiel.
Dans une note interne consultée, la Direction des examens annonce cependant la constitution prochaine d’un pool de correcteurs suppléants, « par mesure de prudence ». Les doyens d’inspection affirment pouvoir mobiliser des retraités, si l’échéance d’avril pour le baccalauréat venait à être menacée, à titre exceptionnel, précise la même source.
Perspectives de dialogue social
Le Mnec indique rester disponible pour toute réunion avant la rentrée. « Notre porte n’est pas fermée », assure son porte-parole Clotaire Ebo. Il propose une commission mixte pouvant se tenir au siège du ministère afin d’aboutir à un protocole évalué chaque trimestre, par les deux parties dès octobre prochain.
Pour de nombreux observateurs, la marge de manœuvre dépendra de l’arbitrage budgétaire attendu au Parlement. Les syndicats espèrent que les recettes issues des hydrocarbures, en légère progression selon la dernière note de conjoncture, permettront d’absorber une partie des rappels sans grever les autres programmes sociaux, en cours d’élaboration.