Une opération coup de poing à Brazzaville
Dans la nuit de vendredi à samedi, les pick-up blancs de la Direction générale de la sécurité présidentielle et les blindés légers de la Garde républicaine ont investi les artères d’Ouenzé, Talangaï et Mfilou. Sirènes éteintes, les équipes ont encerclé les « écuries » où se regroupent les bandes baptisées « bébés noirs ».
Selon les premières estimations obtenues auprès d’un officier de terrain, plus d’une centaine de suspects ont été interpellés en quarante-huit heures. Des machettes, couteaux papillons et drogues de synthèse ont été saisis. « Il fallait frapper fort pour briser l’impunité », confie cet officier au terme de la deuxième nuit.
L’opération s’inscrit dans un dispositif élargi initié par les autorités afin d’enrayer la recrudescence d’agressions nocturnes. Des unités mobiles restent déployées pour empêcher tout effet rebond, signe d’une stratégie qui veut aller au-delà d’un simple coup de filet ponctuel.
L’appui décisif de la population
Point notable, les habitants participent activement. Des numéros verts ont été communiqués en amont et plusieurs informateurs de quartier ont guidé les patrouilles vers des caches. « Nous ne pouvions plus vivre la peur au ventre », témoigne Marcel, commerçant du marché Texaco, qui a signalé un repaire voisin.
Les élus d’arrondissement relayent les informations collectées. Ce partenariat civilo-militaire, jugé indispensable par l’administrateur-maire de Talangaï, se veut respectueux des droits : « Les dénonciations anonymes sont vérifiées avant intervention afin d’éviter toute méprise », précise-t-il.
Des quartiers traumatisés mais debout
Depuis plusieurs mois, les braquages à l’arme blanche s’enchaînaient sur les lignes de bus T1 et T6. Les chauffeurs roulent désormais plus sereinement. « Le simple fait de voir les patrouilles réduit la tension », note Clémence, étudiante à l’Université Marien-Ngouabi.
Les riverains saluent aussi la protection des commerces de proximité. À Djiri, un bar régulièrement racketté a rouvert dimanche soir. « Nous avons gardé les chaises à l’intérieur par prudence, mais la clientèle revient peu à peu », raconte le gérant, optimiste.
Radiographie d’un phénomène protéiforme
Les « bébés noirs » se recrutent souvent parmi les adolescents déscolarisés. Ils se distinguent des « kulunas », plus structurés et influencés par certaines cultures urbaines de la région. Tous recourent aux armes blanches, rendant les interventions délicates dans des ruelles exiguës.
Le phénomène gagne parfois l’arrière-pays. Des suspects ont été signalés à Nkayi et Dolisie, preuve de la mobilité croissante des groupes. Les forces de sécurité envisagent donc des opérations simultanées pour éviter l’effet ballon de baudruche.
Cap sur la reconquête des espaces publics
Au-delà des arrestations, la mission vise à réoccuper durablement les zones jadis abandonnées à la délinquance. Des points de contrôle fixes sont installés près des marchés et des terminaux de bus. « La visibilité de l’uniforme rassure », insiste un responsable de la GR.
Les autorités rappellent que la restauration de l’autorité de l’État passe aussi par une meilleure éclairage public, la remise en état des voiries et la réouverture des commissariats de proximité. Des budgets sont annoncés pour accélérer ces chantiers dans les quartiers concernés.
Prévention et réinsertion, l’autre bataille
Le ministère des Affaires sociales prépare un programme d’insertion pour les mineurs arrêtés, en lien avec la Protection judiciaire de l’enfance. Ateliers de menuiserie, cours de rattrapage scolaire et suivi psychologique figurent au menu afin de réduire la récidive.
« Sécuriser n’est pas seulement neutraliser, c’est offrir des perspectives », rappelle le sociologue Guy-Arnaud Mabika, qui suit le dossier. Il préconise également des activités sportives encadrées pour canaliser l’énergie de la jeunesse des quartiers nord de Brazzaville.
Consignes utiles pour rester vigilant
Les forces de sécurité recommandent d’éviter les déplacements solitaires tard dans la nuit et de composer sans attendre le 117 ou le 118 en cas de mouvement suspect. Les transporteurs sont incités à fermer leurs portes avant le démarrage et à signaler tout passager armé.
La police judiciaire conseille aussi de limiter la circulation d’objets de valeur visibles, notamment smartphones, afin de ne pas attiser la convoitise. Des séances de sensibilisation sont prévues dans les écoles dès la rentrée pour diffuser ces réflexes de prudence.